Connu pour détenir le triste record du prisonnier ayant passé le plus de temps derrière les barreaux (48 ans) ; Pierre-Just Marny a défrayé la chronique entre septembre et octobre 1965 en Martinique. L’ennemi public n°1 était soutenu par une grande partie de la population.
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Pierre Just Marny est né le vendredi 6 aout 1943 dans une famille de condition très modeste, à Fort de France. Dès l’école primaire, il se fait remarquer par son caractère provocateur et une fâcheuse tendance à faire l’école buissonnière.
Ainsi, à 15 ans, il est placé dans un centre éducatif spécialisé dans la prise en charge des adolescents "difficiles" (La Tracée au Gros Morne). Il s’en échappe au bout de quelques semaines pour revenir vers Fort-de-France et se lancer dans la petite délinquance, avec une bande qui se spécialise dans le vol de pièces automobiles.
Les "clients" passent commande. Les jeunes voleurs se mettent en action et livrent la pièce demandée en moins de 24 heures. Le bouche-à-oreille aidant, la petite "affaire" devient très rentable. Mais les plaintes se multiplient et la police commence sérieusement à s’intéresser à ces pratiques totalement nouvelles sur l’île.
En 1963, lors d’un énième vol de pneus, Marny et une partie de sa bande sont interpellés et jugés au tribunal correctionnel de Fort-de-France. Il refuse de dénoncer ses complices, assure être le seul auteur des faits, et est donc condamné en conséquence. Il écope de 4 ans de prison, dont deux avec sursis.
La vie de celui qui allait devenir l’ennemi public numéro 1 bascule deux ans plus tard, le 2 septembre 1965, quand il profite d’une permission pour demander des comptes à ses anciens complices. On lui doit et il a la ferme intention de récupérer "son dû". Armé d’un fusil, il se rend à Schoelcher et commence à semer les morts et les blessés ; souvent des proches de ceux qu’il cherche réellement, victimes collatérales de sa soif de vengeance.
Trois personnes sont ainsi tuées dont un enfant de 2 ans et demi (Patrick Badian), fils de l’un de ses complices présumés.
Pendant 6 jours, tous les gendarmes et policiers de l’île sont aux trousses de Pierre-Just Marny. Le quotidien France Antilles (lancé un an auparavant à la faveur d’une visite du président Charles De Gaulle), fait ses choux gras de la chasse à l’homme organisée sur l’île.
Il est aperçu à Schoelcher, au Lamentin, au Marin… Jusqu’à son interpellation, le 8 septembre à 15 heures, sur la route de Redoute, sur les hauteurs de Fort-de-France.
Le feuilleton Marny a tenu la population en haleine, et une foule se rassemble près du commissariat pour voir celui dont tout le monde parle de plus près. Pierre Just Marny en profite pour transmettre un message aux journalistes. Une lettre ouverte dans laquelle il explique ce qui a motivé son action, affirmant avoir volé pour le compte de plusieurs personnes -et même être allé en prison pour elles- et ajoutant que les concernés avaient refusé de le payer pour cela. Une lettre signée du surnom qu’il s’est choisi : La panthère noire.
Marny ne restera pas bien longtemps sous les verrous du 118 rue Victor Sévère. Le 10 octobre, moins d’un mois après son arrestation, il parvient à se faire la belle ; et une nouvelle cavale commence.
Une partie de l’opinion a déjà pris fait et cause pour celui qu’elle considère désormais comme un "héros du peuple". Marny va donc bénéficier de la bienveillance des habitants des quartiers populaires dans lesquels gendarmes et policiers ne s’aventurent que très rarement.
Il a notamment ses habitudes à Sainte-Thérèse où il se mêle aux autres jeunes du quartier, qui se gardent bien de dénoncer celui qui met toutes les forces de l’ordre sur les dents.
Cette seconde chasse à l’homme va durer 11 jours, jusqu’à ce qu’un gardien de prison donne l’alerte, le 21 octobre, après avoir reconnu le fugitif devant une épicerie de Saint-Thérèse.
