Moïse Chérubin Jeannette cultive des pitayas sur une exploitation à Rivière Salée. Récemment, il a mis en terre de jeunes plants. Mais la sécheresse le ralentit dans son activité.
Je suis en train de mettre à peu près deux cents pieds de pitayas en terre. J'en ai déjà mis cent. Mais là, je suis obligé de réduire mon rythme, parce que le carême arrive. Et sans eau, je ne pourrai pas faire démarrer ma plantation.
Moïse Chérubin Jeannette, agriculteur
Les premiers stigmates de la sécheresse sont déjà bien visibles.
On commence à sentir l'effet du carême, parce que c'est une terre argileuse, mais au fond, ça commence à sécher sérieusement. J'avais investi sur des bananiers, ça fait 4 mois. Mais ça n'a pas démarré du tout, parce que la sécheresse est déjà là. La canne commence à souffrir. C'est un thermomètre pour nous. En 2020, toute une partie de la canne est restée à ras du sol.
Pour lui, la sécheresse qui sévit depuis plusieurs mois en Martinique, est la conséquence du dérèglement climatique.
On a beaucoup de vent en ce moment, alors que ce n'est pas la période. Ça va faire 6 mois qu'on a du vent, avec une telle intensité. Le peu de pluie qui tombe, le vent le ramasse, avec la chaleur. La plante n'a même pas le temps de prévoir sa réserve. Aujourd'hui avec le changement climatique, on peut avoir de la très grosse pluie en fin de carême, et puis un gros carême en pleine période pluvieuse ! C'est ce qui se passe, aujourd'hui. Septembre, octobre, novembre, décembre, il y a eu très peu de pluie. Les gens du nord vont avoir le même problème que nous, ici. En 2019, on avait un carême extrêmement dur. Cela s'est prolongé jusqu'en 2021. Le carême n'a jamais cessé.
Avant de cultiver des pitayas, l'agriculteur était spécialisé dans le maraîcher. Le manque d'eau l'a contraint à changer de culture.
Je faisais du piment végétarien, des giraumons, des pastèques. Sans eau, ce n'est pas possible. Ici, c'est l'eau de la ravine qui n'est pas propre. C'est inutilisable, parce qu'il y a une zone pavillonnaire, en haut. Il y a énormément de piscines en hauteur. Lorsqu'ils lavent leurs piscines, toutes les eaux descendent dans la ravine. On a aussi, un certain nombre de maisons qui ne sont pas reliées à des fosses à épuration.
Une exploitation en manque d'eau
Treize exploitants agricoles cultivent sur une parcelle d'une centaine d'hectares, au quartier Nouvelle Cité, à Rivière Salée. Jusqu'à aujourd'hui, ils ne disposent d'aucun système d'irrigation, pour acheminer l'eau nécessaire à l'arrosage des cultures et à l'entretien des animaux.
Sur sa plantation de pitayas, Moïse Chérubin Jeannette a dû s'équiper pour stocker de l'eau. Mais cela reste largement insuffisant.
J'ai acheté des bacs, pour ma pépinière surtout, pas pour la plantation. Pourtant, il y a de l'eau ici. En 2006, la région avait fait des recherches et ils trouvé trois rivières souterraines. Depuis, il n'y a pas eu de suivi. Nous avons foré. Mais c'est la mise en place du circuit d'irrigation qui pose problème.
Un chantier a été lancé, il y a deux ans, pour l'installation d'un système d'irrigation, sur la parcelle agricole de Nouvelle Cité, dont la CTM est le propriétaire. Mais les travaux ont dû être interrompus.
La première entreprise qui faisait les canalisations s'est effondrée. Elle a disparu du chantier. Il y a eu une deuxième entreprise qui a pris le relais, environ six mois après. Entretemps, le chantier s'est arrêté de nouveau.
Des têtes de pompage et des citernes ont été installées, à Nouvelle Cité. Mais elles ne sont toujours pas en service.
Là, c'est une tête de pompage. Il y a une rivière souterraine. Dessus, ils ont mis une tête de pompage. Ces têtes de pompage doivent alimenter les bacs, pour pouvoir alimenter les parcelles. Mais il n'y a pas de système d'irrigation, du tout... Là, on est sur la première citerne qui a été mise en place et qui n'est pas finie. Une entreprise devait mettre l'électricité solaire. Mais elle a disparu de la nature, elle aussi. On a un gros bac qui nous sert pratiquement à rien.
Moïse Chérubin Jeannette est locataire sur son terrain agricole, tout comme les autres exploitants. Il est donc impossible pour eux, d'avoir l'eau et même l'électricité, sans l'autorisation du propriétaire.
Voilà un terrain sur lequel se trouvent des agriculteurs et qui n'a pas une seule trace de chlordécone. Par manque d'eau, nous n'arrivons pas à produire, pour pouvoir au moins, alimenter une partie du marché de Martinique.
Moïse Chérubin Jeannette, agriculteur