Les grands dossiers de la CAPAM 2019-Chambre de l’Agriculture,de la Pêche et de l’Aquaculture de Mayotte ( Emission Radio Mayotte La 1ère " Les entretiens de Manu" 9 Mars à 13 h )

L' émission de radio LES ENTRETIENS DE MANU est consacrée à la situation de la CAPAM en 2019. Emmanuel TUSEVO s'entretient avec Zaidou BAMANA qui a suivi les récentes élections au sein de cette chambre consulaire.
Samedi 9 mars à 13 h et rediffusion dimanche 10 mars 2019 à 20H.
L'émission "Les entretiens de Manu" présentée par Emmanuel Tusevo Diasamvu se veut un face à face radiophonique, un entretien sans détour, sans langue de bois, soit avec un invité soit avec plusieurs, des personnalités ou pas.

https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte/emissions-radio/entretiens-manu

Voici les grands dossiers de la CAPAM 2019 - Chambre de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Aquaculture de Mayotte - publiés par Zaïdou Bamana :  

Elections à la CAPAM

Un mandat axé sur la production bio

L’élection pour le renouvellement du bureau de la Chambre d’agriculture est fixée fin janvier. Les discours de campagne parlent de développement quand les consommateurs déplorent une production insuffisante.

L’élection des membres de la chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture (Capam) aura lieu le jeudi 31 janvier 2019. Mouslim Payet, actuel président, remet en jeu son mandat, émaillé par diverses polémiques sur le financement de l’établissement consulaire qui se débat depuis des années pour sortir du déficit chronique. Les listes électorales ont été révisées ; les électeurs individuels devaient s’inscrire avant le 15 septembre et les groupements professionnels avant le 1er octobre 2018.
Les listes de candidature circulent de main en main et arrivent dans les boites aux lettres. A la lecture des professions de foi et projets de mandature, l’on perçoit une tendance assez marquée, comme en France métropolitaine : l'agriculture biologique confirme son dynamisme et la préférence des exploitants. Les professionnels mahorais promettent aussi aux consommateurs une augmentation des terres engagées en bio, de la consommation de produits bio mais également création de nouveaux emplois.

Bio, superficie, aides publiques

Les programmes parlent ainsi de vente au détail, transformation, distribution… les filières bio recrutent dans de très nombreux secteurs. Les emplois directs ont augmenté de 13,7% par rapport à 2016, la filière génère ainsi près de 134 500 emplois directs. Une croissance qui se maintient depuis cinq ans. L'un des facteurs de cette hausse ? « Quand on remplace des produits chimiques par l'action humaine, il y a besoin de plus de maind’œuvre », expliquent les prospectus. Deuxième sujet qui émerge des textes, la politique d’installation et de transmission. Il est connu que le foncier agricole est rare, donc cher à obtenir et à mettre en valeur. La plupart des exploitations disposent d’une petite superficie, 5 ha en moyenne, voire même un hectare pour les agriculteurs intermittents qui ont plus le statut de cultivateurs et qui s’adonnent à la production vivrière, une partie des cultures étant toutefois destinées au circuit commercial, sur les marchés communaux principalement. Au regard des ambitions affichées, l’élection pourrait aussi se jouer sur un thème préoccupant : les aides à la promotion, à la transformation et à la commercialisation des produits des filières végétales et animales

Dani Salim lance la campagne

L’ancien président de la Capam, Dani Salim, vient de lancer officiellement la campagne comme invité au plateau de Mayotte la 1ère, dans le journal du lundi soir. Sa liste, « Tanafou za ndrima » (les bénéfices de l’agriculture) repose sur un slogan « Voir la réalité en face et oser réagir avec audace ». Le Bové mahorais », comme on l’a surnommé jadis en référence à une personnalité du milieu, célèbre au plan national, tient un discours en direction de ses collègues : « Comme vous, nous aimons ce métier ! Comme vous, nous sommes fières d’exercer ce métier et de porter ses valeurs (nourrir le peuple tout en préservant notre environnement). Mais comme vous, nous souffrons de voir notre métier en détresse et les paysans abandonnés par leurs propres élus qui ne sont pas à la hauteur et une administration centrale sans conviction réelle d’une politique agricole digne et promoteur ».

