Pourquoi faut-il commémorer l’insurrection du Sud de septembre 1870 ? Question vaine, sachant qu’il ne vient à personne de demander à un Français pourquoi il célèbre la prise de la Bastille, ou à un Américain pourquoi il est fier de la guerre d’indépendance. Notre histoire se doit d’être connue et célébrée, dans toutes ses dimensions.
L’insurrection de septembre 1870 est déclenchée à Rivière-Pilote après la condamnation considérée comme injuste de Léopold Lubin, un jeune entrepreneur en travaux publics issu d’une famille noire du Marin. Il est condamné à cinq ans de bagne après avoir infligé une correction à son agresseur, Augier de Maintenon, commissaire de marine.
Celui-ci avait cravaché Lubin sur la route entre Marin et Rivière-Pilote, au mois de février précédent. Une banale querelle entre un Noir et un Blanc ? Certes. Mais cette fois, la population de Rivière-Pilote refuse la condamnation de Lubin. Un mouvement de protestation prend forme.
Une révolte née d’une injustice…
Le 20 septembre, sur la place de la ville, la foule réclame l’annulation du jugement. Elle proclame sa confiance dans la république, en train d’être restaurée. Nous sommes trois semaines après l’abdication de Napoléon III après sa défaite à Sedan face à l’armée prussienne.
Le gouvernement provisoire composé de civils et de militaires dirigé par le général Cavaignac met en place une transition vers la république. Les colons de Martinique ne l’entendent pas de cette oreille. L’un d’eux, le béké Codé, propriétaire de l’Habitation La Mauny, se vante d’avoir pesé de tout son poids pour faire condamner le jeune Lubin.
Dès lors, c’est l’embrasement durant une semaine entière. La milice parvient à circonscrire la révolte au sud de l’île. Elle réprime sauvagement le soulèvement opéré par plusieurs commandos qui développent une stratégie de guérilla sous la direction, entre autres, de Bolivard et d’Eugène Lacaille. Les femmes jouent un rôle de premier plan dans l’insurrection, Madeleine Clem et Lumina Sophie notamment.
…brutalement réprimée
L’insurrection est finalement matée. Pas moins de 500 insurgés sont arrêtés. Nul ne connaît à ce jour le nombre précis de personnes tuées. La justice aura la main lourde en prononçant prend huit condamnations à mort et quatre-vingt-dix au bagne.
Une nouvelle fois après la révolution contre l’esclavage de 1848, la population martiniquaise montre qu’elle sait se comporter comme un peuple. Un peuple qui réitère ses revendications pour l’égalité des droits et le refus du racisme. Il montre aussi son refus de la monarchie, synonyme de régression politique. Il met toute sa confiance en la république, synonyme de progrès économique et social. Un siècle et demi plus tard, il serait opportun et riche d’enseignements d’étudier vraiment de près ces événements et leurs suites.