Vous avez peut-être vécu une scène de ce genre : un monsieur bien mis ou une dame d’apparence banale vous demande de taper son code secret à un guichet automatique de banque, ou de lui indiquer le prix d’un paquet de riz au supermarché. Comment avez-vous réagi ? En ignorant la demande ? Ou au contraire, en rendant service à la personne qui vous a sollicité ? Quoiqu’il en soit, vous êtes peut-être tombé sans le savoir sur une personne illettrée.
Un rappel s’impose. La personne illettrée ne déchiffre pas bien un texte et est mal à l’aise pour écrire. Elle se retrouve souvent en difficulté face aux situations simples de la vie courante et donc, exposée au risque d'exclusion sociale. En revanche, la personne analphabète ne sait ni lire ni écrire.
Un phénomène persistant
L’illettrisme n’est pas si rare que cela en Martinique. En 2014, 19% des personnes de 16 à 65 ans éprouvaient des difficultés plus ou moins fortes pour l’écriture, à savoir la lecture, la production spontanée de mots, la compréhension d’un texte simple. Un chiffre corroboré par un autre : en 2015, 20% les jeunes participants à la Journée Défense et Citoyenneté ont été détectés comme illettrés.
Des données récentes confirment ce fait social. "Sur notre territoire, on a 30% de jeunes qui à 18 ans, sont encore en grande difficulté face à la lecture, face à la compréhension en français" déclarait la rectrice de l’académie, Nathalie Mons, lors du lancement du Plan "Petits Lecteurs, Petits Compreneurs", au lycée de Bellevue (2 mars 2023).
Un jeune majeur sur trois, la proportion étonne. Ces données sont confirmées par plusieurs observateurs. Aussi, le rectorat réagit, en visant en priorité les élèves du CM 1, du CM 2, du collège et des lycées professionnels. "C'est vraiment un plan massif", résume la rectrice.
Une lutte de tous les instants
Il est rassurant que les autorités académiques aient pris des mesures drastiques pour faire reculer l’illettrisme. Il est tout aussi rassurant que la Collectivité Territoriale de Martinique appuie depuis 2020 la Bibliothèque Schoelcher dans ses missions de lutte contre l’illettrisme, contre l’exclusion, contre les fractures sociale et numérique.
Avouons-le, cependant : il est vraiment insupportable de constater de telles proportions de personnes, adultes ou jeunes scolarisés, qui subissent de vraies pertes de chances d’insertion sociale. Comment comprendre que nous en sommes encore là, après 150 ans d’école publique ? Comment analyser ce signe de l’échec du système éducatif sur ce plan ? Nous n’en avons peut-être pas forcément conscience, mais l’illettrisme constitue un véritable handicap social et personnel qui empêche l’émancipation d’un individu, de son entourage et, de proche en proche, de la société toute entière.
Alors, la prochaine fois que vous rencontrerez un monsieur bien mis ou une dame d’apparence banale vous demandant de taper son code secret à un guichet automatique de banque ou à déchiffrer l’étiquette d’un paquet de riz au supermarché, souriez-lui. Il se peut que soyez en présence de votre reflet. Nous le savons tous, nul n’est à l’abri d’une insuffisance sociale passagère ou d’un accident de la vie.
30% des jeunes martiniquais scolarisés sont en difficulté de lecture : des mesures sont en cours