Le ton est donné. Il semblerait que pendant la campagne, une figure sera omniprésente : l’élu qui ne ferait pas grand-chose pour développer un secteur prioritaire, pour aider des professionnels aux abois, alors qu’ils disposent de « tous les atouts pour relever les défis en reprenant le métier en main », déclare le syndicaliste. Celui-ci souhaite que la Capam se mette en ordre de marche, règle ses problèmes de subvention, de moyens humains et matériels afin que l’établissement soit en mesure d’offrir aux professionnels les conditions qui leur permettraient de « mener une vie digne et de s’épanouir dans leur travail ».

Satisfaire les consommateurs

Porter le projet de Tanafou za ndrima, « c’est accepter que l’agriculture mahoraise doit gagner sa place par l’innovation », explique Dani Salim qui se déclare résolument tourné vers « une agriculture sociale et solidaire ». On n’est pas loin là de la rhétorique bio que le consommateur mahorais a encore du mal à percevoir, préoccupé plutôt par la capacité des agriculteurs locaux à produire en quantité suffisante, avec la qualité bien sûr. Chez le public en effet, c’est bien la question de « l’autosuffisance alimentaire » qui revient en boucle, sujet que les candidats mettent aussi en avant, en souhaitant que les pouvoirs publics engagent les services administratifs dans cette voie.

 Pour aller dans cette direction, les 14 membres de la liste qui a pris de l’avance dans la campagne présente une « une équipe de professionnels » engagée autour d’un projet sur 5 axes « stratégiques prioritaires » : l’unité collective des élus représentants la profession, un plan de relance pour une sortie de crise de l’institution à court terme, redynamiser le monde rural avec le concours des services déconcentrés de l’Etat et ceux du Département, donner une nouvelle image positive du monde agricole, enfin, évaluer les projets pour être en mesure de capter les fonds européens dédiés au développement pour pouvoir répondre aux besoins alimentaires de base du territoire.

Comme on le voit, le renouvellement du bureau de la Capam constitue un enjeu majeur pour le décollage économique de l’île. Les candidats à la présidence de la structure en ont conscience, c’est leur métier qui est en jeu. Mais sauront-ils gérer une institution qui ne cesse de décevoir depuis sa création pour des raisons comptables, financières et de management ? Là est toute la question.

Zaïdou Bamana

Elections à la CAPAM

Des élus pour les agriculteurs

L’élection pour le renouvellement du bureau de la Chambre d’agriculture est fixée fin janvier. Les discours de campagne parlent de développement quand les consommateurs déplorent une production insuffisante.

L’élection des membres de la chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture (Capam) aura lieu le jeudi 31 janvier 2019. Mouslim Payet, actuel président, remet en jeu son mandat, émaillé par diverses polémiques sur le financement de l’établissement consulaire qui se débat depuis des années pour sortir du déficit chronique. Les listes électorales ont été révisées ; les électeurs individuels devaient s’inscrire avant le 15 septembre et les groupements professionnels avant le 1er octobre 2018.

Les listes de candidature circulent de main en main. A la lecture des projets de mandature, l’on perçoit une tendance assez marquée : l'agriculture biologique confirme la préférence des exploitants. Les programmes parlent ainsi de vente au détail, transformation, distribution…
Deuxième sujet qui émerge des textes, la politique d’installation et de transmission. Il est connu que le foncier agricole est rare, donc cher à obtenir et à mettre en valeur. La plupart des exploitations disposent d’une petite superficie, 5 ha en moyenne, voire même un hectare pour les agriculteurs intermittents qui ont plus le statut de cultivateurs et qui s’adonnent à la production vivrière, une partie des cultures étant toutefois destinées au circuit commercial, sur les marchés communaux principalement. Au regard des ambitions affichées, l’élection pourrait aussi se jouer sur un thème préoccupant : les aides à la promotion, à la transformation et à la commercialisation des produits des filières végétales et animales

