La pandémie modifie notre rapport à la mort

Cimetière des Anses-d'Arlet (image d'illustration).
Lundi 1er et mardi 2 novembre, les catholiques vont célébrer la fête de la Toussaint et le jour des Défunts. Ces traditions bien ancrées tendent à s’estomper, ne serait-ce qu’en raison de la pandémie.

La fête de la Toussaint et le jour des Défunts sont là. Eglises et cimetières connaîtront la fréquentation presque habituelle observée en ces occasions. Presque, parce que le couvre-feu, ponctuellement allégé, ainsi que les gestes barrière et la distance sociale gênent les célébrations et rassemblements.

Pour la seconde année consécutive, les catholiques seront contraints de restreindre leur manière d’observer ces deux dates importantes. Mais, plus largement, la crise sanitaire planétaire affecte le rapport que nous avons avec la mort, dans toutes les cultures du monde.

La pandémie continue de nous imposer son rythme. Il n’est pas certain que ce sera différent dans un an, vu l’état sanitaire global de la population. Cette catastrophe mondiale nous oblige, sans recul et sans préparation, à modifier notre rapport à la mort et à nos défunts. La surmortalité provoquée par le Covid-19 a brouillé nos repères dans ce domaine aussi.

Nos repères brouillés par le Covid-19

 

Nous en sommes tenus à l’écart de nos proches atteints par le virus. En cas d’issue fatale, la cérémonie funéraire est réduite au strict nécessaire. La famille se retrouve souvent esseulée. Le deuil en devient plus compliqué. La page du chagrin est de ce fait plus lourde à tourner. Ici comme ailleurs, le rituel en hommage à nos défunts s’en trouve transformé.

De nouvelles modalités sont apparues dans les rituels funéraires. Comme les  obsèques en visioconférence, les registres virtuels de condoléances, les hommages à distance. La modernité technologique n’allège pas pour autant la douleur de l’absence. Les outils techniques ne remplacent pas les rituels coutumiers. Ils permettent de les prolonger sous d’autres formes. Nous vivons avec notre temps, en quelque sorte.

Une nouvelle vision de la vie

 

Et cela, partout sur la planète. La pandémie n’affecte pas tous les pays avec la même intensité, mais elle a modifié notre vision de la vie, antichambre de la mort. Nous constatons que notre existence est menacée par un micro-organisme invisible qui a mis à genoux le monde entier. Forts de cette leçon, nous apprenons peu à peu à envisager notre fin de vie différemment qu’avant la pandémie.

Les uns diront que cette métamorphose s’explique par notre résilience, c’est-à-dire notre capacité à surmonter un traumatisme. D’autres parleront d’adaptation nécessaire et d’évolution normale de l’humanité, qui n’a jamais cessé d’inventer de nouvelles façons de vivre, même si toutes se concluent invariablement par la mort.

Il reste à savoir si ces modifications vont se pérenniser après la fin de la pandémie ou si nous reviendrons, même partiellement, aux us et coutumes de nos civilisations respectives. En attendant une réponse qui ne pourra s’énoncer que dans un futur que nous espérons proche, méditons sur cette citation à caractère universel de Tacite, célèbre historien ayant vécu du temps de l’Antiquité romaine : « Le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants ».

Deux romans sur le deuil

La souffrance provoquée par la perte d’un proche est rarement mise en exergue par la littérature. Raison de plus pour se délecter de la lecture de deux brefs romans parus récemment.

Tout d’abord, « La veuve aux mille rivières » de l'écrivain guadeloupéen Ernest Pépin, aux Editions Kalinas. Il y raconte en termes crus et simples les affres de la souffrance vécues par Denise qui a perdu, contre toute attente, son mari bien-aimé Henry. Un récit féminin écrit par un homme. On en sort essoré.

Ensuite, « Notes sur le chagrin » de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, aux Editions Gallimard. Un livre-témoignage écrit à la première personne illustrant sa douleur après la mort, prévisible, de son père âgé. Ne pouvant se rendre au Nigeria à cause de la pandémie, elle montre au lecteur l’étendue de son traumatisme. On en sort explosé.