La période de la Première Guerre mondiale est un moment-clé dans le processus de l’assimilation. L’histoire d’amour de la Martinique avec la mère-patrie, comme est appelée la France à cette époque, prend véritablement corps en ce début de 20e siècle. La population des quatre vieilles colonies doit montrer son attachement à la métropole coloniale.
L’occasion lui en est donnée avec la mise en oeuvre de la loi sur la conscription, en 1913. Ce texte est la traduction juridique d’une volonté politique, le paiement de "l’impôt du sang" comme preuve de notre condition de citoyen français de plein exercice. Après une bonne dizaine d’années d’atermoiements, les jeunes hommes des colonies sont autorisés à être incorporés sous les drapeaux. La haute hiérarchie militaire ne voit pas d’un bon œil l’arrivée des soldats créoles. Ils sont jugés physiquement faibles et inaptes à la condition militaire.
Payer l’impôt du sang
Le revirement de l’état-major vient de l’intensification de la guerre. Les dirigeants politiques français sont pris à revers. Contrairement à leurs prévisions, le conflit ne dure pas quelques mois. Il convient de poursuivre le recensement et le recrutement de soldats sur tout le territoire, l’Empire colonial y compris.
Les sergents recruteurs parcourent donc les campagnes de Martinique et des colonies. Le nombre de soldats enrôlés augmente fortement lors des campagnes de recrutement de 1915. Les appelés sont désireux de combattre en Europe. Le contexte s’y prête. Le Conseil général et la plupart des maires sont favorables à l’assimilation.
Nos soldats jugés inaptes au combat
L’assimilation est une doctrine dont la revendication naît durant les dernières années de la période esclavagiste. Deux générations plus tard, à l’occasion de la Première Guerre Mondiale, l’égalité des droits suppose le droit d’avoir l’honneur de se battre pour la France. Les antimilitaristes, essentiellement des socialistes, sont cloués au pilori. Au total, 9 000 soldats martiniquais partent en Europe. 2 000 sont tués sur le front.
Dans le même temps, la Martinique connaît une situation économique contrastée. Les produits de consommation courante sont rares, l’approvisionnement étant désormais compliqué. La population s’appauvrit. En parallèle, la production de sucre et de rhum explose littéralement pour alimenter les soldats sur le front. Ce qui provoque la modernisation de l’industrie sucrière, l’enrichissement des planteurs et des usiniers ainsi que l’émergence du prolétariat industriel.
Période de mutation, la Première Guerre mondiale en Martinique reste un moment méconnu. Il serait temps de s’y pencher, en contournant deux carences créées par la France dans ses colonies, l’oubli et l’ignorance.