Le système pénitentiaire du Guyana fabrique-t-il de nouveaux criminels ?

Georgetown (Février 2014) capitale du Guyana
Plusieurs anciens prisonniers, interrogés sur leur réinsertion sociale une fois leur peine purgée, ne sont pas tendres avec le système pénitentiaire du pays. Selon leurs témoignages, la plupart des condamnés à des peines de prison récidivent.
Au moins 90% des personnes actuellement en détention provisoire ou qui purgent une peine de prison pour vol, ont déjà été soit condamnés, soit en préventive pour des faits similaires. Les journalistes du Guyana Guardian sont donc allés poser directement la question de leur réinsertion à d’anciens détenus. Ils leur ont demandé si leur incarcération les avait transformés en de meilleures personnes. La réponse est clairement négative et les faits semblent confirmer leurs dires.
 
En épluchant plusieurs dossiers judiciaires datant de 2012 à aujourd'hui, les journalistes ont remarqué qu'au moins 75% des délinquants condamnés ou en détention provisoire pendant au moins un mois reviennent en prison pour des faits violents ou plus graves. Les personnes condamnées pour vol qualifié constituent le gros de la population de délinquants récidivistes actuellement emprisonnés. Elles sont plus nombreuses que les personnes détenues pour meurtre, trafic de stupéfiants et autres catégories d'infractions graves.
 
Pour les anciens détenus, c’est une certitude : le système pénitentiaire guyanien n’est rien d’autre qu'un système de reproduction de jeunes criminels.
 

Une réinsertion inexistante  

Un ex-détenu affirme que ceux qui purgent leur première peine de prison ne bénéficient d’aucun conseil des autorités pénitentiaires ou d’agents de soutien, pour faciliter leur réinsertion. "Souvent", dit-il, "ce sont d’autres criminels chevronnés qui les prennent en charge et qui les interrogent sur leurs antécédents sociaux, leur situation économique ou leur vie professionnelle antérieure".
 
Les détenus qui sont socialement abandonnés, ancrés dans la pauvreté, ont tendance à se tourner vers le milieu du crime ou à dépendre de substances illicites telles que la marijuana, par exemple. Ils sont souvent et facilement recrutés par des gangs dont les principes reposent sur le secret juré et l'allégeance à un code criminel.
 
Une fois recrutés, les nouveaux membres sont autorisés à profiter de repas spéciaux, de l'accès à des téléphones. Ils peuvent aussi consommer des drogues presque sans aucune limite. "Il leur est offert cette mauvaise herbe et d’autres petites choses qui leur donnent le sentiment d’avoir gagné la confiance et l'amour des membres du gang. Ils deviennent aussitôt influençables et prêts à exécuter tous les ordres criminels" témoigne Gully Bop, un ancien détenu, aujourd’hui toxicomane, errant dans les rues de Georgetown.

Il explique que lorsqu’ils sont "intronisés", les jeunes bénéficient d’un bon traitement de la part du gang, à l’intérieur de la prison. "Une fois remis en liberté, en guise de reconnaissance au groupe, ils sont alors obligés de commettre des actes criminels pour ramener des fonds qui serviront à soutenir les autres membres du gang emprisonnés" ajoute l’ex-détenu.
 
Dans d'autres cas, "les jeunes intronisés" livrent simplement des informations financières et de sécurité interne d'une société commerciale, d'un ancien employeur ou d'un membre de sa famille, pour qu’un cambriolage soit organisé à leur adresse, par un membre du gang en liberté. 
 
Un autre ancien détenu affirme que la "fraternité criminelle" dispose d’un système financier strict, soutenu très souvent par des femmes de confiance. Celles-ci sont chargées de régler les frais juridiques ou les cautions pour les membres du gang auquel elles sont affiliées.

Des gangs bien organisés

 Interrogé sur les raisons pour lesquelles la police est incapable de briser une telle entreprise, l’ancien détenu pense que, pour obtenir des résultats, les autorités judiciaires devraient commencer par identifier les groupes de femmes qui continuent de faire libérer les membres d’un même gang impliqués dans un même type d'infractions.

Mais casser les réseaux criminels à l’intérieur des établissements pénitentiaires risque d’être compliqué, en raison de la corruption d’agents de police ou du système pénitentiaire. Tous les jours, les gangs accueillent de nouveaux membres. Pour chaque membre disparu, trois sont recrutés.
 
Dans le système pénitentiaire guyanien, comme dans beaucoup d’autres domaines, il y a les bonnes intentions affichées par des dirigeants politiques, les très louables objectifs visés par leurs réformes, et la réalité sur le terrain.