"Lundi 13 février 2023 passait en comparution immédiate au Tribunal de Grande Instance de Mamoudzou, un individu interpelé lors d’un fragrant délit de braconnage de tortue verte sur la plage de Moya 2 en Petite-Terre. Il a été condamné à 1 an de prison ferme. Il devra également verser aux quatre associations qui se sont constituées parties civiles dont Oulanga na Nyamba, la somme de 1000 euros chacune. Une peine de prison qu’Oulanga na Nyamba espère assez dissuasive pour les autres braconniers qui agissent à Mayotte."
Mayotte la 1ère : Etes-vous satisfait de cette décision ?
Oulanga Na Nyamba : Je me permets de compléter cet article en se basant sur le compte-rendu de notre avocate: Il a été déclaré coupable pour les deux infractions poursuivies : destruction et transport d'espèce protégée et condamné en répression à une peine de 12 mois d'emprisonnement ferme avec maintien en détention. La Procureure à l'audience avait demandé 18 mois fermes avec maintien en détention.
S'agissant des intérêts civils, le tribunal a alloué à chacune de vos associations 1.000 euros de réparation au titre du préjudice moral ainsi que 500 euros pour les frais d'avocat.
C'est pour moi une bonne décision quand on sait que la dernière affaire a donné lieu à une condamnation à 8 mois sans mandat de dépôt. L'explication du phénomène à Mayotte a semble-t-il été entendu. Nous n'allons pas interjeter appel sur les intérêts civils qui sont satisfaisants, le parquet ne fera à priori pas appel dès lors que le minimum qu'il accepte est précisément 12 mois fermes avec mandat de dépôt. Cette procédure devrait donc s'arrêter là.
Mayotte la 1ère : Est-ce que, vous considérez que la sensibilisation n’est pas efficace, que seule la répression peut mettre fin au braconnage ?
Oulanga Na Nyamba : Il s'agit deux méthodes différentes qui se complètent. En sensibilisant, nous agissons sur le long terme. Seul un changement profond de la mentalité des braconniers et consommateurs peut stopper le braconnage, en créant des alternatives via la valorisation locale de la tortue marine notamment (""exploitation" légale et raisonnée via l'écotourisme par exemple).
La répression, au contraire est une mesure d'urgence avec des résultats immédiats : les braconniers sont mis hors état de nuire. Pour assurer l'avenir des tortues à Mayotte. Malheureusement, nous ne pouvons plus attendre une prochaine génération plus sensibilisée pour sauver les tortues de Mayotte. Il faut freiner la perte nette dès maintenant.
Nous pouvons remettre en cause l'efficacité de la sensibilisation à l'environnement dans un contexte socio-économique difficile où les urgences se cumulent et les besoins primaires ne sont pas assurés pour une partie de la population. Lors de nos enquêtes et discussions avec la population, il ressort majoritairement que les braconniers prélèvent des tortues pour la vente, pour se faire de l'argent rapidement. A savoir qu'une tortue peut rapporter de 700 à 1000 euros. L'argument de la protection de l'environnement ne permet pas encore de contrer le gain d'argent potentiel pour une partie de la population.
"Afin que cette action se poursuive, une nouvelle version du Pacte de sauvegarde sera signée avec la Préfecture de Mayotte et tous les acteurs concernés courant 2023."
Mayotte la 1ère : qu’est-ce que vous souhaiterez voir ajouter dans la nouvelle mouture du Pacte de sauvegarde pour améliorer l’efficacité de la lutte contre les braconniers, plus de moyens humains, des sanctions encore plus dures ?
Oulanga Na Nyamba : Nous ne sommes pas maîtres des décisions du parquet. Les peines ont beaucoup évolué ces dernières années, et sont de plus en plus satisfaisantes. Ce résultat est aussi atteint grâce à la sensibilisation du parquet par les associations se constituant partie civile.
Nous espérons une collaboration encore plus efficace sur le terrain entre les acteurs du Pacte. Seule cette mobilisation générale porte ses fruits.
Nous espérons aussi des moyens financiers pluriannuels pour permettre des contrats plus pérennes à nos équipes qui s'engagent avec beaucoup de passion sur le terrain.
"Afin d’assurer l’efficacité et la durabilité de son engagement pour l’environnement mahorais, l’association met en œuvre ses actions en relation étroite avec les citoyens et de multiples partenaires. "
Mayotte la 1ère : Quel bilan vous dressez après 25 ans d’existence ?
Oulanga Na Nyamba : ONN a été créé par des mahorais passionnés de l'environnement qui avaient comme objectif d'alerter la population sur le grand nombre de tortues braconnées à Mayotte. Des actions de sensibilisation et de surveillance des plages de pontes ont été menées pendant de longues années par des bénévoles. L’association a embauché son premier salarié en 2017, et a connu depuis une forte évolution. Le champ d'action a été élargi, les projets se sont multipliés, avec le montage de gros projets phares comme le futur centre de soin et de découverte des tortues marines, Ka'za Nyamba.
L'association a gagné en expérience et au cours de ces années nous avons compris qu'il ne s'agit pas de simplement protéger la tortue contre les braconniers, mais qu'il s'agit de faire de la présence de la tortue à Mayotte une opportunité, de la promouvoir comme richesse et de la valoriser autrement. Ainsi nos projets répondent plus largement aux enjeux sociaux et économiques du territoire. Protéger l'environnement, c'est protéger une richesse "gratuite", commune et partagée. Cette richesse permet la création d'emplois et peut être la base d'une économie durable pour le territoire mahorais. Nous développons nos projets en cohérence avec ce concept: impliquer et responsabiliser les habitants de notre 'île en créant des emplois liés à l'environnement, en formant d'autre acteurs, en partageant notre expertise au plus grand nombre.