Plénière de l’Assemblée de Martinique : ambiance un peu plus calme au 2e jour et pleins feux sur Alfred Marie-Jeanne

Visioconférence de la plénière mensuelle de l'assemblée territoriale, avec son président Claude Lise en gros plan (juin 2020)
Après le vote du compte administratif mardi soir, l’assemblée s'est prononcée, mercredi 1er juillet 2020 entre autres, sur le budget supplémentaire de la CTM : 235 millions de plus. "Insuffisant" pour beaucoup d'élus, et les langues se sont déliées, avec comme cible, Alfred Marie-Jeanne.
 
Après les tensions exacerbées du premier jour de la plénière mensuelle de l’assemblée, où l’on a assisté à des tensions violentes entre opposition et majorité, mais aussi entre les membres du "gran samblé" (majoritaire), le point 7 relatif au budget supplémentaire de 2020 a été l’un des plus commentés, dès l’ouverture de séance vers 10h30, avec des interventions encore vives.

Parmi les plus remarquées, celle du 1er vice-président de l’assemblée, Yan Monplaisir, qui a été le premier à s’exprimer après le président du conseil exécutif, Alfred Marie-Jeanne, qui défendait son budget supplémentaire.
Celui-ci s’élève à 235 millions d’euros, soit une progression de 21,1% du budget primitif global, pour un total de 1 348,9 millions.
 

"Les couteaux sont tirés"


Yan Monplaisir, l’ambitieux nouveau maire de Saint-Joseph (qui devrait être candidat en 2021 pour la présidence de la CTM), a estimé que les projets prévus dans le cadre de la décision modificative budgétaire à quelques mois de la fin de la mandature, ne sont qu'une "opération à vocation purement électoraliste".

Fred Lordinot, 4e vice-président  de l’assemblée et membre de l’opposition EPMN (Ensemble Pour une Martinique Nouvelle), après avoir rappelé le contexte de la crise sanitaire, a fustigé "la stratégie" de l’exécutif.
 

Aucun projet n’a été soumis à discussion sur le budget supplémentaire entre les différentes composantes de l’assemblée (...). Le guide suprême a décidé tout seul, entouré de sa petite cour.


Fred Lordinot a repris à son compte le syntagme "Moi président" (de Francois Hollande), pour égrainer une série de propositions. Ce qu’il appelle "des pistes opérationnelles à mettre en œuvre".
 

Report du vote demandé par le député Nilor


Jean-Philippe Nilor est intervenu à nouveau lui aussi dans le débat sur ce même point budgétaire.
 

Cette crise sanitaire ne saurait justifier notre manque d’ambition, notre manque de vision(...). Celui qui est victime à la fois de cécité et de surdité, ne saurait avoir une vision globale pour notre territoire. Donc le covid-19 ne saurait tout justifier.


Pour le co-président de péyi-a, (encore chef du groupe de la majorité a-t-il rappelé) "ce budget supplémentaire est notoirement insuffisant, pour répondre aux besoins de la population".

Après ce sévère constat, Jean-Philippe Nilor a proposé un report au mois de juillet prochain de l’examen du budget supplémentaire, "une chance offerte à l’exécutif de revoir sa copie", et de rappeler qu’il avait déjà souhaité "plus de co-construction" avec l’assemblée.
 

"Où sont les projets ?" s’interroge le PPM 


Pour Jhonny Hajjar, ce budget supplémentaire de 235 millions d’euros annoncé par l’exécutif, n’est qu’un "bel affichage, an bel vèglaj" (un aveuglement). "Où sont les projets ?" s’interroge le secrétaire général du Parti Progressiste Martiniquais.

Clément Charpentier-Tity, (proche de Francis Carole au sein de la majorité), a plaidé lui aussi mais de façon beaucoup plus édulcorée, pour "plus de concertation" entre l’exécutif et l’assemblée.
 

Il faut organiser une concertation, parce que nous sommes devant une situation nouvelle (...), pour que les choix opérés soient des choix stratégiques.


Claude Lise "se lâche" encore


Pour Claude Lise, la concertation "c’est ce qui a toujours manqué depuis le début" (...), le président de l'assemblée qui a régulièrement ajouté son grain de sel entre les interventions des uns et des autres.

