La Martinique vieillit à vue d’oeil, mais ne meurt pas

Population martiniquaise dans une rue de Fort-de-France.
La traditionnelle Semaine bleue, consacrée aux personnes âgées, est l’occasion de revenir sur les causes et sur les conséquences du vieillissement en Martinique.

Depuis quelques jours, nous entendons sur tous les tons que la Martinique est devenue officiellement le territoire français comptant le plus grand nombre de personnes âgées de 60 ans et plus. L’interprétation de cette réalité varie selon nos opinions politiques ou notre manière de voir les choses. Est-ce un handicap ou un atout ? Est-ce un avantage ou un inconvénient ? À chacun de voir.

Ceci dit, la décrue démographique antillaise, la Guadeloupe connaissant le même phénomène, affecte plusieurs autres pays dans le monde, du Japon à la Suède, en passant par la Suisse et l’Italie. Près de nous, Trinidad et Cuba sont confrontés au vieillissement de leur population et à la dénatalité. Sauf que dans ces pays, il n’y a pas eu de politique planifiée visant à réduire rapidement les forces vives de nos deux pays.

Une antillaise dans le métro dans les années 60.

Rappelons que le vieillissement de la population en Guadeloupe et en Martinique est la résultante logique de politiques publiques anciennes et bien planifiées depuis le début des années 1960. Il fallait trouver des solutions immédiates et à moyen terme à la crise économique, sociale et politique qui prenait de l’ampleur à l’époque.

Le démantèlement de l’économie sucrière a généré un chômage élevé et de l’exode rural d’une population désœuvrée qui pouvait être utilisée comme armée de réserve aux mouvements nationalistes et autonomistes en pleine expansion, sur un fond de déception quant aux résultats très mitigés de l’instauration du département, quinze ans plus tôt. C’est dans ce contexte que le Bureau des migrations intéressant les originaires des départements d’outre-mer (le Bumidom) et le service militaire adapté (le SMA) ont été créés pour contenir une colère grandissante.

Des passants à la rue piétonne de Fort-de-France (Image d'illustration).

La résultante d’une politique publique planifiée

L’émigration massive organisée à partir de 1962 par l’État est l’un des facteurs majeurs du vieillissement actuel. Le Bumidom a pris en charge environ 32 000 jeunes de moins de 35 ans, jusqu’à sa dissolution en 1982. Il faut ajouter à ces émigrés accompagnés ceux qui sont partis par leurs propres moyens, dont le nombre est identique. Ce sont autant de jeunes qui n’ont pas pu construire une vie conjugale et donc leur descendance au pays natal.

Deuxième facteur du vieillissement, la dénatalité. Les femmes ont moins d’enfants que leurs mères et que leurs grands-mères. Pour être précis, trois fois moins en 50 ans. Nous comptons à peine 2 naissances par femme aujourd’hui, contre 6 à 7 il y a un demi-siècle. Le taux de fécondité est trop faible pour assurer le renouvellement des générations. Résultat mécanique : la population diminue.

Parallèlement à l’émigration et à la baisse de la fécondité, l’amélioration des conditions de vie de la population contribue à l’augmentation des seniors par rapport aux jeunes. Nous sommes mieux soignés que nos parents et plus résistants aux maladies et aux accidents de la vie.

Les personnes âgées sont, mécaniquement, plus nombreuses qu’auparavant et vivent plus longtemps que leurs aînés. En résumé, nous vivons plus confortablement et plus longtemps que les générations précédentes. Une donnée qui peut se transformer en richesse, à condition d’admettre que vieillir n’est pas mourir.