S’épanouir dans le travail

L’ancien président de la Capam, Dani Salim, vient de lancer officiellement la campagne comme invité au plateau de Mayotte la 1ère, dans le journal du lundi soir. Sa liste, « Tanafou za ndrima » (les bénéfices de l’agriculture) repose sur un slogan « Voir la réalité en face et oser réagir avec audace ».
Le « Bové mahorais » tient un discours tient un discours critique : « Comme vous, nous aimons ce métier ! Comme vous, nous sommes fières d’exercer ce métier et de porter ses valeurs (nourrir le peuple tout en préservant notre environnement). Mais comme vous, nous souffrons de voir notre métier en détresse et les paysans abandonnés par leurs propres élus qui ne sont pas à la hauteur et une administration centrale sans conviction réelle d’une politique agricole digne et promoteur ».

Le ton est donné. Il semblerait que pendant la campagne, une figure sera omniprésente : l’élu qui ne ferait pas grand-chose pour développer un secteur prioritaire, pour aider des professionnels aux abois, alors qu’ils disposent de « tous les atouts pour relever les défis en reprenant le métier en main », déclare le syndicaliste. Celui-ci souhaite que la Capam se mette en ordre de marche, règle ses problèmes de subvention, de moyens humains et matériels afin que l’établissement soit en mesure d’offrir aux professionnels les conditions qui leur permettraient de « mener une vie digne et de s’épanouir dans leur travail ».

Satisfaire les consommateurs

Porter le projet de Tanafou za ndrima, « c’est accepter que l’agriculture mahoraise doit gagner sa place par l’innovation », explique Dani Salim qui se déclare résolument tourné vers « une agriculture sociale et solidaire ». On n’est pas loin là de la rhétorique bio que le consommateur mahorais a encore du mal à percevoir, préoccupé plutôt par la capacité des agriculteurs locaux à produire en quantité suffisante, avec la qualité bien sûr. Chez le public en effet, c’est bien la question de « l’autosuffisance alimentaire » qui revient en boucle, sujet que les candidats mettent aussi en avant, en souhaitant que les pouvoirs publics engagent les services administratifs dans cette voie.

Pour aller dans cette direction, les 14 membres de la liste présentent « une équipe de professionnels » engagée autour d’un projet sur 5 axes
« stratégiques prioritaires » : l’unité collective des élus représentants la profession, un plan de relance pour une sortie de crise de l’institution à court terme, redynamiser le monde rural avec le concours des services déconcentrés de l’Etat et ceux du Département, donner une nouvelle image positive du monde agricole, enfin, évaluer les projets pour être en mesure de capter les fonds européens dédiés au développement pour pouvoir répondre aux besoins alimentaires de base du territoire.

Le renouvellement du bureau de la Capam constitue un enjeu majeur pour le décollage économique de l’île. Les candidats à la présidence de la structure en ont conscience. Mais sauront-ils gérer une institution qui ne cesse de décevoir depuis sa création pour des raisons financières et de management ? Là est toute la question.

Zaïdou Bamana

 Renouvellement de la CAPAM

Une élection sur fond de dette exorbitante

L’équipe qui sera à la tête de la CAPAM après les élections devra éponger une dette de 800 000 €, renouer le dialogue avec l’Etat et engager avec le département des actions pour développer la production locale.

Une structure moribonde, qui a tous les atouts pour revivre, avec un accompagnement de la puissance publique : c’est ainsi que se présente la Chambre d’agriculture, de la pêche et d’aquaculture de Mayotte (Capam) au moment du renouvellement de ses élus. Les élections du nouveau conseil d’administration auront lieu le 31 janvier. Le président de l’établissement consulaire, Mouslim Bouhari Payet, cédera peut-être sa place à la tête d’une structure mise « sous tutelle renforcée » depuis septembre 2016. Les problèmes financiers de l’organisme ont rendu inéluctable ce verrouillage.

