Le mystère de la mort de Justin Catayée sera-t-il élucidé ?

Saura-t-on jamais la vérité sur la mort de Justin Catayée dans le crash du 22 juin 1962 en Guadeloupe ?
Depuis 55 ans, deux thèses s’affrontent pour expliquer le crash du vol d'Air France entre Paris et Santiago du Chili. Une catastrophe ayant provoqué la mort des 113 occupants du Boeing-707, dont le député autonomiste de Guyane et Paul Niger, militant indépendantiste guadeloupéen.
Saura-t-on jamais la vérité sur la mort de Justin Catayée dans le crash du 22 juin 1962 en Guadeloupe ? La vérité finira-t-elle par triompher pour mettre fin à l’ambiguïté persistante depuis 55 ans sur les causes de la catastrophe ? Les familles des victimes n’ont toujours pas reçu l’assurance que c’est un dramatique accident qui a coûté la vie à leurs proches. Ce qui laisse encore ouverte la piste de l’attentat contre le remuant député socialiste de Guyane, de retour au pays pour prendre la tête de la mobilisation populaire, sur un fond de crise économique sévère.
Parti d’Orly le 21 juin à minuit, l’appareil compte 113 personnes à bord, dont 10 membres d’équipage. Le commandant de bord, André Lesieur, est un pilote chevronné. Il a piloté l’avion du président de Gaulle à plusieurs reprises. C’est un as chez Air France, où il est arrivé après une brillante carrière dans l’Armée de l’air. Le vol 117 relie Paris à Santiago du Chili en plusieurs escales : Lisbonne (Portugal), Santa Maria (Açores), Pointe-à-Pitre, Bogota (Colombie) et Lima (Pérou). Il ne parviendra jamais à sa destination finale. L’avion disparaît des radars après s’être fracassé à 4 heures du matin sur le massif du Dos d’âne, à Deshaies, au nord de la Basse-Terre.

Les 113 occupants périssent dans le crash

Des habitants de la commune évoquent une explosion de la queue de l’appareil avant qu’il n’ait atteint le sol. L’enquête conclut à un malheureux concours de circonstances : une panne des instruments de guidage au sol de l’aéroport du Raizet et l’insuffisance des données météorologiques reçues par le personnel navigant. Ce qui a pu provoquer une mauvaise lecture des manœuvres d’approche de la piste du Raizet, l'avion ayant dévié de sa trajectoire.
Tous les occupants de l’avion périssent. Ce sont pour une bonne part des hommes d’affaires, mais aussi des étudiants guadeloupéens et martiniquais venant en vacances, ou ayant terminé leur formation. Une famille de Martinique perd trois garçons. Ce sont aussi des ressortissants des pays desservis par la compagnie, dont un écrivain colombien prometteur, Jorge Gaitán Durán. Deux noms retiennent l’attention, celui du député autonomiste de Guyane Justin Catayée et celui de Paul Niger, nom de plume d’Albert Béville, haut fonctionnaire de l’administration coloniale, anciennement en poste au Mali et au Sénégal. 

L’indépendantiste Albert Béville tué lui aussi

Ce qui ne l’empêche pas de militer pour l’indépendance de la Guadeloupe. Il est co-fondateur du Front antillo-guyanais pour l’autonomie (FAGA) avec Edmée Marie-Joseph et Edouard Glissant. Particulièrement surveillé, il échappe pourtant au contrôle de police et réussit à embarquer.
L’autre personnalité est Justin Catayée. Fondateur en 1956 du Parti socialiste guyanais, le PSG, il milite ardemment pour l’instauration d’un statut spécial pour son département. Il prononce ce qui sera son dernier discours à l’Assemblée nationale quelques jours plus tôt. Il apostrophera ses collègues d’une phrase prémonitoire sur la possibilité qu’il ne réapparaisse plus en ces lieux.

Justin Catayée va vers sa mort

Catayée se savait menacé. Il avait pris la précaution d’en avertir des amis sûrs et son frère, médecin à Montpellier. L’époque était celle de la montée des mouvements d’émancipation aux Antilles et en Guyane. Justin Catayée était d’autant plus difficile à contenir qu’il s’est senti trahi par le général de Gaulle qu’il avait rejoint dans la Résistance. Blessé sur le front, il avait reçu la distinction, de Compagnon de la Libération.
L’émissaire du général de Gaulle, André Malraux, avait promis aux dirigeants de la gauche des départements d’outre-mer un certain degré de décentralisation. A la condition qu’ils appellent à voter "oui" au référendum instituant la Cinquième République. Les communistes de la Réunion, de Guadeloupe et de Martinique, le PPM d’Aimé Césaire et le PSG de Justin Catayée n’ont rien vu venir. D’où sa virulence et, peut-être, son élimination par les services secrets, à l’âge de 46 ans. Mais saura-t-on jamais la vérité ?