En mai dernier la pâtisserie Suréna a fêté ses 110 ans (1906-2016). La plus ancienne pâtisserie traditionnelle de Martinique a réussi à se maintenir durant toutes ces années. Mais bien loin, de s'endormir sur leurs lauriers, ses dirigeants n'hésitent pas à innover pour perdurer.
Peggy Pinel-Fereol •
Il suffit d'emprunter la rue Victor Hugo du centre ville de Fort-de-France au petit matin, pour être comme transporté par un parfum de sucre, qui chatouille les sens. Plus l'on s'approche de la boutique et plus les senteurs de gâteaux tout chaud poussent à la gourmandise.
La petite pâtisserie est pleine à craquer. "Une pomme cannelle, s'il vous plait", "un robinson coco, un pain doux et un roulé à la confiture", les commandent s'enchaînent mais Blandine garde le rythme et distille leurs précieuses friandises aux clients.
La nuit les hommes préparent les pains et viennoiseries, puis les femmes prennent le relais pour les pâtisseries
Tous les matins depuis quarante ans maintenant, Josette quitte sa maison de Saint-Joseph très tôt pour partager son savoir-faire et régaler les gourmands. Josia est la dernière arrivée, elle a été embauchée il y a à peine un mois. Avant, elle travaillait dans un hôtel qui a fermé "c'est une reconversion en quelque sorte...ce n'est vraiment pas pareil". "Pour l'instant elle est à l'essai et ne fait que de l'assemblage" précise le gérant..."les secrets de fabrications ne sont pas révélés aux nouveaux salariés".
Sa texture à la fois croquante et moelleuse ne laisse personne indifférent. Aujourd'hui, ce gâteau fourré à la confiture de banane, goyave ou au coco-crème est entré dans les classiques de la pâtisserie traditionnelle de Martinique et est réalisé par de nombreuses enseignes.
Pour les autres pâtisseries, les choses seront différentes. La Marque Suréna et toutes les recettes préparées à la pâtisserie ont été déposées à l'Institut National de la Propriété Industrielle afin d'être protégées. En mars dernier la patisserie Surena était mise en lumière dans un reportage de TF1.Affectueusement appelé Monsieur Suréna, Max Crispain, le gérant, a impulsé une nouvelle dynamique depuis cinq ans. "J'étais co-actionnaire depuis 2004 avec mon cousin qui est le petit-fils de Monsieur Suréna. Et puis il y a cinq ans, il a voulu faire autre chose pour des raisons personnels. J'ai donc repris ses 51%, je suis actionnaire unique et gérant avec mon épouse".
L'affaire n'appartient donc plus à la famille d'origine mais comme se plait à dire Max Crispain, elle reste une affaire familiale, "Je travaille avec mon épouse, mon frère, donc ça reste la famille".
"Aujourd'hui il faut s'adapter", confirme Max Crispain
Une nouvelle stratégie marketing qui est née d'un constat : "on s'est rendu compte qu'il y avait une forte affluence de vacanciers à la pâtisserie durant les mois de juillet et d'août, je me suis dit qu'il y avait quelque chose à faire".
Difficile d'évaluer les retombées économiques de ce nouveau service pour l'instant, mais selon le gérant, les commandes se comptent par dizaine chaque semaine. Pour réduire les frais de livraison vers l'hexagone, il envisage même d'ici début 2017, la mise en place d'un point de retrait et/ou de vente.
Je découvre que la Pâtisserie Suréna (la plus vieille en Martinique certainement) est sur FB. La transition digitale ne joue pas.
À la date anniversaire de l'enseigne, les pâtissières de chez Suréna ont crée un nouveau gâteau, le "1906", un gâteau à base d'une compotée de patate douce orange et d'une confiture de noix de coco maison enrobé dans une pâte brisée fine et fondante. Qui sait, peut-être que comme son illustre ancêtre, le "Robinson", le "1906" marquera lui aussi l'art culinaire local ?