Mais où est donc passé le préfet de Martinique ?

Préfecture de Martinique, rue victor Sévère
Le 15 janvier 2020, le préfet de Martinique a été nommé en Corse. Contrairement aux usages, aucun successeur ne le remplace. Comment comprendre cette anomalie ?
 
Cherche préfet désespérément. Si vous avez une idée, prière de s’adresser aux ministres de l’Intérieur et des Outre-mer. Si vous voulez postuler, mêmes adresses. Il vous suffit d’avoir été élève de l’ENA ou, à défaut, d’être muni d’un diplôme à Bac+5, et d’avoir une expérience de haut fonctionnaire en préfecture ou dans un ministère de préférence.

Si en plus vous êtes élyséo-compatible, ça peut aider. Nul besoin d’adhérer au parti du président, l’essentiel étant de pouvoir appliquer sa politique sans trop rechigner. Si le contexte explosif de la Martinique ne vous fait pas peur, vous serez le bienvenu. Les habitants de "cette version absurdement ratée du paradis", dixit Césaire, y sont habitués.

Le climat ? Grèves pour un oui ou pour un non, transport public cachexique, communes endettées jusqu’au cou, brume de sable presque tous les jours, bancs sargasses à l’horizon, ouragans angoissants, volcan prêt à exploser, séismes trihebdomadaires.
 

Un poste à hauts risques


Ajoutons les conséquences du vieillissement de la population, contre lesquels personne n’a rien préparé; l’émigration massive des jeunes contre laquelle personne n’a rien préparé; la bombe atomique des effets du chlordécone, contre laquelle personne n’a rien préparé. Sans oublier la fermeture de la totalité des 66 collèges et lycées et plusieurs écoles élémentaires et la disparition de l’unique journal quotidien.

Si ce pays, proprement ingouvernable, ne vous effraie pas, vous serez le bienvenu. Ce pays a besoin de quelqu’un manant la carotte et le bâton, la médaille et la matraque.

Depuis le 15 janvier 2020, nul préfet à l’horizon. A moins qu’il n’ait été nommé, et que nous n’en sachions rien. Soit il s’est désisté, soit il s’est trompé d’avion à Orly. A moins que le président soit fâché que certains élus ont remué ciel et terre pour renvoyer l’ancien locataire et nous punit en ne lui nommant aucun successeur.

Cela est déjà arrivé, il y a longtemps. En 1717, les colons mécontents de l’activisme légaliste du nouveau gouverneur et de l’intendant général (l’équivalent du trésorier payeur général) les ont renvoyés à Versailles manu militari. Pendant huit mois, les postes occupés par les sieurs de La Varenne et Ricouart sont restés vacants. Toute ressemblance avec ce fait ancien ne serait que fortuite, bien entendu.