Il n’existe presque pas un seul domaine dans lequel n’intervient le Parlement européen (PE). Ses décisions législatives, appelées "directives" concernent quasiment tous les domaines de la vie quotidienne des habitants de l’Union européenne (UE).
Depuis la réforme entrée en vigueur lors de cette législature, les députés ont des pouvoirs comparables à ceux de la Commission, qui est le gouvernement des institutions de l’UE.
Le PE ne légifère pas en faveur d’un État membre de manière spécifique. Et encore moins au sujet d’un territoire d’un État. Il prend des décisions de portée générale applicables sur la totalité de l’espace de l’UE. Nous ne trouverons donc pas de décision du Parlement ne valant que pour la seule Martinique.
Parmi les très nombreuses directives ayant un impact sur la vie quotidienne, en Martinique y compris, nous pouvons citons celles sur les droits des patients, l’élimination des véhicules hors d’usage, l’égalité de traitement entre femmes et hommes dans le monde du travail, l’instauration d’un permis de conduire européen, ou encore le label "CE" pour les produits fabriqués dans l’Union européenne.
Des pouvoirs étendus et méconnus
Le Parlement intervient aussi pour arrêter les orientations et les financements de la politique agricole commune (PAC). La Martinique est directement concernée par ce sujet. Notre territoire est destinataire des fonds structurels permettant de diversifier sa production agricole, en théorie. En outre, les planteurs de banane disposent d’une garantie d’écoulement de leur production sur le marché de l’UE.
En revanche, un certain nombre de décisions importantes ne relèvent que de la seule commission. C’est le cas, très récent, du financement accordé pour le renouvellement des flottes de pêche dans certaines régions ultrapériphériques, dont la Martinique. Cette décision n’est pas passée par le filtre parlementaire, dans la mesure où elle est considérée d’ordre technique davantage que politique.
Des compétences distinctes
Il convient de distinguer ce qui relève des compétences de chacune des institutions de l’UE afin d’éviter toute confusion.
Bien que méconnues, les prérogatives du Parlement européen sont essentielles. Cette institution est la seule dont les membres sont directement choisis par les citoyens. Le PE exerce trois types de pouvoir :
- le pouvoir législatif : il adopte des lois, ou "directives", présentées par la Commission, le gouvernement de l’UE
- le pouvoir de contrôle : il élit le président (ou la présidente) de la Commission, après proposition du Conseil européen, l’instance politique suprême réunissant les chefs d’État ou de gouvernement des États membres ; le Parlement peut censurer la Commission, qui présente alors sa démission
- le pouvoir budgétaire : la préparation et l’adoption du budget de l’UE qui est une prérogative exclusive des députés.
Les pouvoirs au sein de l’UE se répartissent ainsi entre le Parlement, la Commission, le Conseil européen (l’organe politique) et les États membres. Une stricte répartition des compétences explique que les directives adoptées par les députés relèvent de trois domaines :
- celles relevant de la compétence exclusive de l’UE, comme les tarifs douaniers ou la souveraineté monétaire
- celles relevant de domaines partagés avec les États membres, comme l’environnement, l’énergie, l’industrie, l’agriculture
- celles relevant des prérogatives des États, sur lesquelles le Parlement peut donner un avis ou soutenir une décision nationale, comme la santé, la culture, le tourisme.
Les directives sont de la seule initiative de la Commission. Les députés examinent les textes proposés dans les commissions dont ils sont membres. Libre à eux de les amender. Puis ces projets sont soumis au vote lors des sessions plénières à Strasbourg (France).
La directive est ensuite présentée au Conseil de l’Union européenne. Cette instance réunit les ministres des États membres dont le périmètre de responsabilité recouvre le thème de la directive. Le texte peut subir des modifications avant d’être renvoyé devant le Parlement.
Les députés restent maîtres de leurs décisions
En cas de désaccord entre les ministres et les députés, un compromis est recherché par un comité comprenant des représentants de ces deux instances. Une seconde lecture est nécessaire en session plénière avant l’avis du Conseil. Dans le cas contraire, le projet de directive est rejeté.
Quelle que soit la coloration politique du Parlement qui sera renouvelé en juin 2024, nul ne peut douter que ses prérogatives, conquises de haute lutte ces dernières années, elles seront maintenues voir élargies. Ce qui tend à prouver que, contrairement à une légende tenace, les eurodéputés disposent de pouvoirs politiques au moins égaux à ceux de leurs homologues nationaux.