Que faisiez-vous en février 2009 ? Vous manifestiez peut-être dans les rues de Fort-de-France votre indignation contre l’augmentation incessante du coût de la vie. Si tel n’était pas le cas, vous deviez sûrement soutenir les manifestants, ou à tout le moins, les comprendre. Bien sûr, des échauffourées ont eu lieu. Bien entendu, la virulence verbale a parfois dépassé les pensées des uns et des autres.
Il reste que ce vaste mouvement social, rarement connu par son ampleur, a durablement marqué les esprits. Il a aussi modifié nos pratiques politiques. La mobilisation massive et de longue durée n’existe quasiment plus. Pourtant, le mouvement a duré 38 jours en février 2009.
A l’occasion de cette crise, nous avons compris les deux termes d’un étonnant paradoxe : manifester massivement notre colère amène des résultats tangibles. D’un autre côté, si la mobilisation populaire n’est pas relayée par les élites politiques, elle génère frustrations et découragement.
Cette crise nous a permis de mettre à nu les limites du système dans lequel nous vivons. Elle a offert des perspectives aux consommateurs. Un "bouclier qualité-prix" a été instauré. Le renforcement du contrôle des prix dans les magasins a été mis en place. Un autre gain non négligeable a été la prime de 200 euros versées aux salariés gagnant jusqu’à 1 400 euros mensuels.
Des acquis disparus avec le temps
Ces deux acquis se sont taris avec le temps. Aucune institution publique n’a pris le relais pour pérenniser ces victoires obtenues dans la rue. Nos dirigeants politiques, pris de court par le caractère spontané et massif du mouvement, ne l’ont pas accompagné quand il s’essoufflait et encore moins quand il a été suspendu.
En revanche, les élus politiques ont obtenu du gouvernement la mise en place d’une vaste concertation sur les faibles et les lacunes de notre modèle de société. Les Etats généraux de l’outre-mer dont nous devons la tenue au président Nicolas Sarkozy ont ouvert une brèche dans le carcan économique et politique.
Par exemple, la loi portée par le député socialiste de Guadeloupe Victorin Lurel visant à mettre fin aux monopoles. Les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, mais le personnel politique parisien a pris enfin conscience que les inégalités persistantes dans nos territoires ne peuvent pas être abolies sans le concours de la contrainte de la loi.
Où sont passés les syndicats ?
Une autre leçon de cette séquence inédite dans notre histoire récente est l’affaiblissement du mouvement syndical. La dizaine d’organisations qui le composait à l’époque avaient structuré un mouvement populaire en lui donnant une assise plus consensuelle et plus large que celle d’une colère de consommateurs mécontents du prix du carburant et des produits alimentaires.
Pourtant, en dépit des réels succès obtenus, le mouvement syndical s’est peu à peu délité et délayé dans des revendications catégorielles, voire égoïstes. Il n’est que de voir l’utilisation abusive et répétée du droit de retrait pour justifier des grèves sauvages. Il n’est que de voir la dernière grève interprofessionnelle intersyndicale de novembre 2021. Elle s’est auto-dissoute après de graves dérives, hors tout accompagnement syndical.
Alors que le pouvoir d’achat est de nouveau menacé par une inflation à venir, alors que les droits des salariés ne sont pas encore définitivement respectés, alors que les dispositions les plus protectrices du Code du travail ont été patiemment détricotées durant ce quinquennat, un mouvement syndical fort s’avère plus que jamais nécessaire.
Le temps n’est-il pas venu, sinon de la résurrection, du moins de la résurgence du syndicalisme ? Il y va de la cohésion du corps social, de l’intérêt des travailleurs et des entreprises. La paix publique passe aussi par un dialogue social effectif et responsable. Ce qui n’est pas encore, hélas, une évidence !