Des organisations panafricaines des Antilles et de la Guyane adressent une déclaration solennelle à Emmanuel Macron

Alors que le MIR (Mouvement International pour les Réparations) s'apprête à célébrer l'abolition de l'esclavage en Martinique, Guadeloupe et Guyane, des organisations adressent ce jeudi 30 avril 2020 au Président Emmanuel Macron, une déclaration solennelle pour réclamer "justice".
Le MIR (Mouvement International pour les Réparations) de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique ainsi que plusieurs collectifs (Comité International des Peuples Noirs (CIPN), Kolektif Doubout Pou Gwadloup, Fos pou Konstwui Nasion Gwadloup (FKNG), s'expriment avec force dans un courrier.

L'objectif de cette missive : dénoncer et réparer les injustices nées de "pseudos abolitions de l'esclavage", "imparfaites et inachevées". Leurs arguments ne s'appuient que sur des faits historiques.

Déclaration solennelle du 30 avril 2020

 

Huit injustices historiques dénoncées


Dès le départ, la référence au passé est posée. Cette déclaration du 30 avril 2020 n'est pas un hasard. C'est que 171 ans auparavant (le 30 avril 1849) a été adoptée "la loi d'indemnisation" des "colons" à la suite de l'abolition officielle de l'esclavage dans les colonies françaises.

Cette loi a en effet permis le dédommagement des blancs créoles (békés) de plusieurs millions d'équivalents euros pour la perte de leur "cheptel" d'esclaves. Ce dédommagement a même financé la création de Banques coloniales (exemple: BDAF, banque des Antilles Françaises) selon cette déclaration solennelle.

De la première abolition, le 4 février 1794, arrachée par les combattants Haïtiens, au rétablissement de l'esclavage 8 ans plus tard par Napoléon Bonaparte, en passant par la seconde abolition, le 27 avril 1848, des incohérences du processus sont passées au crible.

La seconde Abolition de l'Esclavage, ne fit pas de nous des hommes libres, mais des affranchis - ce que nous sommes toujours.


La loi Taubira est dénoncée pour son caractère "mémoriel" et non normatif. En clair, celle-ci ne permet pas les sanctions pénales et donc les réparations contrairement au crime que constitue la Shoah.
De toutes les façons, rappelle cette déclaration, même le code noir, rédigé par Jean-Baptiste Colbert et promulgué par Louis XIV en mars 1685, n'est toujours pas abrogé. 

Autant de faits historiques qui pérennisent une situation d'oligarchie des békés, qualifiés par les signataires, de "plus puissants encore qu'avant la seconde abolition de l'esclavage" mais aussi de gestion excluante des martiniquais des Directions Administratives, Économiques et Financières de la Martinique.

Ces situations d'injustices envers les afro-descendants constituent l'argument principal de cette déclaration du 30 avril 2020 qui demande une ultime décolonisation.
 

Une déclaration solennelle pour "un acte politique, fort, historique et singulier"


À la lumière des arguments précédemment exposés, les signataires de cette déclaration solennelle, affichent leurs véritables ambitions pour nos territoires. Plus qu'une supplique, il s'agit par cette lettre de renvoyer aussi chaque afro-descendants à leur capacité d'agir.

Il nous revient à nous descendants d'africains déportés... d'initier la véritable décolonisation de nos peuples...


Droit à la réparation, droit à l'émancipation, droit à la souveraineté... le lexique de cette déclaration aurait pu être celui de revendications indépendantistes. Pourtant le mot n'apparaît dans aucune phrase du courrier.

Ce n'est qu'en conclusion, que la question statutaire de nos territoires du bassin Atlantique, est abordée. Exhortant les populations à réclamer plus de justice et une véritable liberté, à la faveur de la toute nouvelle vision des relations humaines entraînées par la pandémie de coronavirus.
Mais, précisent-ils :

Cette ultime décolonisation...prendra la forme d'un acte politique, fort, historique et singulier, qui conférera à nos peuples la légitime maîtrise de leur destin.



Cette déclaration ressemble fort à une métaphore qui met au coeur du débat sur l'émancipation de nos peuples, la revendication indépendantiste.