Lorsque la grève démarre, le 17 janvier 1974, sur les exploitations bananières de la zone Nord-Atlantique, ce mouvement de contestation se situe dans un contexte économique et social critique. Depuis le mois de septembre 1973, les syndicats ne cessent de réclamer l’égalité sociale, la création d’emplois, l’augmentation des salaires, l’application des conventions collectives.
Le choc pétrolier de 1973 provoque une inflation mondiale rarement vue. En Martinique, les prix des produits de base (pain, huile, morue, carburants, gaz) s’envolent. Le chômage demeure à un niveau élevé. Le droit du travail est souvent bafoué.
Les grèves se multiplient : imprimerie de "France-Antilles", dockers, bâtiment, société d’électricité SPDEM, usines sucrières du Galion et du Lareinty, mairies, banques, commerce, hôtels, hôpitaux, enseignement. Collégiens et lycéens protestent contre l’augmentation du tarif de la demi-pension et de l’internat.
Le malaise social se généralise
Dans le même temps, la colère monte dans le monde rural. Les ouvriers agricoles ont des motifs légitimes de se mobiliser. Leurs conditions de vie les maintiennent dans la misère. Leurs faibles salaires ne leur permettent pas de subvenir à leurs besoins quotidiens, d’élever décemment leurs enfants et de disposer d’un logement digne.
Sur les exploitations bananières, l’ouvrier est payé à la tâche. Il doit couper une quantité de régimes de bananes dont le quota est souvent si élevé qu’il est contraint de prolonger de 2 à 4 heures sa journée de travail au-delà des 8 heures réglementaires.
Le salaire journalier n’atteint pas 30 francs, contre 35,46 francs dans la filière de la canne à sucre. Les heures supplémentaires ne sont pas payées. Il n’existe pas de prime. Les congés payés sont souvent réglés en décembre, au lieu de juillet.
Des conditions de vie misérables à la campagne
Les ouvriers protestent aussi contre l’utilisation sans protection de produits phytosanitaires toxiques qui leur procurent malaises, démangeaisons, irritations de la peau et des yeux. Leurs réclamations sont vaines. La colère ne cesse de monter dans les plantations de banane, d’ananas et d’aubergines. Elle s’étend à Saint-Joseph, Robert, François, Lamentin, Ducos, Rivière-Pilote, villes comptant de nombreuses exploitations agricoles.
À la ville comme à la campagne, le climat social est électrique. Une grève générale non limitée est décidée pour le 11 février 1974 par la CGTM, Force ouvrière, la CFDT et les enseignants de la Fédération de l’éducation nationale (FEN). L’appel est lancé le 26 novembre précédent, trois mois et demi avant le début de la mobilisation.
Elle sera massive, d’autant plus que la jonction est opérée avec la grève des ouvriers agricoles. Le gigantesque défilé à Fort-de-France le 12 février cristallise la colère des salariés. Un point de bascule est atteint, avant les événements tragiques des jours suivants dans le Nord-Atlantique, lors desquels périront Rénor Illmany, 55 ans, et Georges Marie-Louise, 19 ans.