Vers 18H30, deux gendarmes approchent et ordonnent à un Pierre Just Marny désarmé de se mettre face contre terre ; ce dernier refuse de se coucher et les militaires ouvrent le feu. Touché par trois balles (à l’abdomen et aux poumons) il s’écoule et est transporté dans un état très sérieux à l’hôpital Clarac à Fort-de-France.
"Yo tiré anlè Marny ! (On a tiré sur Marny) ! "… L’information se répand très rapidement dans le quartier et entraine un véritable soulèvement populaire. Une rumeur avance que Marny a été dénoncé par une épicière du quartier, dont le commerce est immédiatement incendié. Arrivés sur place pour rétablir l’ordre, les gendarmes sont caillassés par des dizaines de jeunes. Les affrontements vont se poursuivre pendant trois jours sur la seule voie d’accès permettant de rejoindre Fort de France. La ville est donc totalement paralysée.
Ces trois journées d’émeutes ont fait un mort et 40 blessés.
Opéré en urgence, Pierre-Just Marny est, en revanche, sorti d’affaire. Mais craignant de nouveaux débordements, les autorités décident de l’envoyer discrètement en France.
Le 24 novembre, il est donc transféré en pleine nuit à Paris, à bord d’un avion militaire.
Quatre ans plus tard, le 27 septembre 1969, il est condamné aux assises à la réclusion criminelle à perpétuité. La panthère noire ne reverra sa Martinique natale qu’en Mai 2008, soit 43 ans après ses crimes.
Il est alors toujours prisonnier et a pratiquement perdu la vue. Considéré comme un détenu "très dangereux" depuis qu’il a crevé l’œil d’un gardien lors d’une altercation en 1975, il va se battre pendant 3 ans, avec ses avocats, pour tenter d’obtenir une libération, en vain.
Le plus ancien prisonnier de France n’aura droit qu’à une seule journée de liberté –ou plutôt 6 heures- le temps d’une permission, en compagnie de ses proches, et d’un bain de mer au Vauclin.
(Re)voir le reportage sur l'affaire Marny :
Pierre-Just Marny finit par abandonner sa lutte, en mettant fin à ses jours dans sa cellule du centre pénitentiaire de Ducos, au petit matin du 7 août 2011, le lendemain de son 67e anniversaire.
Ainsi, à 15 ans, il est placé dans un centre éducatif spécialisé dans la prise en charge des adolescents "difficiles" (La Tracée au Gros Morne). Il s’en échappe au bout de quelques semaines pour revenir vers Fort-de-France et se lancer dans la petite délinquance, avec une bande qui se spécialise dans le vol de pièces automobiles.
Les "clients" passent commande. Les jeunes voleurs se mettent en action et livrent la pièce demandée en moins de 24 heures. Le bouche-à-oreille aidant, la petite "affaire" devient très rentable. Mais les plaintes se multiplient et la police commence sérieusement à s’intéresser à ces pratiques totalement nouvelles sur l’île.
L’heure des comptes
En 1963, lors d’un énième vol de pneus, Marny et une partie de sa bande sont interpellés et jugés au tribunal correctionnel de Fort-de-France. Il refuse de dénoncer ses complices, assure être le seul auteur des faits, et est donc condamné en conséquence. Il écope de 4 ans de prison, dont deux avec sursis.
La vie de celui qui allait devenir l’ennemi public numéro 1 bascule deux ans plus tard, le 2 septembre 1965, quand il profite d’une permission pour demander des comptes à ses anciens complices. On lui doit et il a la ferme intention de récupérer "son dû". Armé d’un fusil, il se rend à Schoelcher et commence à semer les morts et les blessés ; souvent des proches de ceux qu’il cherche réellement, victimes collatérales de sa soif de vengeance.
Trois personnes sont ainsi tuées dont un enfant de 2 ans et demi (Patrick Badian), fils de l’un de ses complices présumés.
