Justin Daniel a été élu le 20 mai 2021 président du Conseil Economique, Social, Environnemental, de la Culture et de l’Education de Martinique (CESECEM). Il succède à Patrick Lecurieux-Durival, occasion pour nous d’évoquer cet organe méconnu. Entretien.
♦Que représente pour vous cette élection à la présidence du CESECEM ?
Une marque de confiance et une mission à accomplir. Une marque de confiance parce que cela fait un certain temps que je travaille au sein des conseils exécutifs. J’ai été membre du conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement de la Martinique, j’ai participé à la mise en place du CESECEM.
C’est en même temps une mission parce que j’ai une ambition pour cette instance consultative. Elle doit d’abord gagner sa place, je crois que c’est déjà fait au sein du paysage institutionnel mais plus largement au sein de la société martiniquaise. Nous avons un rôle à jouer en apportant une contribution, une aide à la décision pour les décideurs.
♦Il s’agissait d’une élection à mi-mandat dans le cadre de l’alternance entre les deux sections, est-ce que ce modèle pourrait être dupliqué et appliqué dans d’autres sphères ?
Oui cela peut être envisagé mais encore faudrait-il que cela se justifie. Dans notre cas, cela se justifie pleinement parce qu’il s’agit de deux sections qui représentent des secteurs qui sont également importants pour la société martiniquaise.
Donc cette alternance vise à éviter l’on ait une vision univoque de la réalité et qu’on prenne en compte l’ensemble des caractéristiques de la société martiniquaise donc pour le CESECEM, cela se justifie pleinement. Dans d’autres secteurs peut-être mais il faudrait vérifier si c’est vraiment le cas.
♦Le CESECEM est-il davantage sollicité qu’à l’époque du CESER et du CCEE ?
Les sollicitations sont beaucoup plus nombreuses. Pour une raison bien simple, c’est que sous l’ancien système, nous étions saisis essentiellement par le président du conseil régional et accessoirement par le président du conseil général et de temps en temps par le préfet.
Aujourd’hui, nous sommes quasi-systématiquement saisis sur tous les dossiers qui relèvent des compétences de l’ancien conseil général et de l’ancien conseil régional. Il y a les saisines obligatoires puisque le CESECEM, sous peine d’annulation de toute la procédure, est obligatoirement saisi sur tous les documents budgétaires. Par exemple les orientations budgétaires, le budget primitif, le budget supplémentaire, le compte administratif.
♦Et au-delà ?
Mais nous sommes également saisis sur tous les documents de planification. D’ailleurs, il y a des schémas qui sont examinés régulièrement par l’Assemblée de Martinique donc nous sommes saisis sur ces documents.
Et puis, il y a des saisines facultatives, c’est-à-dire que l’assemblée n’a aucune obligation mais elle nous saisit tout de même. C’est fait de manière systématique. Nous nous prononçons par exemple sur tous les projets de lois, de décrets qui concernent la Martinique. Cela représente un travail relativement volumineux qui demande une mobilisation quasi permanente des conseillers du CESECEM.
"Sensibiliser aux enjeux d’aujourd’hui et à ceux de demain"
♦Puisque l’avis est consultatif, êtes-vous entendu et suivi par ceux qui vous sollicitent, les élus notamment ?
Je dois dire que nous sommes tout à fait conscients de notre rôle et des limites inhérentes à nos fonctions. Nous n’avons absolument pas la prétention d’imposer quoique ce soit aux décideurs, notre rôle se limite à apporter un éclairage. De ce point de vue, nous notons avec une certaine satisfaction que les avis que nous émettons sont parfois lus en séance notamment pour les documents budgétaires. Il est arrivé que certains de nos avis inspirent directement les débats en séance. Pour nous, c’est satisfaisant de ce point de vue-là.
♦Qu'en est-il des auto-saisines?
Ce n’est pas négligeable. Nous avons la possibilité de nous saisir d’un certain nombre de dossiers, de problèmes et d’enjeux qui nous semblent importants pour la société martiniquaise.
Et là, nous faisons un double travail, un travail à l’écart des décideurs pour leur dire attention il y a tel problème qui se pose ou qui risque de se poser à la Martinique donc il faut déclencher l’alerte. Et un travail également auprès des citoyens, la population pour les sensibiliser aux enjeux d’aujourd’hui et à ceux de demain.
♦Quels exemples dans le champ de l'auto-saisine ?
Par exemple nous avons fait un travail qui me semble intéressant sur les risques majeurs à la Martinique sur lesquels nous avons produit un rapport. Nous avons fait un travail de réflexion sur la sortie de crise avec la pandémie que nous entendons poursuivre d’ailleurs parce qu’il nous semble que pour le moment on a paré au plus pressé.
Maintenant il faut évaluer les conséquences de la crise sanitaire sur le tissu socio-économique et nous allons poursuivre nos travaux sur la question. Ce sont deux exemples parmi tant d’autres problèmes qui nous intéressent au CESECEM.
♦Comment vulgariser auprès du grand public le rôle du CESECEM dans la société martiniquaise ?
