Et si l’arbre du chlordécone cachait la forêt des pesticides ?

Pas un jour ne passe, depuis quatre semaines, sans évoquer l’exposition du pays au chlordécone. Pétition, prises de position, questions au gouvernement se succèdent. Et si nous élargissions notre vigilance à tous les produits chimiques que nous consommons sans y prendre garde ?
La crise du chlordécone a au moins le mérite de nous permettre d’effectuer un tri entre doutes et certitudes. C’est aussi le moment de constater que le chemin parcouru depuis une douzaine d’années est modeste. Le rapport de la mission d’information parlementaire présidé par l’ex-député Philippe Edmond-Mariette, de juin 2005, reste actuel.

Tout ce dont il est question aujourd’hui y est contenu. Temps perdu ? Certainement. D’autant que notre comportement de consommateur mal informé ne nous incite pas à appliquer complètement le principe de précaution, à notre échelle personnelle. Même si depuis quelques semaines, nous faisons un peu plus attention à ce que nous mangeons et buvons quand ces produits proviennent de notre terroir.

Notre inquiétude à propos du chlordécone devrait s’élargir à notre mode de vie


Les agriculteurs et les marchandes sont parfois interpellés sur l’origine des fruits et légumes des étals de nos marchés. Logique, vu le déferlement des prise de positions enregistrées ces derniers temps. Autre fait positif, nous nous intéressons volontiers à la relation de cause à effet entre cancer et chlordécone.

Si aucune étude équivalente à "Karuprostate" menée depuis 2004 en Guadeloupe n’a été menée en Martinique, il n’empêche : il existe bien un lien entre l’exposition au chlordécone, perturbateur endocrinien persistant, et le nombre record de cancers de la prostate chez nous. Ce que reconnaît le préfet dans un entretien à nos confrères de France-Antilles : "Il est certain que quand vous êtes exposé au chlordécone, vous avez plus de chances de développer un cancer de la prostate".

Notre vigilance quant aux effets néfastes de ce perturbateur endocrinien ne doit pas nous empêcher d’être aussi attentif à notre consommation d’autres pesticides sous-estimés. Ils sont partout : dans les raisins, pommes, poires d’Europe, dans les ignames et ananas du Costa Rica, dans les tomates de Santo Domingo. Nous les avalons sans nous poser de questions. Et pourtant !

En clair, notre inquiétude à propos du chlordécone devrait s’élargir à notre manière de nous alimenter et plus largement, à notre mode de vie. Y sommes-nous prêts ?