Racisme et violence : les syndicats de police nationale de Martinique réagissent aux décisions de leur ministre

Individu récalcitrant plaqué au sol lors de la simulation d'une interpellation de la police nationale (octobre 2019)
Tolérance zéro contre le racisme et abandon de la méthode d’interpellation "par le cou". C’est une promesse du ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, dans une conférence de presse donnée lundi 8 juin 2020 à Paris. Les syndicats de police de Martinique sont dubitatifs.
Dans une conférence de presse donnée lundi 8 juin 2020 à Paris, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner a annoncé une "tolérance zéro" face aux actes jugés racistes dans les rangs de la police et de la gendarmerie, des contrôles renforcés et l’interdiction de la méthode d'interpellation dite "de l'étranglement".

Ces annonces interviennent au moment où de nombreuses cérémonies d’hommage sont organisées dans le monde à la mémoire de George Floyd (dont les funérailles en privé ont lieu aux États-Unis, à Houston au Texas, ce mardi 9 juin 2020). Cet afro-américain de 46 ans est décédé à la suite d’une bavure policière lors de son arrestation par un policier blanc (le 25 mai 2020) à Minneapolis.
 

L’indignation populaire


Après plusieurs manifestations contre le racisme et les violences de certains agents, le président Emmanuel Macron avait demandé au gouvernement de se pencher rapidement sur ce dossier.

Je veux une tolérance zéro contre le racisme chez les forces de l'ordre (...).
Aucun raciste ne peut porter dignement l'uniforme de policier ou de gendarme (...). 
Aussi, j'ai demandé à ce qu'une suspension soit systématiquement envisagée pour chaque soupçon avéré d'actes ou de propos racistes.


Autre annonce du patron des forces de l'ordre : l’abandon de la "prise par le cou", dite de "l'étranglement".

Elle ne sera plus enseignée dans les écoles de police et de gendarmerie.
C'est une méthode qui comportait des dangers.


Réaction des policiers de Martinique 


Thierry Baucelin, Alliance Police Nationale CFE-CGC :

Les propos du ministre de l'Intérieur sont incompréhensibles, non seulement pour les forces de sécurité, mais sans doute aussi pour toutes les victimes d'infractions qui peuvent maintenant se demander quelles suites seront données à leurs plaintes, puisqu'on veut placer les forces de sécurité dans l'impossibilité de procéder correctement à des interpellations en toute sécurité, particulièrement lorsqu'elles ont affaire à des individus dangereux, récalcitrants ou réfractaires aux sommations. 

Il arrive parfois que dans certaines situations nous soyons malheureusement obligé  d'user de coercition, mais il faut savoir que tout cela est bien encadré par le Code Pénal et le Code de Procédure Pénale, avec des techniques bien précises et réglementaires, comme dans le judo par exemple.
Alors faut-il aussi interdire ces techniques dans ce sport ? 

Pas d’amalgame avec les États-Unis

En ce qui concerne des actes de racisme, s'il y a des situations où s'est avéré et constaté, elles sont inadmissibles et sont condamnées non seulement dans le cadre administratif, mais aussi sur le plan pénal (...). 

Mais j'insiste aussi sur les conditions dans lesquelles nous exerçons nos missions au service de la population, en mettant tous les jours notre propre vie en danger, avec une paye qui mérite largement d'être revalorisée. Par conséquent travailler dans la police (ou la gendarmerie), c'est une vraie vocation.

En France, les forces de sécurité exercent dans un cadre réglementé, non seulement par le contrôle hiérarchique en interne, mais aussi sous la vigilance judiciaire et administrative, et dans le cadre des lois républicaines. 
Il n'y a donc aucun amalgame à faire avec les événements qui se sont déroulés aux USA. 


"Oui, il y a des policiers racistes"


Claude Copel, secrétaire régional du syndicat Unité SGP-police FO-Martinique, dénonce lui aussi des comportements "racistes", tout en soulignant que "la police nationale n'est pas raciste".

