[Grand Format] Les cours d’eau de Mayotte en danger

L’action de l’homme et l’inertie des politiques pourraient avoir des conséquences sur la ressource hydrique. Il y a urgence à mettre en place des initiatives vertueuses en matière environnementale pour sauver les cours de l’île. 

Mayotte compte de multiples ressources naturelles. Elles  permettent  à la population de consommer de l’eau tous les jours.
Rivière, retenue collinaire, zones humides, lac…des richesses vitales mais en péril… Pourtant 80% de l’eau consommée dans l’île émane de celles-ci.
A quand une prise de conscience générale ? Les eaux de surface ou celles des nappes phréatiques sont de plus en plus polluées. Les sources de pollution sont multiples….Les membres de la FMAE,  la fédération mahoraise des associations environnementales est très au fait de cette problématique à la fois environnementale et de santé publique.
A Dembéni au centre de l’île  se trouve l’une des plus grandes rivières du département. Une rivière   jugée pérenne puisqu’elle coule toute l’année. Une aubaine pour les lavandières. Des femmes dont la sociale est fragile, qui s’adonnent  à cette pratique nocives pour l’environnement et fatale pour la biodiversité…. Lessive et eau de javel constituent un danger immense, s’alarme Ali Madi  président  de la FMAE.

 Les campagnes de sensibilisation ne semblent pas faire effet auprès de la population. Les mentalités ne changent pas. Pire encore, automobilistes et conducteurs de deux-roues nettoyant leurs véhicules dans les cours d’eau.
Face au laxisme des autorités, la population ne fait pas d’efforts non plus, estime la FMAE. Un  dépôt sauvage de déchets à proximité de la rivière de Dembéni en témoigne. Des immondices  qui se déverseront directement dans  la rivière avant de finir dans le lagon.
En aval de la rivière de Dembeni se trouve une autre zone protégée mais en théorie seulement. Toujours accompagné des membres de la Fédération mahoraise des associations environnementales, nous découvrons une  zone humide ou agriculteurs et maraichers se sont partagés la parcelle. Chacun cultive ce qu’il veut en toute impunité.

Une situation qui ne semble pas déranger outre mesure les autorités...puisque cette zone d’anarchie fait face au très rigoureux CIRAD…centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.

Qui est donc censé contrôler l’exploitation illégale sur des zones protégées ?
La Fédération mahoraise des associations environnementales ne comprend pas la politique menée à Mayotte pour la protection des cours d’eau.

A quelques encablures de la rivière,   la commune de Dembéni  a implanté un marché dans une zone marécageuse…le syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement lui emboite le pas pour y construire une station d’épuration. Là encore, la fédération des associations environnementales, impuissante  ne peut que constater une funeste marche à reculons en matière environnementale à Mayotte. 

Mais comment changer les mentalités lorsque les autorités elles-mêmes ne sont pas exemplaires ?


Nous quittons Dembéni pour Chiconi. Le décor qui nous attend témoigne aussi bien du laisser-aller absolu que de l’inconscience générale. Dès l’entrée de la commune des particuliers ont bâti leurs maisons directement sur la rivière après avoir remblayé le site. Résultat, le débit de la rivière a sensiblement  diminué.
Des cours d’eau qui rétrécissent et d’autres qui s’assèchent à cause de l’activité humaine. L’eau précieuse et vitale, un refrain chanté par tout le monde. Mais les actes ne semblent montrer que la sauvegarde de la ressource est  une priorité à Mayotte, aussi bien de la part de population que des autorités publiques. Et même la crise de l’eau de 2017 n’a pas suffi à réveiller les consciences. Aujourd’hui les deux institutions qui ont en charge l’eau à Mayotte se sont déclarées la guerre sur la gestion de la ressource, sur fonds de bénéfices qui se chiffrent en millions.
Le président du SIEAM  le syndicat intercommunal de l’eau et de l’assainissement de Mayotte  a annoncé sa décision de mettre fin à la délégation de service pour la distribution de l’eau à Mayotte par  la SMAE, la société Mahoraise des eaux, Depuis fin décembre les deux partenaires se sont lancés dans une guerre de l’eau sans merci.

Un conflit lié aux  marges faites par le délégataire depuis 2008. Le président du syndicat des eaux exige de la part de Vinci une  baisse du  prix de l’eau de 30% et demande à la SMAE de laisser au SIEAM la gestion des compteurs. Une guerre pour tirer les bénéfices de la gestion et distribution de l’eau  mais pendant ce temps, on ne parle absolument de la ressource elle-même, qui s’amenuise de jour en jour, presque dans l’indifférence générale dans une île où la démographie ne cesse de croître.
Le dernier recensement de la population fait état de 256518 habitants. La question de l’eau reste donc un enjeu majeur pour Mayotte.