Une cavale suivie quotidiennement par France-Antilles
Pendant 6 jours, tous les gendarmes et policiers de l’île sont aux trousses de Pierre-Just Marny. Le quotidien France Antilles (lancé un an auparavant à la faveur d’une visite du président Charles De Gaulle), fait ses choux gras de la chasse à l’homme organisée sur l’île.
Il est aperçu à Schoelcher, au Lamentin, au Marin… Jusqu’à son interpellation, le 8 septembre à 15 heures, sur la route de Redoute, sur les hauteurs de Fort-de-France.
Le feuilleton Marny a tenu la population en haleine, et une foule se rassemble près du commissariat pour voir celui dont tout le monde parle de plus près. Pierre Just Marny en profite pour transmettre un message aux journalistes. Une lettre ouverte dans laquelle il explique ce qui a motivé son action, affirmant avoir volé pour le compte de plusieurs personnes -et même être allé en prison pour elles- et ajoutant que les concernés avaient refusé de le payer pour cela. Une lettre signée du surnom qu’il s’est choisi : La panthère noire.
Évasion et seconde chasse à l’homme
Marny ne restera pas bien longtemps sous les verrous du 118 rue Victor Sévère. Le 10 octobre, moins d’un mois après son arrestation, il parvient à se faire la belle ; et une nouvelle cavale commence.
Une partie de l’opinion a déjà pris fait et cause pour celui qu’elle considère désormais comme un "héros du peuple". Marny va donc bénéficier de la bienveillance des habitants des quartiers populaires dans lesquels gendarmes et policiers ne s’aventurent que très rarement.
Il a notamment ses habitudes à Sainte-Thérèse où il se mêle aux autres jeunes du quartier, qui se gardent bien de dénoncer celui qui met toutes les forces de l’ordre sur les dents.
"Yo tiré anlè Marny" : 3 jours d’émeutes à Sainte- Thérèse
Cette seconde chasse à l’homme va durer 11 jours, jusqu’à ce qu’un gardien de prison donne l’alerte, le 21 octobre, après avoir reconnu le fugitif devant une épicerie de Saint-Thérèse.
Vers 18H30, deux gendarmes approchent et ordonnent à un Pierre Just Marny désarmé de se mettre face contre terre ; ce dernier refuse de se coucher et les militaires ouvrent le feu. Touché par trois balles (à l’abdomen et aux poumons) il s’écoule et est transporté dans un état très sérieux à l’hôpital Clarac à Fort-de-France.
"Yo tiré anlè Marny ! (On a tiré sur Marny) ! "… L’information se répand très rapidement dans le quartier et entraine un véritable soulèvement populaire. Une rumeur avance que Marny a été dénoncé par une épicière du quartier, dont le commerce est immédiatement incendié. Arrivés sur place pour rétablir l’ordre, les gendarmes sont caillassés par des dizaines de jeunes. Les affrontements vont se poursuivre pendant trois jours sur la seule voie d’accès permettant de rejoindre Fort de France. La ville est donc totalement paralysée.
Ces trois journées d’émeutes ont fait un mort et 40 blessés.
Prison à vie
Opéré en urgence, Pierre-Just Marny est, en revanche, sorti d’affaire. Mais craignant de nouveaux débordements, les autorités décident de l’envoyer discrètement en France.
Le 24 novembre, il est donc transféré en pleine nuit à Paris, à bord d’un avion militaire.
Quatre ans plus tard, le 27 septembre 1969, il est condamné aux assises à la réclusion criminelle à perpétuité. La panthère noire ne reverra sa Martinique natale qu’en Mai 2008, soit 43 ans après ses crimes.
Il est alors toujours prisonnier et a pratiquement perdu la vue. Considéré comme un détenu "très dangereux" depuis qu’il a crevé l’œil d’un gardien lors d’une altercation en 1975, il va se battre pendant 3 ans, avec ses avocats, pour tenter d’obtenir une libération, en vain.
Le plus ancien prisonnier de France n’aura droit qu’à une seule journée de liberté –ou plutôt 6 heures- le temps d’une permission, en compagnie de ses proches, et d’un bain de mer au Vauclin.
(Re)voir le reportage sur l'affaire Marny :