Le Mondial au Qatar ne sera pas boycotté. Ce qui n’a pas empêché les appels lancés en ce sens, essentiellement en Europe. Les exhortations à bouder la Coupe du monde de football de la FIFA ont été trop rares et trop tardives. Alors que l’organisation de la compétition a été attribuée à l’émirat qatari en décembre 2010, il y a quasiment douze ans, se réveiller au dernier moment s’est révélé autant contre-productif qu’absurde.
Néanmoins, il s’est révélé salutaire de pointer du doigt les abus générés par cet événement : non-respect des libertés fondamentales par une monarchie musulmane d’obédience wahhabite, à l’instar de sa voisine saoudienne ; mauvais traitements subis par les travailleurs immigrés sur les chantiers de construction des infrastructures ou en raison de leur conditions de vie ; aberration climatique avec la climatisation des stades à ciel ouvert.
Ces faits sont documentés depuis de longues années. Trois organisations non gouvernementales – Amnesty International, Human Rights Watch et Migrants Watch – n’ont cessé d’alerter les opinions publiques et les dirigeants politiques sur les graves violations des droits des ouvriers étrangers venus essentiellement d’Asie du sud, du Proche-Orient et d’Afrique de l’est.
Plusieurs organisations écologistes ont dénoncé le gâchis environnemental provoqué par le rafraichissement artificiel des terrains de football. Sans oublier l’énorme empreinte carbone créée par les innombrables norias d’avions entre le Qatar et deux pays voisins, le Koweït et Dubaï, pour acheminer chaque jour les centaines de milliers de supporters n’ayant pas trouvé de chambre d’hôtel à Doha.
Des scandales en série
Pourtant, le boycottage du Mondial a été impossible. Il eut été historique du fait de son caractère inhabituel. C’est la tenue du Mondial qui a provoqué la mobilisation contre l’événement lui-même. Il n’aurait pas eu lieu dans ce pays et dans ces circonstances extrêmes qu’il n’aurait pas généré ces crispations.
En ce sens, la Coupe du monde 2022 tient une place singulière dans la longue liste des manifestations sportives contestées. En général, les campagnes de protestation contre ces rendez-vous rituels ont été lancées par des militants humanitaires, des intellectuels ou des gouvernements. Ces mobilisations avaient en commun une motivation politique, au sens large.
Pour les Jeux olympiques de Berlin en 1936, il s’agissait de dénoncer le régime nazi d’Hitler. Pour les JO de Montréal en 1976, plus de trente délégations d’Afrique boudent le rendez-vous pour protester contre le silence du Comité international olympique sur l'apartheid.
Des boycotts politiques
En Argentine en 1978, la Coupe du monde de football est vigoureusement dénoncée car elle est utilisée par la dictature militaire du général Videla. Dans le monde entier, les exactions de la junte arrivée au pouvoir par un coup d’Etat deux ans plus tôt étaient connues. Comble du cynisme, les opposants au régime étaient torturés à l’Ecole de mécanique de la marine, contigüe au stade Monumental où se déroule la finale.
A Moscou en 1980, la Guerre froide entre l’Occident et ses alliés contre l’Union soviétique et ses alliés a pour théâtre les JO. Pas moins de 66 délégations n’y participent pas. Quatre ans plus tard, à Los Angeles, c’est la revanche soviétique, avec une trentaine de pays absents.
La même logique a prévalu pour les JO d’hiver les plus récents. A Sotchi en 2014, le gouvernement russe a eu maille à partir avec ceux qui dénonçaient l’annexion de la Crimée. Puis à Pékin en février 2022, il s’agissait de protester contre le sort réservé par le gouvernement chinois au peuple ouïghour, musulman et turcophone.
Aujourd’hui, le rendez-vous footballistique le plus prestigieux est l’objet des critiques contre son organisation. Du jamais vu ! Le sport le plus répandu sur la planète offre malgré lui un spectacle de brutalité et de cynisme. Gageons que ses pratiquants et ses amoureux pourront oublier très vite ce climat détestable créé par une monarchie archaïque et corruptrice.