Il y a 48 ans, en 1974, les ouvriers de la banane se mettent en grève. Ils revendiquent une hausse des salaires mais réclament aussi des mesures contre l'usage des pesticides. Ce n'est que plus tard que des analyses ont permis d'interdire le "Curlone" et sa molécule le Chlordécone.
Le mouvement social est dur. Les revendications s'élargissent et d'autres professions se joignent au mouvement, la colère grondent depuis longtemps.
Le coût de la vie augmente
Depuis quelques mois, le prix du baril de pétrole grimpe. Le prix des denrées alimentaires (qui sont presque toutes importées) suivent l'inflation.
Le temps et la sécheresse détruisent une grande partie des cultures sucrières de la Martinique. L'économie de l'île repose donc essentiellement sur la banane.
Un jeune homme, Georges-Louis (surnommé Léon) Bertide débute à la CAF (Caisse d'Allocations Familiales). Il se joint au mouvement, comme nombre de jeunes gens de l'époque.
Les yeux des patrons, les békés, brûlaient les yeux des nègres.
Léon Bertide
Léon Bertide se souvient qu'à cette époque, les planteurs n'osaient pas se rebiffer contre leur patron. Puis le point de non-retour a été atteint.
Dès les trois premières semaines du conflit, les négociations entre les planteurs et les exploitants n'aboutissent pas. Les affrontements avec les forces de l'ordre sont courants.
C'est dans ce contexte particulièrement tendu que des manifestants dont Léon Bertide se regroupent à l'habitation Chalvet à Basse-Pointe le 14 février 1974.
Les gendarmes encerclent les grévistes et ouvrent le feu. Le bilan est lourd : 6 ouvriers agricoles sont grièvement touchés. Une des victimes Ilmany Sérier, dit Rénor, décède sur place. Il avait 55 ans et était père de 22 enfants.
Léon Bertide estime que "cette grève était nécessaire. On était dans notre bon droit. Nous ne faisions rien de mal".
48 ans après les faits, il se demande encore pourquoi les gendarmes ont tiré.
Les forces de l'ordre ne sont pas inquiétées. Une enquête a démontré un "état de légitime défense caractérisé".
Deux jours plus tard, le corps d'un homme est retrouvé sur une plage. À ce moment c'est l'interrogation qui prime. On ne sait pas ce qu'il s'est passé.
Léon Bertide
Un homme de 19 ans torturé par les forces de l'ordre ?
L'identité de cette nouvelle victime est finalement connue, il s'agit de Georges Marie-Louise, un ouvrier-maçon de 19 ans qui n'avait plus donné signe de vie depuis les affrontements du 14 février.
Certains disent qu'il a été torturé par les forces de l'ordre. À ce jour, les circonstances de sa mort n'ont pas été élucidées.
Le 19 février, la grève se termine avec la signature d'un accord entre les ouvriers agricole et les patrons.
Une plaque et une chanson pour ne pas oublier
Les traces de ce drame sont encore visibles. Une plaque commémorative à Chalvet (Basse Pointe) a été installé en souvenir d’Ilmany Sérier et de George Marie Louise.
De plus, l'artiste Kolo Barst consacre une de ses chansons "Févriyé 74" à ces évènements.