En effet, la chambre consulaire accuse aujourd’hui un endettement de presque 800 000 €, à cause de déficits cumulés principalement entre 2015 et 2016. Plusieurs motifs expliquent cette descente aux enfers, notamment « le non versement de certaines subventions à cette époque », mais il n’y pas que cela.

Un budget de 1,5 M€, des voyages pour 700.000 euros

Pour les élus consulaires, le passage à la Rupéisation en 2014 est en grande partie responsable des difficultés budgétaires, dans la mesure où les financements de la CAPAM ont été réduits sensiblement. Son budget de 1,5 million d’euros en 2014 a fondu de moitié, le conseil départemental n’ayant plus l’autorisation de financer (à hauteur de 800.000 euros) des actions soumises à concurrence, « sous peine de se mettre hors la loi sur les secteurs où il faut maintenant passer des appels d’offre », indiquait le président Boihari Payet au JDM en février 2016. La crise a été révélée par l’audit du ministère de l’Agriculture et de l’alimentation.

Compte tenu d’une gestion lacunaire et des carences administratives, dans une situation critique, l’Etat active le contrôle de légalité, qui amène le préfet à prononcer « la mise sous surveillance », dans la mesure où aucune disposition du code rural ne permet « la mise sous tutelle». Dans la foulée, il supprime les indemnités des élus. Les mains liées, le président de la CAPAM brandit l’article 513-21-1 du décret du 13 mai 2016 autorisant la mise sous « tutelle renforcée ».

C’est « une première » dans le monde consulaire, rendue inévitable par des « manquements » déplorés par la direction de l’agriculture. Certes, la division du budget par deux, conséquence de la rupéisation, a assommé l’établissement, mais les dysfonctionnements ont grandement contribué à une issue fatale. Dès fin 2015, avec un budget insincère de 1,8 millions d’euros, la DAF demandait de réduire la voilure, « en vain ». Le directeur de l’époque, Jean-Michel Bergès, dénonçait une augmentation de la masse salariale, « de 30% en 2014 », et des voyages sans justifications sérieuses, « pour 700.000 euros ». Malgré les 30 salariés permanents, les élus évoquaient la nécessité de recruter des compétences, en CDD, au lieu de former en priorité en interne.

Un emprunt bancaire pour sortir du trou financier

Depuis deux ans, la Capam se débat donc avec un déficit qui a pu atteindre le million d’euros. Les mesures de redressement n’ont pas encore porté leurs fruits et le bureau sollicite un audit « neutre », mené par l’Assemblée permanente des chambres d’agricultures, l’APCA, et non du ministère ou de ses administrations locales. Parmi les solutions pour éponger la dette, le président Bouhari Payet et ses collègues avaient émis le vœu d’obtenir une compensation de l’Etat et l’octroi d’un prêt, une possibilité qui leur a été refusée au motif de l’insuffisance de recettes, le seul poste de recette fixe vient d’une taxe sur le foncier non bâtie, inférieure aux 80.000 à 90.000 euros que coûte mensuellement la masse salariale.

La tempête financière que traverse la Capam a causé beaucoup de dégâts. D’une part, un climat délétère s’est fait jour au sein de la majorité qui dirige la chambre, plusieurs élus ont quitté le navire, certains parce qu’ils ne pouvaient plus percevoir les indemnités supprimées par l’ancien préfet. D’autre part, les relations avec l’administration demeurent conflictuelles. Mais à l’approche des élections, les choses semblent avoir évolué dans le bon sens, ce qui laisse un espoir à la future équipe de trouver la solution qui permettrait de combler le trou financier. La recette fixe de l’établissement est désormais évaluée à 500.000 euros, et tout porte à croire que la taxe additionnelle sur le foncier sur non bâti va augmenter progressivement dans les années à venir. Cette source budgétaire peut justifier l’obtention d’un emprunt pour solder le déficit induit par la perte de la subvention du Conseil départemental. L’une des missions prioritaires du futur président consistera à décrocher ce prêt, tout en mettant en place des pratiques de bonne gestion et des méthodes de management efficientes.

