Retard de paiement des factures d’entreprises en Martinique : les socio-professionnels tirent la langue

Chantier de construction (image d'illustration).
Beaucoup de factures de la commande publique sont toujours en souffrance à la Collectivité Territoriale de Martinique, conséquence selon l'institution, de la cyberattaque dont elle a été victime récemment. Mais ces retards de paiement concernent aussi d’autres donneurs d’ordres et des services de l’État.

Les retards de paiement des factures générées par la commande publique ne sont pas nouveaux dans l’île. La panne informatique subie par la Collectivité Territoriale de Martinique ces derniers mois, n’a fait qu’amplifier les difficultés au sein des entreprises sous-traitantes, quelle que soit leur taille.

Mais la CTM n’est pas la seule institution concernée par les factures en souffrance, une réalité qui impacte singulièrement le secteur du BTP. Cette situation contraindrait même certains patrons à déposer le bilan selon Stéphane Carnier, secrétaire général de la FFBM (Fédération Française du Bâtiment en Martinique), d’autant que les commandes sont à l’arrêt.

"Tous les acteurs sont concernés"

Dans le secteur, on se prépare à des fermetures d’entreprises vu la situation en ce moment et il n’y a pas que la CTM. Ce sont tous les acteurs qui sont concernés. Vous avez les EPCI, les mairies, la DEAL, EDF, Odyssi… les banques qui ne jouent plus le jeu (…). Et quand les factures s’accumulent, eh bien certains adhérents veulent liquider leur société, parce qu’ils ont de l’argent dehors. Il y a deux combats : le premier c’est de trouver des marchés, car en ce moment personne ne fait rien, tout le monde se plaint du coût des matériaux, qui a considérablement augmenté depuis le début de la guerre en Ukraine, mais les entreprises n’y peuvent rien, elles sont obligées d’acheter pour travailler.

Stéphane Carnier

Une fois le chantier terminé, les entreprises doivent être payées normalement à 30 jours fin de mois. "Mais c’est de la théorie, car dans la pratique c’est rare" souligne Stéphane Carnier.

Selon l’IEDOM, en Martinique, les délais de paiement s’établissent à 95 jours en moyenne, contre 65 jours dans les DROM, et 28 jours dans l’Hexagone, alors que la loi précise que ce délai est de 30 jours (…). L’incompréhension du tissu socio-économique face à ces chiffres est d’autant plus grande qu’il existe quelques collectivités en Martinique qui respectent les délais de paiement légaux de 30 jours : il est donc possible pour les collectivités de payer les entreprises qui leur fournissent un service ou un produit en respectant la loi.

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"Nous sommes de nature résiliente"

Quand vous êtes chef d’entreprise vous devez attendre qu’on décide de vous payer. Mais dans certains services cela fonctionne (…). Il faut que les gens soient vraiment conscients qu’ils ont entre leurs mains l’avenir d’organisations et de leurs salariés (…). Mais nous sommes de nature résiliente donc on continue à se battre.

Stéphane Carnier, secrétaire général de la FFBM

(Fédération Française du Bâtiment en Martinique)

Stéphane Carnier, secrétaire général de la FFBM (Fédération Française du Bâtiment en Martinique) - septembre 2023.

Cette résilience incite les entrepreneurs du Bâtiment et des Travaux Publics à formuler des propositions à l’attention des donneurs d’ordre, pour "stimuler la filière", sous réserve qu’ils soient payés dans les temps. Parmi les projections du secteur, il y a "l’anticipation de l’innovation et la formation des salariés".

Mais les maîtres d’ouvrage doivent également "mettre en place une méthode qui permette d'être plus efficace et d'optimiser le temps" estime le représentant de la FFBM, pour un traitement plus rapide des dossiers, indépendamment des soucis informatiques pouvant survenir.

Nous restons convaincus qu'il ne s'agit pas d'une fatalité, mais nous tirons la sonnette d'alarme face à cette situation dramatique pour notre tissu socio-économique et notre attractivité (…). Il est indispensable que toutes les parties prenantes comprennent qu’une entreprise qui n’est pas payée dans les délais réglementaires rencontre d’énormes difficultés à payer les salaires de ses collaborateurs, ses cotisations retraites et plus généralement ses charges sociales et fiscales (…).

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Pendant ce temps en effet, l’administration sociale de son côté maintient la pression sur les chefs d'entreprise toutes activités confondues, pour le règlement de leurs charges dans les délais. Le BTP rappelle ses propositions récurrentes.

Un moratoire pour le paiement des charges sociales (patronales, salariales et fiscales) échelonné sur un délai de 46 mois. L'arrêt des poursuites d’huissiers et des ATD. La suppression des pénalités de retard. La mise en place de cessions de créances.

L’intersyndicale des entreprises du BTP en Martinique (janvier 2023)

Selon ces professionnels du bâtiment, les charges sociales et fiscales sont estimées par la CGSS (Caisse Générale de Sécurité Sociales) à 80 000 000 d’euros. Parallèlement, il y aurait 150 000 000 euros de factures impayées. "Donc c'est tout le système qui est paralysé" ajoute le secrétaire général de la Fédération Française du Bâtiment en Martinique.

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Le président du conseil exécutif de la CTM, Serge Letchimy, devait rencontrer ce mardi 12 septembre 2023, les représentants de la construction pour faire le point sur la situation.