Notre société est de plus en plus inégalitaire. Démonstration nous en est donnée à l’occasion de la crise interminable que nous vivons. S’il en était besoin, elle a mis à nu des lignes de fracture scindant notre société en deux grandes catégories : ceux qui sont à l’intérieur du système et ceux qui en sont exclus.
Pour prendre une image, la maison commune Martinique n’a plus de commune que le nom. Elle est compartimentée en plusieurs pièces séparées par des murs étanches. Dans les unes, les chanceux. Dans les autres, les malchanceux.
Pour être considéré comme un chanceux, il convient d’exercer le métier que vous avez choisi ou d’avoir su transformer en réussite votre destinée professionnelle, qui n’a pas été forcément choisie au départ, muni d’un diplôme de préférence. Vous disposez d’un revenu, même modeste, qui vous permet de réaliser, même partiellement, vos aspirations sociales.
Chanceux et malchanceux
Ainsi, entre autres exemples, vous pouvez devenir propriétaire d’un logement, payer des études à vos enfants, organiser vos loisirs. Réaliser ses souhaits confère une situation de privilégié, encore que ce terme mérite d’être relativisé de beaucoup.
Pourtant, ce relatif confort matériel et psychologique est inconnu des malchanceux. Ce sont ceux qui sont à la recherche perpétuelle d’un emploi, provisoire ou pérenne. L’identification sociale se construit de nos jours par la position occupée dans l’espace social et professionnel. Ainsi, un emploi stable et une qualification obtenue par des diplômes ou l’expérience confèrent une certaine capacité à se projeter dans l’avenir.
Celui qui ne dispose pas de revenus tirés du travail éprouve les pires difficultés à s’insérer dans la société ou à y rester. Cet axiome est parfaitement intégré par nos jeunes qui arrivent sur le marché du travail et des relations sociales. Ces deux dimensions sont intimement liées. Nos enfants vivent de plus en plus mal leur marginalisation. Ce qui génère des frustrations, désormais ouvertement exprimées.
La jeunesse reste marginalisée
Les jeunes ayant émergé sur les barrages lors de la grève générale, en novembre 2021, l’ont clairement montré. Parmi eux, un nombre conséquent de diplômés qui ne parviennent pas à s’épanouir dans leur vie rêvée. Et ce, même s’ils ont tout tenté pour faire assouvir leurs ambitions. Pour paraphraser le chanteur E.Sy Kennenga, ils se sont donnés les moyens, et pas les excuses.
Cette réalité sociologique se traduit dans les chiffres. L’INSEE nous indique que 20% des titulaires d’une qualification à Bac+2 et au-dessus sont au chômage. Une proportion atteignant 50% chez ceux qui n’ont aucun diplôme. Pour les analystes de l’institut de la statistique, « le diplôme reste l’atout maître pour trouver un emploi ».
Ce qui ne signifie pas que les diplômés puissent valoriser leur savoir-faire, quel que soit le niveau de qualification, du CAP au Master en passant par le Bac Pro et le BTS. Ceci est particulièrement vrai pour les cadres. Les salaires du secteur privé étant jugés trop bas comparativement à ceux du secteur public, une majorité de jeunes diplômés s’évadent vers l’enseignement, les collectivités et institutions publiques.
La persistance des inégalités sociales constitue désormais un enjeu politique majeur, au sens premier du terme. Toutefois, il serait vain de croire que seuls nos élus et l’Etat peuvent s’atteler à résoudre cette problématique. Chacun de nous, à notre niveau, peut contribuer à les résorber. Mais en avons-nous seulement conscience ?