Trois meurtres par balles depuis le début de l’année. Des règlements de compte fréquents entre gangs. D’incessantes interpellations du ministre de l’Intérieur par les syndicats de policiers. Des questions posées à intervalles réguliers par nos parlementaires. La perplexité de la population face à la banalisation de la criminalité.
Triste tableau dans cette Martinique. La réponse de l’Etat est invariable. Pour lutter contre les délinquants et les criminels, plus de 1 500 policiers et gendarmes sont mobilisés. Nul ne peut nier que le gouvernement apporte une réponse judiciaire au banditisme. En tout cas, à ses effets visibles.
Un organisme spécialisé dans la lutte contre le trafic de drogue, l’OFAST, effectue régulièrement des saisies spectaculaires de cargaisons de cocaïne au large de nos côtes. Les arrestations des trafiquants sévissant sur notre territoire sont fréquentes. L’appareil judiciaire sait se mettre en branle pour circonvenir le commerce illicite de stupéfiants.
Nous pouvons objecter que tout ceci est insuffisant. Nous pouvons pointer du doigt l’incompréhensible absence d’accords d’entraide judiciaire entre les pays de la Caraïbe et le nôtre pour contrecarrer les menées des narcotrafiquants colombiens, les principaux producteurs mondiaux de cocaïne.
La professionnalisation de la criminalité
Nous pouvons constater aussi l’engagement insuffisant des services fiscaux pour débusquer les filières de blanchiment ou de lessivage de l’argent sale tiré de ce trafic. Pour autant, les causes profondes de la criminalité dont nous subissons les retombées sont-elles prises en compte ?
Depuis une trentaine d’années, le banditisme s’est littéralement enkysté dans notre société. Nous avons assisté, impuissants, à la professionnalisation de la criminalité. Les réponses nécessaires ont-elles été portées au moment où, dans les années 1986-1987, le crack venu de Saint-Vincent et de Sainte-Lucie connaissant un succès immédiat parmi les toxicomanes ?
Les sommes faramineuses tirées de ce sale bizness sont injectées dans le circuit économique légal
Ces quatre dernières décennies, notre île est progressivement devenue l’une des plaques tournantes de l’archipel caraïbe du trafic de stupéfiants entre l’Amérique du sud et l’Europe. Au point que le marché local sur lequel sont vendues une faible proportion des cargaisons est devenu extrêmement lucratif. D’où l’expansion du trafic d’armes pour protéger les transactions illicites. Les sommes faramineuses tirées de ce sale bizness sont injectées dans le circuit économique légal, en toute opacité.
Tous les experts de ce phénomène plus ancien qu’on ne le pense, et plus implanté qu’on ne le soupçonne savent que ces deux trafics sont directement imputables à la misère, à l’absence de perspectives pour une partie de nos jeunes désoeuvrés, à la déliquescence de nos relations sociales, à l’atténuation du rôle de la famille dans l’éducation, à l’échec scolaire.
Le moment n’est-il pas venu, enfin, de se demander si la criminalité aurait été aussi importante dans un contexte de plein emploi ? Le chômage massif persistant depuis plusieurs générations et la tentation de l’argent facile n’induisent-ils pas l’aspiration vers le banditisme ? En clair, notre mal-développement n’est-il pas à la source de la délinquance ?