Ce mardi, les choses se sont accélérées au palais de justice de Kawéni. Après la fin de l’examen des faits, les avocats ont pu plaidé. Les parties civiles ont demandé des sanctions à la hauteur de la gravité des faits. Me Soumetui Andjilani, avocat du groupe Sodifram et des gardiens d’ETPC et Oté Matériaux a rappelé que les entreprises visées participaient activement à l’économie mahoraise, employant de nombreux salariés.
Ils disent avoir fui la misère d’Anjouan pour venir travailler et chercher une meilleure vie ici pour leur famille. Mais ces gardiens qu’ils ont violemment agressés, sont nés eux aussi à Anjouan. Ils s’en sont pris à des gens honnêtes. Et ils étaient déterminés. Non seulement, la présence des gardiens ne les arrête pas. Mais même quand des gendarmes utilisent leurs armes à feu comme à Mzouazia, ou quand il y a des badauds à Bandrélé, ils sont déterminés à voler les coffres-forts.
Soumetui Andjilani, avocat de la Sodifram et des gardiens d’ETPC et Oté Matériaux
Celui-ci s’est également interrogé sur le devenir du butin de ces vols. Et pour lui, pas de doute, il a été réinvesti dans la construction de villas à Anjouan. Pour Me Mélie Rivière, avocate du groupe Bourbon Distribution Mayotte (SNIE et Douka Bé), son client est bien une victime dans cette affaire.
Il n’y a aucun doute, la SAS BDM a subi des attaques répétées. Le préjudice est de plusieurs milliers d’euros. Mais il a fallu aussi réinvestir pour assurer la sécurité des locaux.
Mélie Rivière, avocate de la SNIE et Douka Bé
Mais la plaidoirie la plus émouvante a été celle de Me Erick Hessler, avocat de l’agriculteur Bernard Gagnardot. Son client qui a été cambriolé, frappé et jeté à terre de son fauteuil roulant devant son fils âgé de 9 ans à l’époque, n’a pas pu assister à la fin du procès. Et il n’a pas eu ce qu’il attendait.
Il s’attendait à ce que les accusés lui livrent la vérité et qu’ils se mettent à genoux pour lui demander pardon. Les faits qu’il a subis sont très violents, il a subi un traumatisme inimaginable. Et c’est dommage que les vidéos aient été perdues, car en les revoyant les accusés auraient pu se remettre en question. Les accusés n’assument pas. Et aucune condamnation ne rendra sa vie d’avant à M. Gagnardot.
Me Erick Hessler, avocat de Bernard Gagnardot
Depuis les faits, la victime a quitté Mayotte et son fils est toujours suivi par un psychologue près de 6 ans après les faits.
Des malfaiteurs bien préparés et organisés pour le parquet
L’avocat général Albert Cantinol, dont c’est la première cour d’assises à Mayotte, s’est évertué à démontrer que les 12 accusés faisaient partie d’une bande organisée. Tout d’abord, pour lui il y a bien une hiérarchie, avec des chefs et des membres qui ont tous un rôle défini : des chauffeurs, des guetteurs, ceux qui attaquent les coffres-forts. Ensuite, les faits sont préparés, notamment avec des phases de repérage. Et les outils utilisés ne sont pas anodins : barres à mine, cisailles, machettes et même meuleuse.
Enfin, l’avocat général a rappelé que les accusés étaient déterminés et qu’ils avaient tous des antécédents judiciaires. Il a donc requis des peines allant de 3 ans à 20 ans de réclusion criminelle, le maximum possible pour un vol en bande organisée avec violence.
La défense a contesté la bande organisée. Me Jean-Paul Ekeu a souligné qu’il n’y avait aucune information su le montant reçu par chaque membre de la supposée bande. Et que certains participants ne savaient même pas où ils allaient avant de monter dans la voiture qui les emmenait sur les lieux. Tout comme Me Kassurati Mattoir, il a également contesté la présence de son client sur certains faits. Une présence attestée par des témoignages en garde à vue, puis contestée par d’autres déclarations devant le juge d’instruction. Me Mattoir a même contesté la prise d’empreintes digitales et des traces d’ADN, qui normalement sont des preuves irréfutables.
Personne n’a jamais remis en cause l’enquête de la section de recherche de la gendarmerie. De 2018 à 2021, il y a eu 4 juges d’instruction su ce dossier, d’où la perte de certaines de preuves. Or le réquisitoire du parquet s’appuie sur le travail de la section de recherche.
Kassurati Mattoir, avocate d’Abdel, l’un des accusés
Elle a demandé la relaxe de son client pour les cambriolages d’Iloni et de Mzouazia et de revoir les réquisitions de l’avocat général à la baisse pour le cambriolage de Bandrélé, où il était présent, mais auquel il n’aurait pas participé selon lui.
Me Djaldi Zoubert a lui aussi réfuté la bande organisée. Si celle-ci n’est pas retenue, les peines devaient être au maximum de 10 ans de prison.
Qui était là, qui n’était pas là ? Il y a tellement de doute ! Et la bande est tellement organisée qu’on ne sait pas qui fait quoi !
Djaldi Zoubert, avocat de Djala et Bamoya, deux accusés
Pour lui, il n’y a pas eu de bande organisée, puisque les accusés se retrouvaient, commettaient les cambriolages et après la distribution de l’argent, chacun partait de son côté. D’ailleurs, il a déploré l’absence à la barre du chef présumé de la bande, un certain Oasis, qui aurait pu en dire plus et notamment sur le devenir des 235 000 euros dérobés.
Me Zoubert a lui aussi demandé la relaxe pour les cambriolages de Bandrélé et Dzoumogné pour Bamoya. Et pour Djala, qui était mineur au moment des faits, il a demandé au jury de revoir à la baisse la peine demandée par l’avocat général.
L’audience se termine ce mercredi avec les plaidoiries du bâtonnier Me Ahmed Idriss et de Me Aurore Baudry. Le délibéré est attendu en fin d’après-midi ou en début de soirée.