Voici 75 ans, le 19 mars 1946, le Journal officiel publiait la loi transformant les quatre vieilles colonies de Guadeloupe, Martinique, Guyane et la Réunion en départements. Un anniversaire passé inaperçu en 2021. Rappel des circonstances ayant présidé à l’adoption de cette loi.
Le rapporteur du texte créant les départements d’outre-mer est le benjamin des députés issus des colonies, Aimé Césaire, âgé de 32 ans.
Il est proposé par le doyen des députés coloniaux, Gaston Monnerville, élu de Guyane. A cette époque, les jeunes politiques sont poussés en avant, incarnant la modernité et l’avenir.
Le compromis pour une évolution du statut des « quatre vieilles » - Guadeloupe, Martinique, Guyane et la Réunion - n’est pas facile à trouver. Les débats sont vifs. Le ministre socialiste des Finances, André Philip, ne veut pas du département d’outre-mer, plus onéreux pour les caisses de l’Etat qu’une colonie.
La France est exsangue après la guerre
Ses camarades socialistes des territoires concernés ne le suivent pas. Les députés discutent du texte les 12, 13 et 15 mars. La loi est promulguée le 19. De nouvelles espérances naissent dans les futurs départements de la France d’outre-mer.
Les communistes et leurs alliés socialistes et modérés tiennent leur victoire, l’assimilation, c’est-à-dire l’égalité des droits.
La revendication ancienne de l’égalité des droits
Une revendication ancienne, née à la fin de l’époque esclavagiste. La départementalisation est la traduction juridique de cette aspiration. Pourtant, une certaine confusion est constatée dans les années suivantes. Deux dynamiques s’opposent : la création de nouvelles institutions, souhaitée par les élus et le peuple et l’égalisation à marche forcée, souhaitée par l’administration.
Les préfets entreprennent le démantèlement du tissu économique en facilitant l’importation massive au détriment de la production locale. Ils tentent d’effacer les traits culturels des peuples concernés. Un dialogue de sourds s’instaure.
La gauche conteste le nouveau régime au bout d’une décennie, constatant l’écart entre la promesse d’égalité et la réalité. Toutefois, les conditions de vie de la population s’améliorent. Le système scolaire favorise le progrès social des classes sociales qui en étaient privées.
Un bilan riche mais contrasté
Soixante-quinze plus tard, la question reste posée de savoir si nos prédécesseurs de 1946 devaient choisir entre la revendication de l’égalité des droits et la lutte pour l’émancipation. Les possessions britanniques prennent le chemin de l’autonomie puis de l’indépendance. Les possessions françaises renforcent les liens avec l’ancienne métropole.
Pour certains analystes, l’émancipation dans les colonies françaises passait par l’égalité des droits. Cette demande avait été ignorée après l’interdiction de l’esclavage en 1848. Une carence comblée par la création du département. L’institution a été fondue dans la CTM, mais le débat ayant porté sa création demeure d’actualité.