La reprise des discussions entre les élus martiniquais, les représentants de la grande distribution, le préfet, la Collectivité majeure (la CTM) et le RPPRAC (Rassemblement pour la Protection des Peuple et des Ressources Afro Caribéens) pourrait avorter.
Dans un communiqué dont la presse et les réseaux sociaux ont été destinataires dans la soirée du lundi 14 octobre 2024, l’association a signifié son intention de "poursuivre ses rassemblements contre la "vie chère"".
Les membres du RPPRAC prennent acte de la décision du président de l’exécutif de la collectivité territoriale de Martinique de ne pas reconduire la table ronde prévue ce mardi 15/10/24 à Plateau Roy. Nous tenons à rappeler que, malgré nos réticences, 24 points sur 26 ont été actés. Néanmoins, regrette qu’il soit averti par voie de communiqué de presse, ce lundi soir après 20h00.
Le RPPRAC (communiqué du 15 octobre 2024)
En effet, dans une communication électronique émanant du PCE (Président du Conseil Exécutif) à 20h14 ce lundi, Serge Letchimy prenait acte du fait qu’il n’avait reçu à cette heure "aucune nouvelle proposition concrète et viable pour faire avancer les négociations sur les deux derniers points restant à la discussion, parmi les 26 du projet de protocole d’accord".
À la fin de la dernière table ronde [vendredi 11 octobre, à 1h30 du matin], j’ai donné à chaque partie prenante jusqu’à mardi 15 octobre, minuit, pour formuler ses propositions. Il n’y aura donc pas de nouvelle table ronde ce mardi.
Serge Letchimy
"Il n'y aura pas de concessions"
Autrement dit, sauf interprétation abusive, la porte reste ouverte au dialogue pour tous les acteurs, jusqu’à 0 heure ce jour (mardi 15). Mais le RPPRAC semble avoir mis unilatéralement un coup d’arrêt à la réunion, en faisant fi de manière intransigeante de la main encore tendue du président de séance.
Nous affirmons qu'aucune concession ne sera faite à ceux qui n’ont jamais fait preuve de bonne volonté envers le pouvoir d’achat des Martiniquais, et ce, depuis bien avant 2009. Nous déclarons solennellement qu'il n'y aura pas de concessions face à la vie chère, qu'il s'agisse de 2009 ou de 2024.
Le RPPRAC
Coup de pression ou point de non-retour ?
Plus tôt dans la journée de lundi, durant la matinale radio sur Martinique Première, le leader de la lutte, Rodrigue Petitot, avait déjà annoncé la couleur s’agissant de l’alignement des prix des produits alimentaires pratiqués dans l’île, sur ceux de l’hexagone : "C’est sur tout l’alimentaire… on ne va rien lâcher".
Tel est donc le nœud du problème qui crispe tous les autres acteurs, ce qui équivaut à 40 000 tarifs à revoir à la baisse. "Ce n’est pas possible" avait déjà prévenu Serge Letchimy, qui a donc invité l’association et les commerçants à trouver une cote mal taillée en quelque sorte. Mais les membres du Rassemblement restent inflexibles.
Est-ce une stratégie pour accentuer la pression chez les distributeurs ou le conflit a-t-il franchi la frontière du non-retour ? C’est en tout cas ce que redoutent beaucoup de commerces épargnés jusqu'ici, mais également ceux qui se sont retroussé les manches depuis une semaine, pour tenter de se remettre à flot, en attendant le coup de main des assurances.
C’est le cas de Willy Hilaricus, ce jeune pharmacien qui a trouvé son officine réduite en cendres au lendemain des "incendies criminels" de la nuit du 10 octobre.
"C'est un énorme coup dur"
J'ai été extrêmement choqué par les conditions dans lesquelles j'ai perdu mon entreprise. J'essaye actuellement de retrouver un local pour reprendre mon activité avec mes 7 employés, mais c'est compliqué au Carbet où la population a besoin d'une pharmacie. Et puis c'est toute ma vie que j'avais construite autour de mon entreprise depuis 2016. Je suis dans l'optique de rebondir, car c'est un énorme coup dur, pour moi, pour mes employés et pour le Carbet. La situation est très difficile, mais je me bats.
Le pharmacien Willy Hilaricus
Même préoccupation pour la société "Master Salad" basée à Saint-Joseph et "incendié en partie", dont les photos montrent bien l’ampleur des dégâts.
"15 personnes au chômage"
Tout notre stock de consommables a brûlé, nos machines de rechange ont brûlé, notre cuve de gasoil a brûlé, l'un de nos camions que nous n'avions pas pu sécuriser a brûlé (es 3 autres avait été vandalisé la veille). Nos palettes ont brûlé, le groupe électrogène est endommagé, nos pièces de rechange ont brûlé, nos 2 conteneurs ont brûlé, notre production est arrêtée [et] 15 personnes sont au chômage. Publication de l’entreprise sur les réseaux sociaux
Publication de l’enseigne sur les réseaux sociaux
Au lendemain de ces émeutes, en ouverture de la 5e table ronde (le 11 octobre), Catherine Rodap, la présidente du Médef Martinique, s’est indignée du désastre de la veille et des conséquences pour les entreprises impactées.
Nos entreprises sont pillées, avec une menace de notre économie, des emplois également, un risque de dépôt de bilan. Ce sont des pères et mères de famille qui aujourd'hui se retrouvent dans une situation de grande précarité. On est dans une situation inacceptable ! On vit dans un climat d'insécurité, la sûreté de notre territoire et mise en difficulté (…). Je dis oui à la concertation, mais on ne peut pas continuer à rester dans cette situation qui est anxiogène.
Catherine Rodap(le 11 octobre 2024)
Quelles seront les prochaines étapes et jusqu’où ira le RPPRAC "toujours déterminé" comme le disent souvent ses représentants ? La question reste entière à l’heure de la publication de cet article. Une chose est sûre, la Martinique retient son souffle, en spéculant sur l'issue de cette crise.