Devons-nous craindre une abstention massive aux élections territoriales ? La question se pose, même si nul ne peut y répondre, à J-4 du premier tour de scrutin des élections territoriales. Surtout qu’il s’agit d’un phénomène complexe.
Sans jouer les devins, force est de constater que le rendez-vous électoral imminent provoque un enthousiasme mesuré. La crise sanitaire y est pour beaucoup. Le ralentissement de la vie sociale qu’elle provoque perturbe les esprits. Il convient d’admettre que nous ne pensons guère que les échéances électorales constituent une priorité.
Ceci posé, il convient de rappeler que ce type de rendez-vous est largement boudé. Le taux de participation aux élections régionales, ces trente dernières années, oscille de 61% en 1983, pour les premières élections de ce type, à 41% en 2015. Cette diminution de la participation est constante, estime le politologue Justin Daniel.
Pour lui, elle risque d’être accentuée cette année. Les citoyens pourraient exprimer leur mécontentement envers l’élite politique supposée être, à tort ou à raison, responsable du marasme dans lequel nous sommes englués. Le Professeur Daniel analyse l’abondance des listes comme un signe de ce qu’il considère comme un signe de la décomposition du paysage politique.
Abstention-sanction et vote-sanction
Plus que d’un vote-sanction, nous risquons de constater cette année une augmentation de l’abstention-sanction, selon le terme de la sociologue française Anne Muxel. Pour elle, la perte de confiance du peuple se manifeste parfois par un boycott généralisé des urnes. Davantage que le vote blanc ou que le vote utile, l’abstention incarne un geste de protestation silencieuse et individuelle contre l’offre politique proposée.
Nous pouvons ajouter la théorie de l’économiste américain Mancur Olson pour lequel l’abstention peut s’analyser aussi comme la manifestation d’une certaine rationalité de l’homo civicus. C’est le cas du citoyen qui se demande : "Puisque ma voix ne modifiera pas les résultats, à quoi bon voter ?". C’est ce qu’Olson appelle "le paradoxe de l’action collective". En résumé : "Je reste chez moi car je sais que les autres agiront à ma place". Sous-entendu : "Ils feront le même choix que moi".
Une participation plus élevée cette année ?
Ajoutons deux autres facteurs explicatifs de l’abstention. D’abord, le désintérêt réel pour la chose politique, ou le manque d’informations sur les enjeux d’une élection. Chacun d’entre nous n’éprouve pas une curiosité égale pour les discours des candidats et la vie de nos institutions, c’est certain.
Enfin, la culture politique insuffisante ou lacunaire de certains citoyens pèse sur la participation. De multiples études montrent que les couches sociales les plus modestes se sentent souvent mal représentées par le personnel politique, perçu comme trop éloigné de leurs préoccupations. Elles protestent par le refus de voter.
Le risque, réel, d’une forte abstention cette année ne doit pas cependant décourager celles et ceux qui souhaitent exprimer leur choix, en toute conscience, en toute responsabilité. Il reste à espérer qu’ils seront les plus nombreux.