L’industrie touristique serait un fardeau pour les économies caribéennes

A Sainte Lucie, le tourisme est le pilier de l'économie
Dans son rapport mensuel sur l’état de l’économie des pays caribéens, l’économiste Marla Dukharan estime que les gouvernements de la région perdent trop d’argent pour satisfaire les exigences des investisseurs du secteur touristique. Des concessions, des subventions et l'hébergement des devises dans des comptes à l’étranger profitent aux développeurs au détriment des gouvernements et du peuple de la Caraïbe.

Pendant la pandémie, entre 2020 et 2021, le secteur du tourisme a été anéanti dans la Caraïbe.

L'économiste Marla Dukharan a saisi l’occasion pour mesurer l’impact du secteur sur l’emploi, les gains de change et les flux de revenus fiscaux dans les comptes des États.

Marla Dukharan économiste

Selon l'édition de mars 2023 de son rapport mensuel économique sur la Caraïbe, elle affirme qu’après la crise Covid-19, les visiteurs sont de retour dans la plupart des pays de la région.

Depuis 2022, le tourisme de séjour à la République Dominicaine et à Curaçao est revenu au niveau pré-pandémie. En 2023, Aruba, la Jamaïque, les Bahamas et Sainte-Lucie retrouveront les nombres de 2019.

rapport mensuel économique de la Caraïbe

Mais l'économiste estime qu'on ne peut pas mesurer l’impact de ce secteur uniquement par le nombre de personnes qui fréquentent les destinations caribéennes.

Déjà en termes d'emplois dans le tourisme, la plupart des postes disponibles sont mal-rémunérés.

Si c’est bien fait, le tourisme est un secteur qui booste le développement. À mon avis, dans sa configuration actuelle, l’industrie entretient la pauvreté dans la plupart des pays de la Caraïbe.

Marla Dukharan

Les comptes bancaires domiciliés à l'étranger

Selon l’économiste, les comptes des investisseurs dans le tourisme sont domiciliés à l’étranger. Ils transfèrent uniquement ce qu’il faut pour régler les factures locales dans la monnaie du pays.

Il n'y a donc aucune visibilité des devises générées par les hôtels et infrastructures touristiques dans la Caraïbe.  

À cause de cette situation, les gouvernements n’ont pas la moindre idée des revenues exactes du secteur.   

Si les comptes de devises étaient domiciliés dans les pays de la Caraïbe, il serait possible de générer suffisamment de dollars américains pour couvrir les importations et réduire les déficits chroniques.

La Caraïbe importe la majorité des produits de consommation, comme le fioul et l’alimentation, ce qui constitue une hémorragie des réserves de devises.

Pour garantir les taux de change et stabiliser la valeur de la monnaie locale, les gouvernements sont obligés d’emprunter des dollars américains. 

L'opacité des statistiques

Dans son rapport, Marla Dukharan évoque un manque de disponibilité de statistiques et de données concernant l’industrie touristique.

 Les chiffres ne sont pas assez précis. Les subventions et les concessions accordées aux investisseurs dans le tourisme ne sont pas énumérées dans les comptes officiels.

Comment peut-on continuer à justifier les concessions offertes aux projets touristiques sans connaître les contributions nettes?

Marla Dukhara

Selon elle, si l'on avait la main sur les bonnes statistiques, le tourisme pourrait bien constituer un transfert de richesse de la Caraïbe vers les pays d’où viennent les visiteurs.