5 14 M€ de l’Europe pour la modélisation de l’agriculture

Dans le bras de fer qui l’opposait avec la DAF et la préfecture, l’actuel président de la Capam voyait « une volonté d’étouffer le développement de l’agriculture dans l’œuf ». Une manière de se dédouaner de toute faute, or, de l’avis des observateurs, son mandat, comme les précédents, était gâché par une incompétence que la dette ne pardonne pas. La rupéisation n’a certes pas été anticipée comme il se devait, à tous les échelons de pouvoir, qu’il s’agisse de la DAAF, du Conseil départemental ou de la direction de la Capam, mais des problèmes récurrents gangrènent la chambre et conduisent à des comportements prédateurs. Le futur président, pleinement informé du passage au droit commun, devra donc s’entourer de collaborateurs capables de maîtriser les évolutions institutionnelles qui affolent les élus, à savoir « un problème de compétence, de culture administrative et de savoir technique ».
Selon El Anrif Boinali, le responsable de la programmation, qui assure la direction par intérim, « la Capam a retrouvé depuis 2 ans un équilibre dans son fonctionnement et a même commencé à payer une partie de sa dette grâce aux économies réalisées sur différents postes budgétaires. Et le budget 2019 est présenté excédentaire sur le plan comptable ». Une bonne nouvelle donc, enfin, car les enjeux sont énormes pour Mayotte : 60 millions d’euros sont alloués par les fonds européens pour le développement régional, 14 millions d’euros pour la modélisation de l’agriculture, mais comme le dit le président sortant, « nous ne les auront jamais si nous ne sommes pas en capacité de préfinancer les projets ». CQFD.

Zaïdou Bamana

Amélioration de la situation financière

                   2014 2015 2016 2017 2018

Dépenses 1709 2203 1557 1051 1436
Recettes 1128 1431 987 1149 1489
Résultat 20 - 772 - 570 98 53
En milliers d’euros
Capacité d’autofinancement
2014 2015 2016 2017 2018
64 - 754 - 532 124 55
En milliers d’euros 


Audit de la CAPAM

La dette qui cache le fiasco

La Chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture (Capam) a clôturé ses deux derniers exercices avec un résultat excédentaire, c’est une bonne base pour le prochain président, mais il devra mettre en œuvre l’ensemble des préconisations de l’audit pour redresser l’établissement consulaire.

Le 31 janvier, on connaîtra la liste gagnante pour les élections à la Chambre d’Agriculture, de la Pêche et de l’Aquaculture. Mais le futur président et le nouveau bureau auront peu de temps pour fêter la victoire, car il y a le feu au lac depuis quatre ans. C’est par courrier du 4 novembre 2015 que le préfet a alerté les directeurs de cabinet du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt ( MAAF), et du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie sur la situation très critique de la Capam qui a beaucoup de mal à conduire correctement les missions relevant de sa compétence et se trouve dans « une situation financière très dégradée et préoccupante » : une dette de 800.000 euros à ce jour.

Un audit mené par Francis Marty-Mahe, Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, a été requis pour établir « un diagnostic précis » de l’institution (situation financière, difficultés structurelles et conjoncturelles à remplir ses obligations), et de formuler des préconisations pour améliorer durablement la capacité d’actions de l’établissement consulaire.

Dans la note de cadrage du 5 février 2016, la « mission de conseil en stratégie et en management » avait pour objectif d’accompagner les élus consulaires à « reformuler des objectifs prioritaires et consensuels » dans un environnement contraint (programmes européens POSEI et PDR en place jusqu’en 2020...). Elle devait aussi permettre de repréciser et hiérarchiser les axes prioritaires d’intervention, de mettre en place un plan d’actions compris et approprié par l’ensemble des cadres et du personnel, d’adapter les modes de fonctionnement, d’engager les éventuelles restructurations internes des services pour « gagner en efficacité, en résultats à atteindre, en crédibilité », tout en sécurisant l’équilibre budgétaire de l’institution.

