Mobilisation contre la vie chère en Martinique : quelle est la valeur du protocole d’objectifs et de moyens ?

Maître Taniev Labéjof.
Le protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère signé le 16 octobre, au terme de la 7e table ronde à la Collectivité Territoriale de Martinique, sans le RPPRAC, soulève de nombreuses interrogations. Taniev Labejof, avocat au barreau de Fort-de-France, nous éclaire la valeur juridique du document.
  • Quelle est la valeur juridique de ce protocole d’objectifs et de moyens ?

On est entre une lettre d’intention et un contrat avec des conditions suspensives parce que pas mal d'éléments sont absents ou sont plutôt flous. Par exemple, dans un contrat, on se pose la question "qui". Qui signe le contrat ? Nous avons effectivement des représentants de la grande distribution qui ont signé, mais nous ne connaissons pas leurs pouvoirs puisque ce sont des représentants. Donc, il faut connaître qui leur a donné ce pouvoir. On a des personnalités de la grande distribution qui étaient présentes, mais d’autres n’y étaient pas. Est-ce qu’elles s’engagent au nom et pour le compte d'autres personnes ? Ensuite, sur la nature du contrat, on n’est pas tout à fait sur un contrat de droit privé. Parce que des engagements doivent être pris par l’État. Par exemple, il a été mentionné une baisse ou une exonération de la TVA sur certains produits. Ce sont des engagements qui doivent être pris en loi de finances. Concrètement, il faut se poser la question de la capacité des signataires. Lorsque le préfet, le représentant de l’État signe, il ne représente pas tous les organes de l’État, a commencé par le Parlement. Forcément, sa signature est, ce qu’on retrouve traditionnellement dans les contrats, une condition suspensive. (...) Au-delà du ministre, c’est avant tout le Parlement qui va voter la loi de finance. Il faudra l’intégrer dans le budget.

Maître Taniev Labéjof

interrogé par Stéphane Lupon

  • Ce protocole peut-il perdre sa valeur à un certain moment ?

Pas tout à fait. On est dans le processus classique d’une négociation où il y a une lettre d’intention véritablement forte avec des engagements qui doivent, par la suite, être détaillés. Par exemple, un calendrier doit être mis en place. La seule date qui est dans le contrat est le "1er janvier" pour appliquer les mesures qui de l’État, qui ne sont pas intégralement détaillées. Seules deux mesures sont évoquées : la suppression de l’octroi de mer et l’exonération de la TVA. Quid des autres mesures ? Notamment le partenariat avec le transporteur public sachant que seule la CMA-CGM a signé. Les autres transporteurs maritimes sont évoqués en fin de page, mais ils ne sont pas signataires. Il faut inscrire ces éléments dans un calendrier et finaliser un contrat avec des engagements notamment ceux du Parlement une fois que la loi de Finance aura été votée. Là, on pourra finaliser l’accord.

  • L’absence de signature du RPPRAC est-elle pénalisante pour le suivi de ce protocole ?

Je ne veux pas faire d'ombre au RPPRAC, malheureusement il ne représente pas le peuple. Ceux qui représentent le peuple, les politiques élus, ont signé ce protocole. Je précise que lorsque les parlementaires signent, ils ne s’engagent pas. Un parlementaire n’a pas vocation à signer un contrat. Il a vocation à signer une loi. Ils prennent acte. C’est vraiment le représentant de l’État, avec les professionnels de la grande distribution et le transporteur qui vont s’engager. C’est pour ça qu'on parle plus d’un contrat de droit public où il y a des engagements de l’État. Le fait que le RPPRAC ne signe pas n’est pas grave pour la nature du contrat. Pour l’aspect politique des choses, c'est mieux.