Edouard Glissant objet d’un nouvel hommage à Paris. La maire de la ville, Anne Hidalgo, a inauguré une artère située non loin du domicile de l’écrivain. Elle relie le quai Anatole France (l’un des plus grands poètes français) à la passerelle Léopold Sedar Senghor (l’un des plus grands poètes francophones, co-inventeur du concept de la négritude) sur les berges de la Seine, dans le 7e arrondissement.
Que pouvons-nous, en son pays natal, retenir de son œuvre ? Penseurs parmi les plus importants du 20e siècle, nous n’en n’avons pas forcément conscience. Militant politique ayant pris des risques personnels, ce moment de sa vie nous reste méconnu.
"Nul n’est prophète en son pays", selon le célèbre dicton. Ce qui vaut pour Frantz Fanon et, dans une moindre mesure, pour Aimé Césaire, vaut aussi pour Edouard Glissant. Ceci étant, des traces de son passage sont bien visibles ici.
Les prophètes n’ont pas de pays
Un collège du Lamentin porte son nom. Il y a vécu étant jeune après le départ de sa famille de Sainte-Marie. Au Diamant, beaucoup savent qu’il se retirait dans sa modeste villa, face à l’immense mer des Caraïbes, y puiser calme et inspiration.
Certains se souviennent aussi des séminaires qu’il animait pour les étudiants en doctorat de l’Université des Antilles et de la Guyane. Il n’est donc pas totalement absent de notre mémoire collective. Cependant, il eut été opportun de s’inspirer de ce qu’il a écrit et de ce qu’il a réalisé.
Joignant la pensée au geste, Edouard Glissant publie dans son premier roman, La Lézarde, en 1958, sa vision de l’engagement contre les séquelles du colonialisme. Ce livre est couronné du prix Renaudot. Glissant vient d’avoir 30 ans. Il raconte l’histoire d’un groupe d’amis souhaitant liquider un policier dont la mission est de réprimer les contestataires du système. Une histoire vécue par l’auteur.
Intellectuel et militant politique
Etudiant, il rencontre à Paris d’autres intellectuels. Ces militants fondent le Front des Antillais et des Guyanais pour l’autonomie, en 1961, aussitôt dissous par le gouvernement du général de Gaulle. Glissant est interdit de séjour sur place. Il réussit à rejoindre la Guadeloupe où il est arrêté, refoulé puis assigné à résidence à Paris jusqu’en 1967.
Revenu au pays, Glissant s’engage dans l’action culturelle et éducative. Il ouvre une école alternative expérimentale, l’Institut martiniquais d’études, l’IME. Il lance la revue littéraire Acoma. Il tente, en vain, de créer le Musée Martiniquais des Arts des Amériques, dans les ruines de l’usine du Lareinty à partir de sa collection personnelle d’oeuvres d’art.
Professeur d’université en Louisiane puis à New York, Edouard Glissant finit par poser ses valises à Paris où il ne cesse de publier essais et romans. Sa boussole est demeurée la même tout le long de sa vie : la lutte incessante contre la domination du monde par l’Occident. Un combat qui demeure d’actualité.
Glissant en mode digital
Pour en savoir plus sur Edouard Glissant, de très nombreux ouvrages sont consacrés à son œuvre. Deux sites numériques de référence méritent d’être consultés. Tout d’abord, celui conçu par Loïc Céry : http://www.edouardglissant.fr. Puis celui de l’Institut du Tout-Monde (ITM) créé par l’écrivain en 2007. Les activités de l’institution y sont présentées, ainsi que des archives vidéos de Glissant : http://tout-monde.com/.