Pénurie d’eau en Martinique : la colère des usagers se cristallise… des appels à la mobilisation sont lancés

Le système D des usagers pour faire face aux coupures d'eau
De nombreux abonnés martiniquais sont à bout de nerfs, à cause du manque d’eau persistant dans plusieurs communes du Sud, du Centre et du Nord depuis le début de la sécheresse. Cette situation suscite chez certains le sentiment d’une "mauvaise gestion de la ressource" de la part des acteurs. Après les sonnettes d’alarme, associations et comités citoyens envisagent désormais des "actions coup de poing", afin de mettre la pression sur les autorités.

La colère s’intensifie dans beaucoup de foyers, d’entreprises et d’institutions de l’île, parce que l’eau se fait rare et les coupures tournantes ne semblent pas arranger la situation. Nombre d’usagers considèrent en effet que cette solution alternative, le temps que les pluies reviennent alimenter les rivières de captation, "n’est pas équitable" d’une zone à l’autre.

Du coup, associations de riverains et comités citoyens envisagent désormais des "actions coup de poing", afin de faire entendre aux autorités leur ras-le-bol, exiger des décisions concrètes et "sortir des postures pour pallier le manque".

Réunion publique sur l'eau à la Batelière à Schoelcher avec le Collectif "S.O.S D’lo Chèlchè" (mercredi 15 mai 2024).

Mercredi 15 mai 2024, le Collectif "S.O.S D’lo Chèlchè" [NDLR : Schoelcher, commune particulièrement touchée au centre] a fait salle comble à la Batelière lors d’une réunion publique. Des personnes-ressources acteurs du secteur, ont été invitées pour comprendre "qui fait ou doit faire quoi ?".

Il faut s’en préoccuper et obliger les responsables à s'engager mutuellement, pour partager les ressources en eau, au juste prix et en les préservant.

Collectif "S.O.S D’lo Chèlchè"

Parmi les présents, Daniel Chomet, conseiller communautaire et ex-président du comité de bassin. Ce membre de l’opposition Schoelchéroise, professeur de science physique, cible en particulier sur sa page Facebook, la source Morestin située au nord du territoire, laquelle pourrait irriguer à la fois le Nord Caraïbe et le Centre.

"Cap Nord a choisi son camp"

C’est environ 15 000 M3 par jour d'une eau d'excellente qualité. C'est 3 fois plus que ce qui aujourd'hui est exploité. C’est-à-dire qu'il y a une ressource largement dimensionnée pour servir le Nord Caraïbe et le Centre (…). Faute d'alternative en approvisionnement, la CACEM [Communauté d’Agglomération du Centre de Martinqiue] achète de l'eau à la SME [Société Martiniquaise des Eaux] à un prix scandaleux. Le surcoût est d’environ 2,5 millions d'euros par an. Donc, livrer à la CACEM de l'eau via Morestin, serait une bonne nouvelle pour la Commununauté et ses usagers, mais une mauvaise affaire pour la SME. Manifestement, Cap Nord a choisi son camp. Facebook Daniel Chomet (8 mai 2024)

Facebook Daniel Chomet

(8 mai 2024)

Frank Sainte-Rose-Rosemond, autre opposant de la municipalité de Schoelcher, exprime lui aussi sur les réseaux sociaux, son scepticisme concernant la gestion publique du nébuleux dossier de l’eau martiniquaise.

"Réparer ce qui doit l'être… réorganiser ce qui doit l'être"

Et nous revoilà, à subir des coupures d'eau dans ce pays montagneux, dont les rivières font le bonheur de la nature et des hommes. Ce n’est pas de sécheresse qu’il s’agit. Comme pour le transport, le sujet ici c'est l’indigence de la gestion publique. Et une fois de plus ces mêmes élus viennent nous parler de trucs comme une extension du TCSP vers Schoelcher alors qu’ils sont incapables de faire fonctionner 4 bus, ou d’investir ce qu’il faut pour que les gens aient de l’eau ! Je ne comprends pas qu'on ne mette pas toute notre énergie et tous nos budgets (et ils existent !) à réparer ce qui doit l'être, à réorganiser ce qui doit l'être.

Facebook Frank Sainte-Rose-Rosemond, conseiller municipal de la minorité à Schoelcher

(post du 12 avril 2024)

Les membres du comité citoyen du sud Martinique (23 février 2017 devant le siège de l'Espace Sud à Sainte-Luce)

À Sainte-Luce, le Comité Citoyen du Sud de Martinique interpelle les protagonistes : "Nous voulons savoir ce que vous avez fait de l’argent des contribuables durant toutes ces années". Le CCSM en profite pour rappeler qu’il milite depuis plusieurs années "pour un prix de l’eau revu à la baisse, pour la gratuité des 8 premiers M3 pour tous et la création d’une autorité unique" dédiée à la gestion de la ressource.

Ces derniers jours, le Comité s’est employé à convaincre d’autres associations citoyennes qu’"il faut maintenant réagir ensemble" face à cette raréfaction de l’eau jugée "inadmissible", au vu des tergiversations politiques que déplore sur les réseaux sociaux la population, dans sa très grande majorité.

"Il y a de l’argent"

On est en contact avec le collectif de Schoelcher et dans le Nord, celui de Morne-Capot au Lorrain. Nous, nous rebondissons sur les coupures d’eau pour fusionner toutes les autres revendications (gestion unique, baisse des factures…) mais aussi la création de plusieurs nouveaux châteaux d’eau pour les réserves, la multiplication de surpresseurs pour alimenter correctement les points hauts en particulier et bien entendu le remplacement des canalisations.

Roger Lanoix, président du CCSM

(Comité Citoyen du Sud de Martinique)

"Défendre l’intérêt général"

Nous savons qu’il y a de l’argent, comme les fonds de l’ODE [Office De l’Eau] par exemple, mais il fait savoir utiliser les sommes correctement. Mais nous avons le sentiment qu’il n’y a pas véritablement une volonté de défendre l’intérêt général en Martinique. Vous vous rendez compte qu’une grande partie de l’activité du pays est à l’arrêt, à cause du manque d’eau !

Roger Lanoix

Les premières actions surprises devraient débuter le 23 mai prochain dans le Sud prévient le CCSE, car "nous en avons marre d’être menés en bateau depuis trop longtemps".

D’autres associations devraient rejoindre le Comité Citoyen du Sud de Martinique, lequel espère mobiliser un maximum d’usagers mécontents.