L'Union des Femmes de Martinique met en lumière "Les charbonnières" du port de Fort-de-France

Ces femmes qui ont exercé un métier difficile, ont également joué un rôle social important en Martinique. ©Peggy Pinel-Féréol
L'Union des Femmes de la Martinique organise ses journées du matrimoine (12 au 30 septembre 2022). Une nouvelle édition baptisée "Elles aussi ont construit la Martinique", avec des hommages à des personnalités et à des centaines d’anonymes qui ont participé à la construction de la société martiniquaise. C'est le cas des charbonnières qui travaillaient sur le port de Fort-de-France.

Elles s'appelaient Augustine, Sidonie ou Noéllise. Ces femmes travaillaient sur le port de Fort-de-France en tant que charbonnières de la Compagnie Générale Transatlantique.

Équipées de leurs "manne" (paniers en osier) sur la tête, ces porteuses avaient deux missions. Elles devaient décharger les cargos de charbon (houille) à leur arrivée au port et approvisionner les paquebots. Un métier difficile, pénible et peu rémunéré.

Elles étaient payées à la tâche, en fonction du nombre de paniers transportés. En plus du "marron", une pièce en métal avec le sigle de la CGT remise comme preuve d'embauche à leur arrivée le matin, elles recevaient un jeton pour chaque "manne". 

Le "marron" était remis à chaque charbonnières en début de journée pour prouver son embauche. Il est réclamé au moment de la paye.


Selon les recherches de l'Union des Femmes de Martinique (UFM), elles travaillaient "une quinzaine de jours par mois pour un salaire variant entre 4,75 francs et 8,55 francs par jour pour un transport d'1 à 2 tonnes de charbon par jour".

Les charbonnières du port de Fort-de-France ont construit l'histoire sociale de la Martinique. Notre histoire n'est pas construite que d'héroïnes ou d'impératrice. Il y a aussi des femmes exploitées, des femmes qui ont vécu dans l'ombre et il s'agit pour nous de leur donner leur place. Elles étaient plus de 400 et vivaient d'un travail de misère et dur, puisqu'elles devaient porter des paniers de 40 kilos sur leur tête du matin au soir pour une modeste somme qui aujourd'hui ne représente même pas un euro.

Marie-Joseph Sellaye, membre du bureau de l'UFM

Groupe de charbonnières du port de Fort-de-France.

En quête de travail, si pour la plupart, ces femmes étaient des quartiers populaires de la ville, certaines venaient des communes pour effectuer cette besogne. 

Les charbonnières ont également joué un rôle social important. Elles ont été les premières à s'organiser en corporation comme union de métier et caisse d'entraide et de solidarité.

Elles sont à l'origine de la construction, de la coopération et de la solidarité dans le monde ouvrier. Dans nos recherches, nous avons retrouvé aux Terres Sainville, le siège des charbonnières où se tenaient les réunions, les conférences des syndicats. C'était là que se tenaient les premières réunions syndicales. On peut dire qu'elles ont joué un rôle dans l'organisation du monde ouvrier dans le chef-lieu. En 36, il y avait déjà 15 syndicats qui y tenaient leur réunion. On peut dire que le monde syndical s'est organisé au local des charbonnières.

Marie-Joseph Sellaye

Le sort des charbonnières a été scellé avec l'évolution technologique. Au fil du temps, les bateaux à vapeur sont moins nombreux et elles ne sont plus utiles. "Très peu d'entre elles ont été recrutées en tant que docker. Ce sont les hommes qui ont pris cette place. Elles sont devenues lavandières, blanchisseuses, marchandes". 

L'exposition "Les charbonnières du port de Fort-de-France" est visible du 12 au 16 septembre 2022 au siège de l'Union des Femmes de la Martinique à Fort-de-France.