Les urnes ont donc désigné Emmanuel Macron, candidat de LaREM, vainqueur de l’élection présidentielle au soir du second tour, dimanche 24 avril 2022. Avec 58,54% des voix, le Président sortant réélu distance sa rivale Marine Le Pen de 17 points, mais l’électorat de la candidate du Rassemblement National s’est renforcé, avec 41,46% des suffrages.
D’une extrême à l’autre en Martinique
Le vote RN a aussi gagné beaucoup de terrain en Martinique comme pratiquement partout en Outre-mer, sauf dans les territoires pacifiques. Lors du 1er tour, c’est le candidat de la gauche radicale, Jean-Luc Mélanchon, qui est arrivé en tête dans l’île. 15 jours après, les électeurs ont basculé à l’extrême droite, après avoir renvoyé à leur pupitre les partis de gouvernement, le PS et LR.
Dès la publication du résultat de ce scrutin démocratique, les soutiens locaux de Marine Le Pen l’ont identifié comme un vote d’adhésion, tandis que ses adversaires parlent de vote protestataire, de sanction, de front anti Macron… D’ailleurs, plusieurs leaders et mouvements politiques locaux avaient appelé à "faire barrage" à la représentante du RN au second tour. Mais visiblement, ces consignes n’ont pas été respectées en Martinique, puisque l’extrême droite contre toute attente, a encore augmenté son score par rapport à la présidentielle de 2017 sur l'ensemble du territoire.
Un Président "punching-ball"
Est-ce à dire pour autant, qu’une majorité de martiniquais a épousé les thèses de l’ex-Front National ? Les observateurs comme le politologue Justin Daniel n’en croient pas un mot.
Ce qui conforte que ce n'est pas un vote d'adhésion. Au premier tour, l'on avait noté avec le vote en faveur de Mélenchon l'expression d'une colère où il y avait aussi une forme de protestation et Marine Le Pen capitalise là-dessus. Ce vote est un signal pour tous les responsables à tous les niveaux parce que cela signifie qu'il y a des problèmes et un malaise sur lesquels il faudra se pencher.
Justin Daniel, politologue
Emmanuel Macron a en effet été le "punching-ball" de beaucoup d’électeurs mécontents du passé, du présent et angoissés par l’avenir. Nombre de sujets ont cristallisé cette colère au fil du temps et pas seulement depuis l’élection de 2017.
On peut lister en vrac, la vie chère, la gestion de la crise sanitaire dont plusieurs soignants ont été écartés faute de vaccination obligatoire, le scandale du chlordécone lequel pourrait déboucher sur un non-lieu, la problématique des algues sargasses qui envahissent ponctuellement le littoral martiniquais depuis des années, la perspective d’un report de l’âge légale de la retraite (de 62 à 64 ou 65 ans)…
Et puis, Emmanuel Macron a aussi payé dans l’isoloir certaines petites phrases lâchées maladroitement sur le terrain, ou encore l’image d’un jeune Président "des riches" parfois "arrogant" ou "méprisant" selon une partie de l’opinion. Autrement dit, l'expression de l'affect a également joué contre lui et les actions jugées positives par ses supporters.
"Ce vote m’oblige pour les années à venir "
Le locataire de l’Elysée pour 5 ans de plus, est bien conscient que sa réélection n’est "pas un chèque en blanc" comme lui ont fait observer ses principaux opposants, immédiatement après sa victoire. Lors de sa première prise de parole à l’issue du vote devant la tour Eiffel à Paris, il a admis la responsabilité qui lui incombe désormais, c’est-à-dire rassurer, apaiser et réconcilier les français.
Je sais que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l'extrême droite. Je veux ici les remercier et leur dire que j'ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir. Je suis dépositaire de leur sens du devoir, de leur attachement à la République et du respect des différences qui se sont exprimées ces dernières semaines. Je pense aussi à tous nos compatriotes qui se sont abstenus. Leur silence a signifié un refus de choisir, auquel nous nous devrons aussi de répondre (…). Pour nombre de nos compatriotes qui ont choisi aujourd'hui l'extrême droite, la colère et les désaccords qui les ont conduits à voter pour ce projet, doivent aussi trouver une réponse. Ce sera ma responsabilité et celle de ceux qui m'entourent (…), car le vote de ce jour, nous impose de considérer toutes les difficultés des vies vécues et de répondre avec efficacité aux colères qui se sont exprimées .
Le Président de la République Emmanuel Macron – discours prononcé au Champ de Mars à Paris (24 avril 2022)
En attendant de répondre concrètement aux frustrations et malaises exprimés dans les urnes comme il l’a promis, le Président Macron de La République En Marche s’emploiera à former un gouvernement de transition, avant les élections législatives des 11 et 18 juin 2022 (en Outre-mer), un scrutin qualifié de "3e tour" par les deux autres blocs politiques. Le Rassemblement National et La France Insoumise espèrent en guise de revanche, une cohabitation.