Il faut débusquer sans plus attendre tous les racistes qui se cachent derrière un uniforme de policier. La police nationale n’est pas raciste mais il y a des policiers racistes au sein de cette police républicaine (...).
Commençons à nettoyer notre maison police ! J'aurais souhaité que le ministre de l’intérieur donne ce signe fort.

"Il va bien falloir trouver une technique efficace"

L’annonce concernant la techniques d’intervention n’est qu’un acte politique. Ces déclarations du ministère de l’intérieur doivent être opposées à la réalité du terrain. Nous prenons acte de cette décision, maintenant il va bien falloir trouver une technique efficace et sécuritaire pour que la loi soit appliquée en matière de coercition.

Hormis l’usage de l’arme létale, comment allons-nous faire pour interpeller un auteur d’infractions délictuelles ou criminelles qui résiste ?
J’entends que cette technique sera remplacée par le pistolet TAZER. Sauf que tous les policiers ne sont pas équipés, faute d'équipements suffisants.

Je pense que la police nationale au travers des propos du ministre, doit avoir les moyens de sa politique (...). Mais n’attendons pas 3 ans.

Mise en scène par la police d'une interpellation sur la voie publique (octobre 2019)
 

Comportement professionnel pour 80% des personnes interrogées


Entre mai et décembre 2019, une enquête nationale scientifique et indépendante (EQP 2019), a été réalisée à la demande du ministère de l’intérieur.
Objectif : "engager un travail approfondi et dans la durée sur la qualité du lien entre la population et les Forces de Sécurité Intérieure (FSI)".

Cette enquête a été conduite auprès de 48 134 personnes majeures. 12 822 d’entre elles ont répondu de manière effective à ce sondage.
 

Les principaux résultats de l’étude


    ⁃ 84,9 % des répondants déclarent avoir une image positive des forces de sécurité intérieure, et la note globale attribuée à ces forces est de 7,03/10.
    ⁃ Pour 80 % des personnes interrogées, les FSI ont un comportement professionnel lors de leurs interventions.
    ⁃ 77,5 % des enquêtés estiment qu’elles contribuent à améliorer la vie quotidienne.
    ⁃ 66,9 % les jugent proches des habitants.
    ⁃ Pour 63,4 % des personnes interrogées, la police répond aux attentes des habitants du quartier.
    ⁃ 60,2 % ont estimé que la police intervient dans des délais raisonnables en cas de problème.
    ⁃ A la vue des FSI, 44 % des personnes ont déclaré éprouver un sentiment de tranquillité, 24,3 % de confiance, 12,2 % d’inquiétude, 11,1 % de méfiance.

S’agissant de la perception des interventions des FSI, 73,4 % les jugent efficaces, 68,7 % les jugent autoritaires, 67,3 % les jugent adaptées, et 16,5 % les jugent injustes.
 

Appréhension de l’insécurité   


En ce qui concerne la perception de l’insécurité, 64,9 % des personnes interrogées jugent leur quartier sûr, et 65,5 % estiment que le climat de leur quartier est serein. 57,7 % des enquêtés jugent les effectifs des FSI dans leur quartier insuffisants. Dans leur vie quotidienne, ils déclarent pouvoir compter sur les FSI en cas de problème (55,3 %) davantage que pour les informer (44,9 %) ou les conseiller (42,8 %).
 

Quelles suites seront données à l’enquête
 

Il est prévu de reconduire et d’approfondir cette première vague d’enquête en 2020 afin d’inscrire dans la durée ce travail, pour mieux connaître et évaluer la qualité de la relation entre la population et les forces de sécurité intérieure. 

(Sources : ministère de l'intérieur)


L’intégralité de l’enquête EQP 19 est disponible sur le site du ministère de l’Intérieur :
https://www.interieur.gouv.fr/Actualites/L-actu-du-Ministere/Enquete-nationale-sur-la-Qualite-du-lien-entre-la-Population-et-les-forces-de-securite-interieure