"Auto-institution des responsabilités". Il faudra s’habituer à cette nouvelle notion qui vient de surgir à l’initiative de la Collectivité Territoriale de Martinique. Traduction en langue martiniquaise : "loi mawon". Ce n’est pas plus clair, n’est-ce pas ? Il y a de quoi. Ces termes ont été rendus publics à l’occasion de la réunion plénière de l’Assemblée de Martinique (23, 24 mars 2023).
L’assemblée a voté deux décisions. D’abord, un texte de préfiguration d’une loi visant à tourner la page du chlordécone. À savoir, 55 mesures visant à prendre des actions concrètes de réparation des préjudices subis et à relancer les secteurs économiques les plus touchés par la pollution à ce pesticide.
Le texte adopté sera transmis au gouvernement afin qu’il présente devant le Parlement un projet de loi. L’idée est de montrer que la CTM est capable de préparer une loi. Une démarche approuvée par les élus de tous les bords politiques de l’assemblée, en milieu de journée de ce 23 mars 2023.
Deux décisions politiques fortes
Puis, dans la soirée, ces élus ont voté à l’unanimité aussi un dispositif définissant le périmètre des actions de la CTM dans le domaine de la diplomatie territoriale.
Une loi adoptée à l’initiative du député Letchimy en 2016 permet aux collectivités de signer des accords avec les pays voisins et organismes régionaux. Désormais, sous l’égide de l’État, la CTM pourra collaborer avec les voisins de la Caraïbe et des Amériques.
"Marronnage institutionnel"
Les élus se sont félicités de ces deux initiatives politiques fortes dans le droit fil de la théorie du "marronnage institutionnel" chère à Pierre Samot et à ses camarades de Bâtir le Pays Martinique, dont le président, David Zobda, est membre du conseil exécutif de la CTM. D’où le terme de "loi mawon", pour illustrer la volonté de nos élus territoriaux de se positionner en forces de propositions face à l’Etat.
Ce qui ne dérange pas outre mesure le gouvernement. Il a validé l’Appel de Fort-de-France de mai 2022 dont l’objectif est de redéfinir les relations des Outre-mer avec le pouvoir parisien. Un comité interministériel est prévu pour rendre concrète cette volonté de faciliter les rapports entre nos collectivités et l’administration centrale.
Desserrer le carcan centralisateur
Coïncidence ou pas, ces deux décisions de notre assemblée sont votées quelques jours après la diffusion du manifeste intitulé "Faire pays" à l’initiative de l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau. Pas moins de 200 artistes, universitaires et experts de toutes disciplines de Guadeloupe, Guyane, La Réunion et Martinique soutiennent le processus en marche de "responsabilisation de nos élus".
Ils en appellent aux peuples de nos pays pour qu’ils prennent leur destin en mains, conformément à l’Appel de Fort-de-France.
Nous ne voyons pas encore de traduction immédiate de ces initiatives politiques et intellectuelles. Il s’agit, en effet, de nouveaux horizons à tracer. Des initiatives qui peuvent être considérées comme un pas sur le chemin d’une forme d’autonomie.