La plus ancienne pâtisserie traditionnelle de Martinique a 110 ans !

Pâtisserie Surena à Fort-de-France
En mai dernier la pâtisserie Suréna a fêté ses 110 ans (1906-2016). La plus ancienne pâtisserie traditionnelle de Martinique a réussi à se maintenir durant toutes ces années. Mais bien loin, de s'endormir sur leurs lauriers, ses dirigeants n'hésitent pas à innover pour perdurer.
Il suffit d'emprunter la rue Victor Hugo du centre ville de Fort-de-France au petit matin, pour être comme transporté par un parfum de sucre, qui chatouille les sens. Plus l'on s'approche de la boutique et plus les senteurs de gâteaux tout chaud poussent à la gourmandise. 

La petite pâtisserie est pleine à craquer. "Une pomme cannelle, s'il vous plait", "un robinson coco, un pain doux et un roulé à la confiture", les commandent s'enchaînent mais Blandine garde le rythme et distille leurs précieuses friandises aux clients.

La nuit les hommes préparent les pains et viennoiseries, puis les femmes prennent le relais pour les pâtisseries







Pain doux, choux à la crème, pain au beurre, bonbon chouval...L'enseigne propose plus d'une quarantaine de produits sucrés et salés tous les jours. Cent cinquante kilos de farine et trois cent cinquante oeufs sont utilisés quotidiennement pour alimenter les deux boutiques.
La plus ancienne pâtisserie traditionnelle de Martinique innove pour perdurer
De temps en temps, la porte qui sépare la pâtisserie de l'arrière boutique s'ouvre et les clients peuvent entrevoir ce qui s'y passe. Dans cette grande cuisine, c'est aussi l'effervescence. Durant la nuit, les hommes ont préparé les pains et viennoiseries, puis à 5h30, les femmes prennent le relais pour les pâtisseries. 

D'un côté, Josette est en train d'abaisser une pâte sablée. Sur le même plan de travail, Océlane prépare des tartelettes aux fruits et Jocelyne détaille des pains d'épices. De l'autre coté, Josia, pique un fond de tarte dans un moule coloré par les attaques brûlantes du four.
Le four de la pâtisserie Surena
L'entreprise compte dix huit salariés dont cinq nouveaux rien que cette année pour l'ouverture de la nouvelle boutique à Rivière-Salée. Certains ont passé toute leur carrière chez Suréna comme Jocelyne et Josette qui travaillent ici depuis une quarantaine d'année. "Après une formation en pâtisserie au Copès, j'ai demandé un stage et à la fin j'ai été embauchée".

Tous les matins depuis quarante ans maintenant, Josette quitte sa maison de Saint-Joseph très tôt pour partager son savoir-faire et régaler les gourmands. Josia est la dernière arrivée, elle a été embauchée il y a à peine un mois. Avant, elle travaillait dans un hôtel qui a fermé "c'est une reconversion en quelque sorte...ce n'est vraiment pas pareil". "Pour l'instant elle est à l'essai et ne fait que de l'assemblage" précise le gérant..."les secrets de fabrications ne sont pas révélés aux nouveaux salariés". 

Suréna est une marque déposée

Le "Robinson" aurait été crée par Suréna à ses débuts.
Ici, le produit phare c'est le "Robinson". Ce gros gâteau à base de pâte brisée, surmonté de confiture maison, d'une couche de "gâteau américain" et recouvert d'une autre pâte brisée, aurait été crée par les ancêtres Suréna au commencement.

Sa texture à la fois croquante et moelleuse ne laisse personne indifférent. Aujourd'hui, ce gâteau fourré à la confiture de banane, goyave ou au coco-crème est entré dans les classiques de la pâtisserie traditionnelle de Martinique et est réalisé par de nombreuses enseignes. 

