Renouvellement des instances du PPM : "le parti s’appuie avant tout sur son fief historique de Fort-de-France auquel son destin reste manifestement lié" [Professeur Justin Daniel]

Siège du PPM (Parti Progressiste Martiniquais) au quartier Trénelle à Fort-de-France.
Dimanche (26 novembre), Didier Laguerre, le maire de Fort-de-France, est élu à la présidence du PPM au terme du 22e Congrès du parti. Alain Alfred devient secrétaire général du PPM. Deux visages bien connus de la scène politique martiniquaise. Nous posons 3 questions à Justin Daniel, professeur de sciences politiques à l'Université des Antilles (UA), sur le renouvellement du bureau du parti historique fondé par Aimé Césaire et Pierre Aliker en 1958.

Justin Daniel, professeur de sciences politiques à l'Université des Antilles (UA) répond à nos questions sur les changements au Parti Progressiste Martiniquais et sa position en tant que parti autonomiste en Martinique.

Justin Daniel, professeur de science politique à l'Université des Antilles

Peut-on parler de changement après le Congrès du PPM ? 

Le renouvellement à la tête du PPM n’induit pas de changement substantiel. D’une part, à l’image de ces prédécesseurs, le nouveau président est le maire en exercice de Fort-de-France au moment où il accède à ces nouvelles fonctions. Il y a là incontestablement une forme de continuité. Autrement dit, une tradition établissant une sorte de passerelle entre ces deux fonctions tend ainsi à s’établir. Ce qui montre bien que le PPM s’appuie avant tout sur son fief historique de Fort-de-France auquel son destin reste manifestement lié. D’autre part, les nouveaux dirigeants restent proches de l’équipe sortante, dont l’un des membres reste présent grâce à la création d’un poste de vice-président. Il reste que les défis auxquels le parti devra faire face dans les prochaines années pourraient se traduire par des changements à la fois dans le mode de fonctionnement du parti et dans l’approche des problèmes. Sans oublier le nécessaire renouvellement des cadres. Il est évidemment trop tôt pour se faire une idée précise sur ces différents points.

Didier Laguerre, le président du PPM et Alain Alfred, le secrétaire général du parti.

Comment le PPM se positionne-t-il comme parti autonomiste ?

L’autonomie reste le mot d’ordre historique du PPM. Toutefois, il peine à l’imposer et à en faire un puissant vecteur de mobilisation. Dans les années 1960 et 1970 du siècle dernier, il a dû faire face à une forte adversité de la part du courant départementaliste, soutenu par le pouvoir central, qui faisait de l’autonomie « l’antichambre » de l’indépendance tant redoutée aux Antilles. Aujourd’hui, si l’autonomie n’est plus un gros mot, au point qu’on en fait parfois un usage inflationniste, il reste à lui donner un sens et un contenu précis, en cessant de la ramener à sa dimension exclusivement institutionnelle ou statutaire. En clair, il importe d’établir un lien entre l’autonomie telle qu’elle sera mise en œuvre et les préoccupations des citoyens tournées vers l’amélioration du service rendu au public, c’est-à-dire tout simplement des services publics, la lutte contre la vie chère, les inégalités… Toute stratégie se focalisant uniquement sur les questions statutaires et institutionnelles est vouée à l’échec.

Quelle est la position du parti pour les prochaines élections ?

Le PPM est sorti affaibli de la séquence des élections sénatoriales. Pour la première fois depuis longtemps, il ne dispose pas d’élu au sein de la Haute Assemblée. L’alliance qui constitue la majorité au sein de l’Assemblée de Martinique a été soumise à une rude épreuve à cette  occasion. En outre, des tensions internes à cette alliance pourraient naître ou s’exacerber au fur et à mesure qu’on approche du renouvellement de ladite assemblée. D’autant que le PPM ne peut plus prétendre, comme il a pu le faire dans le passé, jouer le rôle d’intégration autour de lui des différents mouvements de gauche qui peuplent le paysage politique de la Martinique. S’il n’arrive pas à se projeter hors de sa zone d’influence foyalaise lors des municipales de 2026 — soit deux ans avant les élections territoriales — afin d’asseoir sa position à l’échelle de l’île, il court le risque de succomber à une sorte de réflexe obsidional consistant à s’enfermer dans son fief historique.