Mauvaise qualité relationnelle, non respect des engagements

L’audit a scruté à la loupe les activités et le fonctionnement de la Capam pour apprécier sa situation sinistrée. La documentation disponible a été analysée de façon à repérer les éventuels points de dysfonctionnements de la Chambre, les insuffisances de moyens ou d’actions, les problèmes rencontrés. L’expertise des documents budgétaires et une série d’entretiens sur place ont permis de bien comprendre le fonctionnement de l’institution, « ses difficultés, ses priorités, son efficience », et d’identifier les obstacles à une évolution indispensable.

La mission s’est ainsi intéressée aux problèmes internes de ls structure relevant de l’organisation et du management, aux orientations et priorités d’actions, à la capacité à s’adapter à un nouvel environnement institutionnel (départementalisation, fonds européens,...). Le diagnostic des services (gestion des ressources humaines, compétence, outils internes, moyens généraux...) a confirmé « la mauvaise qualité des relations partenariales et le non-respect des engagements pris » (conventions passées, animation et accompagnement local...). De même, l’analyse détaillée de sa situation financière (pérennité des ressources financières, évolution du résultat, fonds de roulement, trésorerie, ....) a mis en évidence les tensions avec le secteur de la pêche et de l’aquaculture, donc « la pertinence et l’opportunité de son rattachement à la Capam ».

Un plan de redressement pour éviter la liquidation

In fine, la situation critique que traverse la Chambre a conduit la mission à préconiser un véritable plan de redressement. L’ampleur des difficultés sur quasiment tous les plans (gouvernance, pilotage-management et financière) fait que la Capam peine à remplir correctement ses missions, ce qui a posé très clairement la question de l’opportunité même de maintenir la structure en activité tant les problèmes sont complexes, interdépendants, et que les améliorations à apporter ne peuvent s’inscrire que dans la durée en mobilisant plusieurs outils.

« C’est une situation inédite à ce jour pour une chambre d’agriculture, où la logique voudrait qu’on s’achemine davantage sur une liquidation que sur un plan de redressement », note l’auditeur. Mais s’agissant d’un établissement public dont le rôle institutionnel et consulaire est essentiel pour la déclinaison des politiques publiques agricoles au plan local, la mission a considéré qu’il est politiquement impensable de ne pas sauver la Capam. Pour autant, les pouvoirs publics ne pouvaient se contenter d’apporter un seul soutien financier de circonstance qui ne résoudrait rien à terme, il fallait bien prendre des mesures fortes pour une amélioration durable du fonctionnement sur tous ses aspects problématiques.

 Les mesures d’urgence mises en place sur la base des recommandations de la mission (refus d’approuver le budget initial 2016, anticipation du versement mensuel de la taxe additionnelle pour assurer le versement des salaires des agents, mise en place d’une commission de surveillance budgétaire et comptable ...) ont montré le chemin à parcourir en responsabilisant au premier chef les élus et les services de la Capam.

Le prêt de consolidation des dettes refusé par l’Etat

Redresser la situation financière nécessitait de travailler sur toutes les pistes ouvertes, et de mobiliser tous les partenaires. L’accent a été mis sur axes en même temps. Au plan politique, le Conseil départemental a été sollicité, dont le soutien à hauteur d’environ 350 à 400 000 euros par an est indispensable pour stabiliser les activités et missions de la Capam, en sus des autres ressources mobilisables. Le département a bien voulu jouer le jeu en débloquant une participation à hauteur de 300.000 euros pour les exercices 2018 et 2019.

