La controverse sur la nation martiniquaise, un débat inachevé

L'un des 4 premiers congrès des élus martiniquais en 2003 au conseil général à Fort-de-France.
Il y a tout juste vingt ans, le congrès des élus départementaux et régionaux était le théâtre d’une controverse portant sur l’existence, réelle ou niée, du peuple et de la nation martiniquaise. Un débat qui n’a jamais été relancé depuis.

Les Martiniquais et les Martiniquaises constituent un peuple et une nation. Tels ont été les termes de deux motions adoptées lors du second congrès des élus départementaux et régionaux, le 20 février 2002, il y a tout juste vingt ans. Les conseillers généraux et régionaux étaient réunis à l’hôtel du département, Avenue des Caraïbes à Fort-de-France pour lancer le processus de la modification de notre architecture institutionnelle.

Les élus se sont réunis durant quatre journées, du 20 février au 4 mars. L’ordre du jour était d’autant plus consistant qu’il s’agissait de basculer dans une autre époque de notre histoire politique. Un moment quasiment historique, attendu depuis de longues années par celles et ceux qui souhaitaient briser le carcan d’institutions devenues obsolètes. 

Un débat nécessaire mais confus

Dans un large consens, les conseillers généraux et régionaux ont adopté le principe de la création d’une collectivité territoriale dotée de pouvoirs élargis. Celle-ci serait gérée par une assemblée élue au scrutin proportionnel au sein d’une circonscription unique. Pas moins de quatorze délibérations ont été votées à ce sujet.

Avant d’en arriver là,  les élus se sont longuement exprimés, et déchirés, après une initiative de Francis Carole, le président du Parti de la libération de la Martinique (Palima), au nom des élus partisans de l’autonomie et de l’indépendance. Il soumettait à l’approbation de ses collègues deux principes : la reconnaissance de l’existence d’un peuple martiniquais, puis la validation de l’idée de l’existence d’une nation martiniquaise.

Les débats, vifs, ont laissé apparaître un clivage ancien. Les initiateurs des motions n’ont cessé d’argumenter sur la nécessité de reconnaître ce qu’ils estimaient être un fait sociologique objectif. Ceux qui se classaient dans le camp de la droite, toutes nuances confondues, refusaient d’aller jusqu’à ce qu’ils considéraient comme un point de non-retour.

Nation et indépendance 

Ils considéraient que parler de nation revenait à revendiquer, à terme, la création d’un Etat souverain, en clair, l’indépendance. Impossible, selon eux, la population ne souhaitant pas aller dans cette direction. Toutefois, sachant qu’ils étaient en porte-à-faux par rapport à une opinion publique convaincue de l’existence d’une personnalité martiniquaise spécifique, ils ont choisi de ne pas participer au vote.

 

La première motion, sur l’existence d’un peuple martiniquais, a été adoptée par 45 élus sur 73. La seconde motion, sur la reconnaissance d’une nation, recueillait 23 voix sur 74. Depuis, le débat est clos. Il n’a jamais été relancé à ce jour, en dépit de l’instauration de la Collectivité Territoriale de Martinique en 2015.

 

Non seulement en raison du caractère quelque peu abstrait de ce type de débat. Et aussi parce que ces idées continuent de susciter l’hostilité d’une fraction de la population. Ou plutôt du peuple, c’est-à-dire d’un ensemble d’individus liés par une culture distinctive et ayant le sentiment d’appartenir à une même communauté. Une communauté ayant vocation à partager un destin collectif. Exactement ce que sont les Martiniquaises et les martiniquais, selon toute vraisemblance !