La liberté d’expression, un droit à protéger

Maria Ressa et Dimitri Mourakov, les deux Nobel de la Paix 2021, récompensés pour leur combat pour la liberté d'expression #France inter © AFP / EyePress News / EyePress
Pour la première fois dans l’histoire du prix Nobel décerné depuis 1901, deux journalistes ont reçus celui dédié à la paix, le 8 octobre 2021. Un geste symbolique indiquant l’importance de la presse dans notre société ballottée entre doutes et incertitudes.

"Rien n’est possible sans les faits. Un monde sans faits signifie un monde sans vérité et sans confiance". Ainsi parle Maria Ressa, co-lauréate du prix Nobel de la paix. Cette journaliste de 58 ans a été couronnée par le comité réuni à Oslo, en Norvège, en raison de son engagement en faveur du respect des libertés publiques et contre la corruption dans son pays, les Philippines.

Une récompense reçue conjointement avec son confrère de Russie, Dmitry Muratov, 61 ans, rédacteur en chef du journal Novaïa Gazeta, principal média d’opposition à Vladimir Poutine. Le comité Nobel a distingué ces deux journalistes "pour leurs efforts en faveur de la liberté d’expression, qui est une condition préalable à la démocratie et à une paix durable".

Dénoncer les abus de pouvoir

 

Maria Ressa et Dimitri Muratov "sont les représentants de tous les journalistes qui défendent cet idéal dans un monde où la démocratie et la liberté de la presse sont confrontées à des conditions de plus en plus défavorables", a expliqué la présidente du comité Nobel. Ancienne correspondante de la chaîne américaine CNN en Asie du sud-est, Maria Ressa a créé son propre site d’informations, Rappler.

Elle a pris des risques physiques en dénonçant les abus de pouvoir, l’usage de la violence et l’autoritarisme croissant aux Philippines. Elle avait été honorée par le magazine Time en 2018 pour son engagement dans la lutte contre les fake news.

Pour sa part, Dmitry Muratov, défend de longue date la liberté d’expression en Russie. Pas moins de six collaborateurs de son journal ont été mystérieusement assassinés depuis sa création en 2006. Muratov a dédié son prix à ses collègues vraisemblablement tués par la police du régime de Vladimir Poutine.

Vérité et confiance, base du contrat démocratique

 

Ces récompenses tombent à point nommé pour rappeler que la liberté d’expression n’est pas encore acquise dans les quelques 200 pays et territoires de la planète. Et que les abus de pouvoir ne sont pas systématiquement sanctionnés, là où les libertés publiques ne sont pas assurées. Ces atteintes sont fréquentes dans les dictatures ou dans les régimes autoritaires.

Elles se retrouvent aussi dans les pays démocratiques, en moindre proportion, bien entendu. Les menaces pesant sur les citoyens sont certes moins violentes, mais elles sont insidieuses. Pour la journaliste philippine lauréate du Nobel de la paix, les fake news participent à la perte de crédit des élites et à la montée du populisme.

Or, les faits avérés sont à la base de la vérité et la vérité à la base de la confiance, dit-elle. Vérité et confiance, deux notions sévèrement mises à mal ces temps, ici comme ailleurs, au risque du délitement des liens sociaux. Jusqu’à quand ?