Le couvre-feu ne va pas nous empêcher de couvrir sur le feu notre fait-tout de matoutou

Matoutou ou matété en préparation

Les restrictions liées à la crise sanitaire ne pourront pas contrecarrer l’observance de la tradition de la dégustation du plat de crabes au riz lors du week-end de Pâques.

Voici le week-end de Pâques amorçant la brève et nécessaire saison du matoutou. Plat traditionnel objet d’une véritable observance comparable à celle du ragoût de porc de Noël, la cérémonie de la fricassée de crabes au riz dont seule la Martinique a le secret sera-t-elle reproduite cette année ? Rien n’est moins certain.

Nous avons, en effet, de bonnes raisons de craindre l’empoisonnement par des gastéropodes chlordéconés pêchés sans précautions par des aigrefins sans scrupules. Pourtant, les zones interdites sont connues depuis plusieurs années. L’appât du gain est plus fort que l’honnêteté, n’est-ce pas ?

Des indélicatesses pouvant nous entraîner à nous détourner des crabes made in Martinique. Ce qui amène les pêcheurs à se justifier sans cesse sur la provenance de leur élevage. Leurs pauvres prisonniers ne peuvent pas confirmer qu’ils ont vécu dans des lieux sains, apeurés par l’odeur du couteau qui va bientôt les trucider.

Un crabe peut en cacher un autre

 

Une difficulté en cachant une autre, le couvre-feu ressemblant furieusement à un confinement ne voulant pas dire son nom, il n’est pas certain que la pêche soit fructueuse. Or, le marché du crabe est un véritable gisement de ressources. Cette année, le prix de la pièce s’étage de 2,50€ à 4€ selon le vendeur - toujours un homme -  le lieu de vente, la provenance de la marchandise, l’ancienneté de l’élevage, la demande des acheteurs et la tête du client.

Selon les estimations les plus fiables, l’amateur de crabes - surtout les femmes - déguste 10 à 12 pièces en moyenne sur les deux jours, dimanche et lundi de Pâques. En excluant les bébés, les jeunes enfants, les allergiques, les touristes et les délicats, nous avons les trois quarts de la population, 300 000 personnes, qui s’adonnent à ce rituel. Ce qui donne environ 3 millions de crabes vendus.

Un marché juteux

 

Au cours moyen de 3€ pièce, le chiffre d’affaires s’élève de 9 à 11 millions d’euros. En ajoutant le riz, les ingrédients, les condiments, les parts à emporter, l’apéritif, le dessert et les boissons, sans TVA ni octroi de mer sur le produit fini, le matoutou est un vrai pactole.

Ce qui fait dire qu’il n’est pas sur le point de connaître une certaine désaffection en 2021. Événement culturel pour nous tous et source de richesse pour certains, le matoutou résistera au couvre-feu qui ne nous empêchera pas de couvrir sur le feu notre fait-tout de crabes au riz. La Martinique est résiliente.