Suzanne Dracius, fait la rentrée littéraire de Gonzague Saint-Bris avec son dernier livre "Hypallages"

Suzanne Dracius et son trophée reçu à Washington pour l'ensemble de son oeuvre
"Hypallage", figure de style qui donne son titre à cet ouvrage de l’écrivaine et professeure de Lettres classiques Suzanna Dracius. Ce livre, paru dans la collection "Qui ne sait rien, de rien ne doute" en des éloges croisés, à la fois à la sororité, à notre Histoire et à la mémoire de l’esclavage, se rapportant à l’une comme à l’autre. La sortie nationale est prévue dimanche 25 Août 2024 à Chanceaux-Près-Loches en Touraine (Région Centre-Val de Loire).

Pour la rentrée littéraire 2024, l’éditeur Jean-Benoît Desnel propose le second livre de sa collection "Qui ne sait rien, de rien ne doute", "Hypallages" de l'écrivaine Suzanne Dracius. Dans ses prolégomènes, (longue introduction), Suzanne Dracius nous conduit sur les traces de la tradition démocrate, aux États-Unis, de poète inaugural.

Elle a commencé à l’investiture du président John Fitzgerald Kennedy en 1961 pour se poursuivre avec Bill Clinton (1993), Barack Obama (2009) et Joe Biden (2021). Dès les premières lignes, l'écrivaine Suzanne Dracius défend l’universalité et la diversité de la littérature à travers 4 chapitres "d'Hypallages" publiées pour la rentrée littéraire 2024.

Olympe alias ou l'hommage à Gouges

Hommage à Olympe de Gouges, oubliée de l’Histoire qui a réussi en 1785 à inscrire au répertoire de la Comédie Française sa pièce "Zamore et Mirza" écrite en 1781, drame en 3 actes dénonçant sans ambages l’esclavage, dont les héros sont deux esclaves fugitifs.

Republié en 1792 sous le titre "L’esclavage des Nègres", il est fait mention en 1808 sur la liste introductive à l’œuvre antiesclavagiste de l’Abbé Grégoire. Elle fait partie des personnes qui ont œuvré pour la cause des noirs, des "gens de couleur" pour l’abolition de l’esclavage, l’égalité pour tous, femmes, hommes, noirs esclaves.

L’auteure salue le tournage d’un film honorant cette icône, Olympe de Gouges, une femme dans la Révolution, réalisé par Julie Gayet et Mathieu Busson et pense que cette combattante mérite la panthéonisation.

Figures de femmes, figures défigurées

Suzanne Dracius parle de Lumina Sophie, l’héroïne de 19 ans, oubliée de l'histoire, qui a sacrifié sa vie à sa cause. L’auteure se revendique, dixit Césaire, de "la race de ceux que l’on opprime" et d’ajouter "du sexe de celles que l’on opprime, mais je me bats".

Nous autres Antillais descendants de personnes esclavées, notre négritude n’est pas une aigritude mais une résilience au sortir d’un gigantesque traumatisme, et pour les femmes, double peine, car la femme subit les séquelles de l’esclavage en tant qu’être humain naguère réduit au rang de meuble, et en tant que femme vendue moins cher qu’un homme, le bois d’ébène, et subissant la pariade, les viols, le harcèlement sexuel du maître et toutes sortes de brimades et contraintes que ne subissaient pas les hommes. La femme antillaise revient de loin, de plus loin que l’homme antillais ».

Suzanne Dracius - Hypallages

Dans le sillage de Lumina, elle met en exergue la flamboyance d’une Martiniquaise, Luce Lemaistre, 1er édile du Morne-Vert en 1949, lorsque ce "Canton suisse" antillais devient ville. Cette Verdimornaise institutrice fut la première femme à accéder à ce poste en Martinique.

L'écrivaine Suzanne Dracius sera en sortie nationale

Suzanne Césaire, Paulette Nardal, négritude et féminitude

Suzanne Dracius parle de l’autre Suzanne, l’aimée de Césaire. Étudiante d’abord à Toulouse, elle intègre l’École Normale Supérieure à Paris en 1936. Elle souligne à la fois l’enseignante, militante féministe, la pionnière de l’afro surréalisme et l’autrice. Elle évoque cette adaptation théâtrale du roman de Lafcadio Hearn, Youma (1890), l’histoire d’une esclave noire qui se dévoue au péril de sa vie pour sauver d’un incendie la fillette blanche dont elle est la da, lors de la révolte d’esclaves de 1848.

L’enfant créole avait deux mères : l’aristocratique maman blanche qui lui donnait le jour, et la sombre mère esclave qui lui donnait tous ses soins

Suzanne Dracius - Auteure Hypallages

Dans ce chapitre, elle valorise une autre femme, issue de la bourgeoisie martiniquaise, mère de la négritude, première à étudier à la Sorbonne, première noire journaliste, férue d’art et de littérature, fille du 1er ingénieur martiniquais, premier noir à avoir bénéficié d’une bourse d’études. Si des appréhensions apparaissent, Suzanne Dracius anticipe.

J’écris au féminin pluriel en féminitude épanouie, qui n’est pas seulement une féminine attitude et va au-delà du féminisme, étape obligée mais transitoire. La féminitude prône la certitude qu’il ne faut laisser personne nous gâcher le plaisir d’être femmes.  

Suzanne Dracius Hyppalages

La controversée Joséphine impératrice des Français

Le sinistre Napoléon a prétendu avoir rétabli l’esclavage sous la pression des colons esclavagistes et particulièrement de sa première épouse, Joséphine, qui l’aurait convaincu sur l’oreiller de revenir au Code Noir. L’argument est ignoble, explique l’auteure.

Napoléon était un raciste invétéré et se souciait peu de l’opinion des femmes qui n’étaient pour lui que des objets sexuels interchangeables […] animé d’une négrophobie haineuse et de la jalousie farouche que lui inspiraient des hommes tels que Toussaint-Louverture, qui avait osé lui écrire « Du premier des Noirs au premier des Blancs », ou le général Dumas, qu’il a persécuté, une fois à Sainte-Hélène, Napoléon imputera à son ex-femme l’idée du rétablissement de l’esclavage, une invention pour se dédouaner de ce qui était devenu inacceptable

Suzanne Dracius - Hypallages

La créole impératrice demeure une énigmatique figure de femme d’Outre-mer que l’auteur se garde d’ériger en modèle. Et de conclure ce livre de 45 pages :

Notre négritude n’est ni une aigritude ni une égritude mais une plénitude, refusant l’amputation d’une partie de notre mémoire en cultivant l’anamnésie propitiatoire. De Lumina Sophie à Paulette Nardal en passant par Suzanne Césaire, allégories de cette résilience, puissent nos figures de femmes ne plus être défigurées.

Suzanne Dracius - auteur d'Hypallages