Il s’agit d’une question essentielle et je crois qu’il faut travailler dans deux directions. La première, il faut que nous soyons nous-mêmes au sein du CESECEM à l’écoute des attentes des citoyens. Il y a donc un travail très clairement d’immersion de notre part à réaliser au sein de la société martiniquaise.
Moi j’ai en tête l’idée d’espaces à partir de thèmes, d’enjeux permettant de croiser toutes les formes de savoirs, de connaissances. J’entends par-là des savoirs traditionnels, ceux des experts mais dans une horizontalité de façon que tout le monde puisse prendre la parole, s’exprimer. L’idée étant que l’on puisse se nourrir et s’appuyer sur l’expertise citoyenne.
♦Toutefois, il faudrait au final sans doute partager le fruit de la réflexion avec cette population pour une appropriation partagée a minima…
Nous on s’en nourrit, on produit des avis et des rapports. Mais en même temps, il faut absolument prévoir la restitution. On ne peut pas s’imprégner de tous ces savoirs sans qu’à un moment donné il n’y ait à nouveau un échange avec les citoyens. Pour moi, c’est extrêmement important.
Et puis je pense que nous devons aussi nous appuyer sur tous les outils de communication qui existent, les médias traditionnels qui peuvent parfaitement relayer les avis circonstanciés que nous émettons. Mais nous avons aussi notre propre outil de communication avec le site internet du CESECEM, tout cela mérite d’être porté à la connaissance des Martiniquais.
Nous au CESECEM, il faut que l’on fasse passer le message de notre réelle volonté de travailler en interaction complète avec les citoyens martiniquais.
♦Quels sont les projets ou chantiers sur lesquels les conseillers du CESECEM se penchent actuellement ?
J’ai demandé dès mon élection aux deux présidents de sections de faire un point sur les dossiers en cours et de préparer des orientations dans une perspective transversale. Il y a probablement des choses qui sont en préparation et qui vont émerger. Moi je vois au moins deux dossiers essentiels.
La sortie de crise à la Martinique mais de manière multi-dimensionnelle, pas simplement la dimension économique. Il y a la dimension sociale car on le sent confusément, cette crise a contribué à amplifier les inégalités structurelles que l’on trouve au sein de la société martiniquaise. Il y a la dimension culturelle, on a vu tous les problèmes rencontrés par les artistes durant cette période.
Donc tout ça, ça peut faire l’objet d’une approche transversale, un projet de réponse à la crise ayant une dimension structurante, ça c’est une orientation forte pour le CESECEM dans les mois à venir.
L'eau : "...une série d’enjeux sur la gouvernance, sur la préservation de la ressource"
♦À l’approche des élections et du renouvellement de la collectivité territoriale, est-ce que le CESECEM peut travailler sereinement et poursuivre ses missions ?
Vous connaissez la formule que j’enseigne à mes étudiants, le roi est mort, vive le roi…en fait, les hommes survivent aux institutions. Notez en plus que s’agissant du CESECEM, il y a un décalage très net entre les deux calendriers.
Le calendrier de renouvellement du CESECEM n’est pas celui de l’assemblée par conséquent, nous continuons à travailler et de manière tout à fait sereine. Par sa composition et sa vocation, le CESECEM n’a aucune prétention sur le plan politique. Nous sommes un organe caractérisé par une très grande diversité et une très grande liberté d’expression quelles que soient les orientations des uns et des autres.
Par conséquent de ce point de vue-là, il n’y a aucun souci à se faire, nous continuons à travailler comme nous avons pris l’habitude de le faire depuis l’installation du CESECEM.
♦S’il y avait une ambition forte pour le CESECEM, ce serait laquelle ?
Ce serait d’apporter toute notre contribution à faire avancer un certain nombre de dossiers aux côtés des élus qui prennent la décision, j’insiste là-dessus, nous ne prenons pas de décision. Ce serait sur des dossiers qui tiennent à cœur les martiniquais, il y en a un en particulier c’est celui de l’eau.
C’est un dossier multi-dimensionnel. L’eau ce n’est pas simplement la distribution, derrière ça il y a toute une série d’enjeux sur la gouvernance, sur la préservation de la ressource. Il y a des travaux qui ont été faits sur le plan universitaire.
Je participe, à titre personnel, à des recherches sur les rapports des citoyens martiniquais à l’eau. On se penche sur les comportements, les attitudes que nous avons face à cette ressource-là... je pense que sur cet exemple qui en est un parmi d’autres, nous sommes donc prêts à apporter toute notre contribution pour accompagner les élus dans leur décision.
Le bureau du CESECEM
Président : Justin Daniel
Vice-présidents : Eric Bellemare – Yves-Marie Seraline
Conseillers membres du Bureau
Raphaella Be-Grosmangin
Éric Bellemare
Justin Daniel
Alain Hierso
Myriane Joly
Patrick Lecurieux-Durival
Patrick Marius Ma
Céline Rose
Yves-Marie Séraline
Joëlle Taïllamé
Philippe Villard