La contre-attaque des avocats de Kéziah Nuissier, « militant anti chlordecone »

Arrestation mouvementée de Kéziah.
Mi-juillet 2020, Keziah Nuissier, 22 ans, militant anti chlordecone, était interpellé à Fort-de-France, de façon musclée par des gendarmes. Si l'interpellation a été légitimée par le Procureur, les conseils de Keziah passent à l'attaque avec 3 plaintes et saisissent l'IGJ.
Plainte contre X pour des chefs de violences par personne dépositaire de l’autorité́ publique,
Plainte plainte contre X, des chefs de faux, faux en écritures par personnes dépositaires de l’autorité́ publique agissant dans l’exercice de leurs fonctions et usage de faux.

Plainte contre X devant le conseil de l'ordre des médecins de Martinique, des chefs de refus de soin, traitement discriminatoire et traitement dégradant et contraire à la dignité du patient,
saisine de l'IGJ (Inspection Générale de la Justice) à l'encontre du procureur adjoint (qui a auditionné Kéziah alors blessé) mais aussi envers le Procureur de la République, Renaud Gaudeul.

Autant d'actions en justice pour dénoncer "l'injustice procédurale claire et nette dont aurait été victime Kéziah".
Keziah Nuissier, lors de la conférence de presse (3 novembre 2020).

Les plaintes envers les forces de l'ordre


La plainte contre X pour violence par personne de l'autorité publique a été déposée au nom de Madly Etilé, la maman de Kéziah. Alors qu'elle tentait de récupérer le tambour de son fils arraché de ses mains par les forces de l'ordre, elle aurait reçu un fort coup à la poitrine de la part d'un gendarme. C'est d'ailleurs à ce moment-là que Kéziah serait intervenu pour défendre sa maman. 

S'en serait suivi une série de coups. "Genou sur les parties génitales de Kéziah, coups à la tête, et même oeil enfoncé par un pouce de gendarme", avance la défense.

Il y a un peu plus de deux semaines, le Procureur de la République, Renaud Gaudeul, expliquait l'interpellation pour le moins musclée de Kéziah. 

(Re)voir l'intervention du Procureur de la République. 
Le procureur Renauud Gaudeul fait le point sur les conclusions des rapports sur les évènements du 16 juillet à Fort-de-France
Les deux gendarmes incriminés seront sanctionnés a annoncé le Procureur.

Cela ne satisfait pas les conseils de Kéziah et sa maman. En cause, la version des faits justifiant l'interpellation de Kéziah est ainsi livrée par le Procureur.
 

L'enquête (Ndlr: de l'IGPN) a révélé que la décision de l'interpellation de Monsieur Nuissier était une décision légitime puisqu'elle faisait suite à une agression commise par l'intéressé envers un gendarme.

Renaud Gaudeul, procureur de la République 20 octobre 2020.


Cette déclaration du procureur est l'objet de la première contestation des avocats de Kéziah. Lors de la conférence de presse qu'ils organisaient le mardi 3 novembre 2020, ils ont exprimé leur détermination.
 

Les forces disproportionnées mobilisées face aux manifestants sont le signe qu'ils étaient venu casser du militant.

Eddy Arneton, avocat de Kéziah Nuissier et Madly Étilé.

 
De gauche à droite, la mère de Keziah Nuissier, l'avocat Eddy Arneton, Keziah Nuissier et l'autre avocat Raphaël Constant.
Avec un dossier de plus de 1500 pages et près de 300 vidéos (de surveillance ou d'amateurs) analysées, Maîtres Eddy Arneton et Raphaël Constant sont indignés.

Selon les vidéos qui ont été portées au dossier, l'image du coup de pied asséné par Kéziah au gendarme et qui justifie aujourd'hui son interpellation, n'apparaît nulle part.

Conseils de Kéziah Nuissier.


Mais les éléments présentés mardi par les avocats de Kéziah Nuissier sont encore bien plus accablants. Pour comprendre la plainte déposée contre X pour chefs de faux, faux en écritures par personnes dépositaires de l’autorité́ publique agissant dans l’exercice de leurs fonctions, et usage de faux, il faut remonter à la genèse de la mise en garde à vue. 

Ainsi, selon les conseils de Kéziah, suite à l'interpellation du jeune militant, un premier procès-verbal établi le 16 juillet 2020 par un capitaine de police, indiquat avoir été témoin de coups de poing porté par le jeune homme au visage d'un adjudant- chef.

Cependant, aucune vidéo de militants ou de surveillance n'attestent de ces coups de poing porté à cet adjudant. Selon les avocats de Kéziah, les éléments prouvent que le premier coup a été porté par un gendrame qui aurait matraqué le militant.

Ainsi le 17 septembre 2020 la version de forces de l'ordre pour justifier l'interpellation change ! Il ne s'agirait plus de coup de poing mais de coups de pied.


Le procureur et son adjoint, eux aussi incriminés


Maîtres Eddy Arneton et Raphaël Constant ont donc saisi l'Inspection Générale de la Justice (IGJ). Ils dénoncent clairement "des manquements" quant au respect des procédures. En effet, Kéziah, grièvement blessé à la tête, a été entendu plusieurs fois par la substitut de procureur en charge de l'instruction. 

Mais Kéziah est sanguinolent. Malgré tout, et en l’absence de certificat médical, le procureur adjoint de Fort-de-France décidait de maintenir la mesure de garde à vue.
Kéziah, non soigné, était contraint de dormir à même le sol dans une cellule qui comptait déjà deux autres gardés à vue, précise la défense.

"Un manquement aux règles élémentaires de procédure" qui conduit les conseils de Kéziah à saisir l'IGJ. Par cette action, ils attendent qu'une institution relevant du ministère de la justice se penche sérieusement sur le travail du Procureur et de son adjoint.


Une plainte aussi auprès du Conseil Supérieur de l'Ordre des Médecins de Martinique


Au cours de sa garde à vue, Kéziah a été transporté à l'hôpital Pierre Zobda Quitman à Fort-de-France. Malgré une plaie ouverte au crâne et des maux de tête insupportables, il sera renvoyé sans soin en garde à vue. Mais il est  victime de malaise. À tel point que pendant sa deuxième audition, il tâche de sang la moquette du magistrat. "Il n'a pas eu les soins nécessaires", s'insurgent ses avocats. 

Le procureur, que nous avons contacté nous a informés prendre connaissance de ces plaintes et se réserve le droit de réagir.

Quant à Kéziah Nuissier, il fait l'objet d'une plainte pour violence sur personne dépositaire de l'autorité publique. Son procès est prévu ce lundi 9 novembre  2020.