Les habitants du Canal Alaric à Fort-de-France, se sentent délaissés et témoignent du fragile équilibre entre les communautés

Une épave de voiture occupe la place des fêtes au Canal Alaric, Sainte-Thérèse, Fort-de-France
Au Canal Alaric à Fort-de-France, l’espace de fêtes est devenu un terrain vague encombré d'épaves de voitures. Les Martiniquais refusent les logements ici car ils jugent le quartier insalubre. Ce sont les personnes issues de l’immigration qui acceptent de vivre à Canal Alaric.

Angélique Rinna, coordinatrice de l’Association des locataires de Canal Alaric (ALCA) et membre du Conseil citoyen de Sainte-Thérèse, estime que 45% des 430 habitants de Canal Alaric sont issus de l'immigration, principalement d’origines haïtiennes.

Avec 4 salariés et un apprenti, l’ALCA vient en aide aux personnes qui veulent rédiger des courriers administratifs, postuler pour un emploi ou remplir des fiches d’impôts.

Les locaux de l'ALCA, Association des locataires de Canal Alaric avec la coordinatrice, Angélique Rinna

Mais 65% de l’activité de l’ALCA est consacrée aux étrangers. Les demandes d’asile, titres de séjour, logements, et accès aux droits. Pour les étrangers, ces procédures sont lentes et longues.

C’est le cas d’une jeune mère et ses 3 enfants qui sont aidés par l’ALCA. Elle a dû quitter Haïti il y a 5 ans avec les enfants après l’assassinat de son mari. Après un passage par la République-Dominicaine et la Dominique, ils sont arrivés à la Martinique où ils attendent toujours un titre de séjour.

La pandémie freine la délivrance des titres de séjour

Les étrangers sont reçus par Vanessa Nicolas, médiatrice sociale au sein de l'ALCA depuis 2017. Il y a quelques ressortissants de Sainte-Lucie et de la Dominique qui ont besoin d'un accompagnement administratif mais 95% de ses clients sont Haïtiens.

Il y a de plus en plus de demandes. En 2021, il y en avait 185, en 2022 c’était 315, presque le double. Par rapport à la situation d’insécurité en Haïti, les demandeurs d’asile veulent de la protection.

Vanessa Nicolas, médiatrice sociale, ALCA

Sainte-Thérèse terrain d'accueil

Le quartier Sainte-Thérèse a toujours accueilli les ressortissants d’Haïti et de la Caraïbe. Aujourd'hui, les associations ont le sentiment d'avoir été abandonnées or l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile nécessite une plus grande implication de la part des autorités.

Les associations comme ALCA animées par des femmes sont submergées. Ce sont elles qui sont en première ligne pour régler les incivilités dans le quartier. Parfois elles se sentent menacées. Les tensions montent contre "les étrangers qui viennent ici pour foutre le bordel." Les associations estiment que les autorités ont tout simplement abandonné le Canal Alaric.

Les Haïtiens qui sont ici depuis longtemps et certains nouveaux arrivés respectent leur pays d’adoption. D’autres n’ont peur de rien et il y a de la mécanique et des constructions sauvages. La mairie, la police et le bailleur social ne sont pas réactifs.

Angélique Rinna, coordinatrice de l’ALCA

Aujourd’hui le quartier est délaissé, dégradé et sale. Les enfants n’ont nulle part pour jouer. Les plus grands ne peuvent pas organiser de matchs de football.

Les membres de l'Association des locataires de Canal Alaric sur l'espace des fêtes

L’espace des fêtes de Canal Alaric est un terrain vague encombré d’épaves de voitures. Il est impossible d’aménager l’espace pour accueillir les familles.

Un sentiment d'insécurité et un cadre de vie insalubre par endroits font fuir les Martiniquais qui refusent les offres de logements à Canal Alaric.

Seuls les immigrants acceptent les conditions car ils n'ont pas le choix. Ils ont besoin d’un toit.

Epaves de voitures et déchets à Canal Alaric, Sainte-Thérèse, Fort-de-France

À Canal Alaric on trouve encore des coins paisibles dans ce quartier populaire de Sainte-Thérèse. Les habitants veulent retrouver cette qualité de vie. Ils estiment qu'il est temps pour les autorités de s'impliquer afin de rétablir la confiance et la paix sociale.

Le Canal Alaric

Le Conseil citoyen de Sainte-Thérèse interpelle les autorités

Le Conseil citoyen de Sainte-Thérèse (un dispositif de l’État qui regroupe un collège d'associations) existe depuis 2018. Ses membres veulent que les quartiers de Sainte-Thérèse soient nettoyés. Le Conseil a réussi à faire démolir des constructions illégales comme une boîte de nuit qui empoissonnait le quartier avec ses nuisances sonores.

Aujourd’hui on a de la vétusté. Beaucoup de personnes sont parties. On se demande s'il y a une vraie politique pour faire avancer les choses. On se demande à qui profite la situation de laisser les quartiers dans cet état ? On demande aux élus qui sont affectés aux quartiers qu'ils effectuent leur travail.

Rosette Jean-Louis, présidente Conseil citoyen de Sainte-Thérèse

Rosette Jean-Louis et Dina Dieuzede-Cophire, présidente et vice-présidente du Conseil citoyen de Sainte-Thérèse.

Depuis des années, les membres du Conseil citoyen de Sainte-Thérèse demandent l’enlèvement des épaves de voitures dans tous les quartiers de Sainte-Thérèse.

Avenue Maurice Bishop,Sainte-Thérèse, Fort-de-France

Ils veulent la mise en place de la signalétique pour empêcher les véhicules d’emprunter la voie du TCSP, la mise en place des caméras de sécurité et l’embellissement des quartiers. Bref des actions et des programmes sociaux concrets pour mieux vivre à Sainte-Thérèse.

Le Conseil Citoyen de Sainte-Thérèse demande l’intervention de la municipalité, de la SOAME, du bailleur social et de la CACEM. Sans la volonté politique et l'accompagnement des pouvoirs, les dangers d'un débordement contre les étrangers devient de plus en plus réel.