La "Fabrique Décoloniale" est un collectif de citoyens mené par des chercheurs, historiens et artistes martiniquais, "autour de projets de décolonisation culturelle dans plusieurs domaines (culture, histoire, économie, environnement, arts, médias…)".
Cette association a été fondée "dans le contexte des tensions sociales depuis mai 2019", précédant le déboulonnage de statuts historiques à Fort-de-France et à Schoelcher par des activistes en 2020. L’association avait livré son analyse sur ces faits, en prônant l’apaisement et un dialogue démocratique.
Nous voulons rétablir, l’amour, l’unité et la transmission. Que cette société démontre qu’elle est une société de bienveillance et d’inter-compréhension (…).
Nous ne voulons pas que l’expression dans notre pays soit réduite à des actes partisans.
Nous ne voulons pas que seule une faction ou une autre décide pour l’ensemble des martiniquais, de ce qui doit être fait de notre héritage commun.
Ce que nous désirons, c’est rassembler nos forces et décider ensemble de la direction vers laquelle nous voulons avancer.
C’est dans cet état d’esprit que l’association a publié il y a quelques jours (le 23 septembre 2021) sur les réseaux sociaux et son site internet, une tribune incitant la population à se faire vacciner contre la Covid-19, au moment ou d’aucuns redoutent déjà une 5e vague, après les ravages de la 4e durant les dernières grandes vacances.
"C’est un choix éthique et politique"
Face à cette hécatombe, alors que nous disposons d’un outil de protection efficace contre la Covid-19, le vaccin fait l’objet d’une méfiance telle, qu’une sortie de crise paraît fortement compromise.
Nous affirmons que pour l’heure, la vaccination constitue notre meilleure option.
Ce n’est pas une question identitaire, c’est un choix éthique et politique.
Beaucoup de citoyens sont toujours opposés en effet à l’injection. Toutes les questions qui ont émergé depuis l’apparition de ce virus en Chine, sont "des questions communes à l’humanité. Des questions communes à tous les pays" fait observer l’association.
En Martinique, la crise sanitaire survient "à un moment crucial" poursuit la Fabrique Décoloniale, en rappelant qu’à partir de mai 2020, des groupes de jeunes Martiniquais ont exprimé "l'envie de reterritorialiser les espaces publics en détruisant plusieurs statues de personnages historiques controversés".
Les luttes contre les conséquences encore visibles du colonialisme ainsi que les luttes pour la justice réparatrice ont atteint leur paroxysme, en particulier dans le contexte de Black Lives Matter.
C’est dans cette atmosphère de tension mémorielle que la pandémie a démarré, un contexte socio-politique très agité avec la montée de postures radicales contre "l’ordre colonial", se mêlant à des actes de violence et de rejet des autorités locales.
Pour de nombreux Martiniquais, le rejet du vaccin s’assimilerait donc au rejet de la domination néocoloniale française.
En outre, la communication "anti-vax" sur les réseaux sociaux et la profusion d’informations erronées et d'annonces irrationnelles par des pseudo-scientifiques ont amplifié le chaos général.
Plusieurs acteurs politiques ont évoqué ces derniers mois "une solution martiniquaise" à trouver pour faire face au virus. Une motion a même été votée à l’Assemblée de la CTM. Mais pour LFD, "ce n’est pas de vernis identitaire dont nous avons besoin".
Nous affirmons qu’une solution martiniquaise est avant tout de protéger les vies martiniquaises.
Les angoisses face au vaccin ne peuvent être déconnectées de la relation de défiance vis- à-vis de l’état français.
Sans doute la crise de la chlordécone n’y est pas étrangère, mais elle n’explique pas tout (…).
L’attitude politique du gouvernement français par son choix criminel d'accorder une prolongation de l'utilisation du pesticide aux Antilles, a rendu les populations extrêmement réticentes à lui faire confiance quant à la gestion des questions en lien avec leur santé.
Combattre la désinformation
Il appartient aux élus locaux de faire preuve de courage politique en appelant explicitement à la vaccination.
Appeler aux seuls gestes barrières ne suffit pas.
Il faut que la désinformation soit combattue sans relâche, systématiquement, sans complaisance.
Bien que certains élus aient clairement soutenu la stratégie vaccinale en mettant en place des vaccinobus ou une communication pédagogique de proximité, ces initiatives demeurent peu nombreuses.
Ce n’est pas de vernis identitaire dont nous avons besoin. Nous avons besoin de personnes pour qui les vies martiniquaises comptent vraiment.
La voilà la première étape vers une solution martiniquaise.
Le collectif citoyen LFD pose une question pour conclure son papier intitulé "ANTICORPS Penser / Panser la Martinique en temps de pandémie" :
"Sommes-nous persuadés qu’en élaborant une cartographie de la résistance avec nos corps, nous produirons nos propres anticorps" ?
Cette tribune est à lire intégralement ICI►