Nous sommes dans un système hyper centralisé, un système pyramidal qui est suranné (...).

On a raconté à la population qu’on allait faire ensemble et dès le lendemain de l’élection, on a considéré qu’on avait été élu tout seul, un vote pour une personnalité unique, un leader maximo qui décide de tout, tout seul.

Ce n’est pas du Marie-Jeanne "bashing" que de dire cela, parce-que j’ai tout fait pour aider cet homme.

(Claude Lise)


Jusqu’en milieu d'après-midi, après plusieurs autres prises de paroles, Jean-Philippe Nilor est revenu à la charge, pour défendre à nouveau sa proposition de report du vote du budget supplémentaire de 2020. Mais cette fois, le député du sud a crucifié son "parrain politique", Alfred Marie-Jeanne.
 

Au coeur du débat, c’est la question de la concertation (...). Le problème qui se pose réellement, c’est celui du respect entre nous. Nous avons une collectivité qui doit fonctionner sur deux pieds : l’assemblée et l’exécutif (...).

Nous sommes convoqués régulièrement à des plénières de l’assemblée. C’est elle qui délibère.
Comment peut-on accepter qu’une réunion de cette assemblée soit convoquée par l’exécutif ?(...).

Je rappelle que j’ai été élu à l’unanimité chef de la majorité, si tant est que cette majorité existe encore et personne n’a osé remettre en question ce vote.
Donc, s’il y a une réunion de la majorité, c’est bien au chef de cette majorité que je suis, de convoquer ladite réunion.
 

"Esprit de diktat" 

Et c’est ce que j’ai fait régulièrement, pour essuyer régulièrement le boycott de certains membres de cette assemblée, et d’un certain nombre de conseillers exécutifs, pour qui, c’est sans intérêt ou qui considèrent qu’ils ne peuvent pas être invités à une réunion par un membre de l’assemblée (...).

C’est ce qui s’est passé, jusqu’à ce que le président du conseil exécutif fasse savoir bruyamment, comme il en a l’habitude malheureusement "sé mwen ki ka décidé" (c’est moi qui décide)...que c’est lui qui convoque et personne d’autre.

Voilà le résultat de cette conception autocratique du pouvoir, de cet esprit de diktat (...). Et c’est pourquoi cela va mal (...).
C’est pourquoi certains d’entre nous ne se disent plus bonjour. Tout simplement parce que certains considèrent qu’ils ont été élus tout seul.

J’ai porté ma pierre dans le sud (...) et je ne dois pas ma victoire ou ma place au sein de l’assemblée à un leader maximo.
Ce qui a été vendu à la population, c’est l’expérience, oui, d’Alfred Marie-Jeanne, mais aussi celle de Claude Lise.

Personne n’a gagné l’élection tout seul (en 2015). Cela va froisser des égos encore une fois, si tant est qu'il reste encore un peu d’égo, après les défaites successives à chaque scrutin.

(Jean-Philippe Nilor)


Marie-Line Lesdéma, membre de la majorité elle aussi, enfonce le clou juste avant le vote sur la proposition Nilor :
"J’ai décidé de ne plus me taire (...), parce-que cela suffit !"
 

L’opposition boit du petit lait


Catherine Conconne a enchaîné en rappelant que "depuis 5 ans, il n’y a jamais eu de transparence de l’exécutif envers l’assemblée. Qu’est-ce qu’on n’a pas subi ! Aujourd’hui, ceux qui cautionnaient cela, jouent aux colombes effarouchées"
 

Ne comptez-pas sur moi pour être le jouet sombre au carnaval des autre (...). Alors on assume et on boit le calice jusqu’à la lie.

(Catherine Conconne)


L'amendement Nilor pour le report de l'examen du budget supplémentaire a finalement été adopté par 34 voix pour, 15 contre et 2 abstentions.

Certes, les discussions ont été un peu moins houleuses que la veille, mais le schisme au sein de la majorité en particulier, a été très nettement marquée durant ces deux jours de plénière, tant les tensions se font de plus en plus vives dans l’hémicycle, avec comme cible principale, Alfred Marie-Jeanne.

La séance continue