Pour les autres pâtisseries, les choses seront différentes. La Marque Suréna et toutes les recettes préparées à la pâtisserie ont été déposées à l'Institut National de la Propriété Industrielle afin d'être protégées. En mars dernier la patisserie Surena était mise en lumière dans un reportage de TF1.Affectueusement appelé Monsieur Suréna, Max Crispain, le gérant, a impulsé une nouvelle dynamique depuis cinq ans.
"J'étais co-actionnaire depuis 2004 avec mon cousin qui est le petit-fils de Monsieur Suréna. Et puis il y a cinq ans, il a voulu faire autre chose pour des raisons personnels. J'ai donc repris ses 51%, je suis actionnaire unique et gérant avec mon épouse". 

L'affaire n'appartient donc plus à la famille d'origine mais comme se plait à dire Max Crispain, elle reste une affaire familiale, "Je travaille avec mon épouse, mon frère, donc ça reste la famille". 

"Aujourd'hui il faut s'adapter", confirme Max Crispain 

Après le lancement de son site internet le 6 octobre, le 18 octobre 2016, la pâtisserie Suréna a ouvert une deuxième enseigne à Rivière-Salée. Le gérant a dû se rendre à l'évidence, le centre ville de Fort-de-France n'est plus aussi attractif par rapport à la circulation ou encore le manque de place de parking, mais il préfère relativiser "c'était une façon de nous rapprocher de nos clients du sud". 
Jour de fête pour les clients de Surena à Rivière-Salée
Des clients qui ne boudent pas leur plaisir comme Lysiane de Sainte-Luce "Je suis venue deux fois en trois semaines, on a de la chance de les avoir dans le sud", quant à Roselyne de Ducos, elle est ravie. "Je connais Suréna depuis ma tendre jeunesse, c'est la pâtisserie d'antan" ou encore Jean-Christophe du Lamentin qui ne descend presque plus à Fort-de-France, "c'est une pâtisserie réputée pour son robinson, je passais, j'ai vu l'affiche donc je me suis dit pourquoi pas ?". 
Une pâtisserie de notre patrimoine culinaire s'installe à Rivière-Salée
"Et puis Rivière-Salée est une ville bien placée, pas trop loin de l'aéroport pour les expéditions aussi", explique Max Crispain. En effet, depuis quelques mois, la pâtisserie s'est lancé dans la livraison. En Martinique, en Guadeloupe, à Paris ou encore en province, il est possible de commander et recevoir ses gâteaux à la maison.

Une nouvelle stratégie marketing qui est née d'un constat : "on s'est rendu compte qu'il y avait une forte affluence de vacanciers à la pâtisserie durant les mois de juillet et d'août, je me suis dit qu'il y avait quelque chose à faire".

Difficile d'évaluer les retombées économiques de ce nouveau service pour l'instant, mais selon le gérant, les commandes se comptent par dizaine chaque semaine. Pour réduire les frais de livraison vers l'hexagone, il envisage même d'ici début 2017, la mise en place d'un point de retrait et/ou de vente. Si le style est resté le même, les gâteaux de Suréna ont évolué. "On est a l'écoute des clients", nous dit le gérant qui n'a pas hésité a réduire les quantités de sucre dans les confitures et les gâteaux ou encore proposer des produits à base de farine de manioc pour les personnes intolérantes au gluten. "Je veux que l'on continue à se développer et surtout mettre en avant ce savoir-faire et nos produits. On est artisanal et ça me plait". 
De gros gâteaux qui s'affichent désormais sur internet.
Le gérant utilise la page Facebook de la pâtisserie comme une vitrine virtuel, "j'essaye de trouver des choses pour que les clients viennent d'une façon ou d'une autre". C'est d'ailleurs grâce à ce nouveau support qu'il communique sur ses nouvelles créations.

À la date anniversaire de l'enseigne, les pâtissières de chez Suréna ont crée un nouveau gâteau, le "1906", un gâteau à base d'une compotée de patate douce orange et d'une confiture de noix de coco maison enrobé dans une pâte brisée fine et fondante. Qui sait, peut-être que comme son illustre ancêtre, le "Robinson", le "1906" marquera lui aussi l'art culinaire local ?