La prolifération des fake news, un défi à notre intelligence

Les fake news concernant le Covid-19 pullulent sur les réseaux sociaux.
Comment analyser la production exponentielle des fake news ? Plusieurs analystes constatent la place centrale occupée dans le débat public sur la crise sanitaire par ces fausses informations.

Que serions-nous sans les fake news, les infox, en français ? Ce néologisme est composé par deux mots : "info" et "intox". Plus que "fausse nouvelle", l’infox a l’apparence d’une information authentique mais est trompeuse en réalité. Le poids des canulars n’a jamais été aussi important dans le monde qu’à l’occasion de cette pandémie.

Certes, les fake news existent depuis les débuts du réseau internet, lancé en 1989. Mais ces infox circulaient sur des sites confidentiels, le plus souvent produits par l’extrême droite européenne et nord-américaine. La fachosphère, comme les experts en communication digitale désignent cette mouvance idéologique, y a trouvé un excellent terrain de jeu pour propager ses idées.

Une place déterminante dans l’espace public

 

Les infox ont pris leur réelle ampleur et ont gagné en visibilité et, en quelque sorte, en légitimité, à l’occasion de trois événements politiques majeurs : la campagne présidentielle de 2016 aux États-Unis, qui a vu la victoire de Donald Trump ; la campagne sur le Brexit (le référendum de sortie de l’Union européenne de la Grande-Bretagne) la même année ; et l’élection présidentielle au Brésil de 2018, avec la victoire de Jair Bolsonaro.

Depuis, la mécanique de la production des infox n’a cessé de se perfectionner. Nous le vivons et le subissons avec cette pandémie, laquelle aurait été créée artificiellement par une élite mondiale dans le but de réduire la population sur la planète selon les promoteurs de cette idée fumeuse. Les canulars de ce type sont innombrables.

Combien de victimes des blagues de mauvais goût ?

 

Parmi les exemples récents de ces blagues de très mauvais goût : le CHU cache les décès dus à la dengue par les décès provoqués par la Covid ; des soldats de l’OTAN débarquent bientôt à l’aéroport ; les antennes de téléphonie mobile de dernière génération, la 5G, propagent le virus. Et tout à l’avenant.

Le problème, c’est que certains sont trompés par des informations qui n’en ont que l’apparence. Les premiers résultats d’une enquête menée par la sociologue Stéphanie Mulot pour le compte du Centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre révèlent que plusieurs personnes regrettent de s’être laissées tromper par les fake news. Elles ont perdu une chance de ne pas être contaminées par le virus, ayant donné du crédit à des messages qu’elle estime "souvent caricaturaux et excessifs".

 

 

Comment expliquer la production et la prolifération des fake news ? Pour Romain Badouard, un chercheur français en sciences de l’information et de la communication, le public ne croit pas forcément aux infox. Elles sont partagées « (…) plutôt parce les gens adhèrent à la vision du monde que colportent ces fake news, et pour exprimer une défiance par rapport aux élites politiques et aux élites intellectuelles et médiatiques traditionnelles (…)».

Un avertissement à prendre au sérieux, à notre époque où la défiance semble être devenue l’alpha et l’oméga de la vie publique.