En revanche, sur le plan financier, les préconisations n’ont pas été mises en œuvre en totalité. Cela nécessitait une concertation renforcée entre la Capam et les services de l’Etat (DAAF), discussion qui a tourné au dialogue de sourds. Ainsi, l’accélération du versement possible du solde des aides publiques sur conventions passées n’a pas eu lieu, même si d avances ont été consenties sur de nouvelles conventions établies sur des actions pluriannuelles bien identifiées (CASDAR, Ecophyto, RITA....). A noter que certaines missions ont été enlevées à la Chambre pour être confiées à d’autres intervenants, notamment le lycée de Coconi, dépendant de la DAAF.

Plus grave pour la Capam, elle n’a pu bénéficier d’une aide indispensable, alors que la mission avait pointé la nécessité de mettre en place un prêt de consolidation des dettes fournisseurs (300.000 €) qui pourrait être garanti si besoin par l’État. De plus, pour l’exercice 2016 uniquement, et de façon à équilibrer le compte de résultats, le versement d’une subvention exceptionnelle (programme 123 du MOM) lui a été refusé, alors que cela avait été fait pour la Guyane. Par ailleurs, la révision de l’assiette de la taxe additionnelle sur le foncier non-bâti dont bénéficie la Capam qu’il convenait de négocier pour l’exercice 2017 n’a pas eu lieu.

Détachement du secteur « Pêche et Aquaculture »

Au final, l’essentiel des préconisations de l’audit est passé aux oubliettes. Or, le redressement financier ne peut s’envisager sans une révision complète du fonctionnement, de la stratégie et de l’adaptation des moyens de la Capam. Parmi cette remise à plat, on peut citer l’ajustement des moyens et compétences aux ressources disponibles, qui va obliger la Capam à réduire sa masse salariale, ce qui ne sera pas sans poser des problèmes sur le plan social. En outre, une importante décision reste à prendre. En effet, la nécessité d’accompagner la création d’une association professionnelle à vocation interprofessionnelle et préfigurant un futur Comité régional des pêches, suppose d’envisager très rapidement le détachement du secteur « Pêche et Aquaculture » de la Capam,

S’agissant du pilotage financier et du management, l’équipe sortante a bien sollicité l’intervention de la l’APCA pour une mission définissant un véritable plan d’actions et d’accompagnement spécifique, mais elle se fait toujours attendre. L’audit avait jugé utile de refaire fin 2016 une analyse fine des comptes financiers de l’exercice suivant les décisions qui auront été actées, et d’adapter si nécessaire certaines mesures (prêt de trésorerie, reconstitution d’un fonds de roulement minimum,....). Mais là aussi ;, aucune initiative n’a abouti.

Certes, la Capam a clôturé ses deux derniers exercices comptable avec un résultat positif de 98.000 euros pour 2017 et 53.000 euros en 2018, et la capacité d’autofinancement est arrêtée en positif respectivement à hauteur de 124.000 euros et 55.000 euros. C’est une bonne base pour entamer la prochaine mandature, mais le travail à accomplir pour redresser l’établissement relève des dix travaux d’Hercule.

Zaïdou Bamana

Tous responsables du naufrage

L’audit commandité par les ministères de l’Agriculture et des Finances montre que tous les partenaires institutionnels sont, à des degrés divers, responsables de la situation chaotique de la Capam. Au niveau local, les élus et les services de la Chambre, les administratifs de la sphère publique (Préfecture, DAAF, DRFIP, EPL de Coconi, Conseil départemental, établissements publics ASP, AFD..., établissements d’enseignement...), les acteurs professionnels (organismes économiques, syndicalisme agricole, entreprises de transformation, distribution...), les services financiers (banques, formation, ...) les principaux acteurs du secteur pêche et aquaculture (DEAL, DMSOI, professionnels...) national : au plan national, les directions ou bureaux d’administration centrale des ministères au niveau (MAAF/DGPE/DMOM, MOM, DPMA, ....) directement concernés par la mise en œuvre par la Capam de politiques publiques relevant de leurs compétences, l’APCA, l’ODEADOM, ....

Gouvernance de la CAPAM

Une institution malade de ses insuffisances

Le futur président de la Chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture (Capam) dispose d’un audit qui lui permet de mener ses missions de manière organisée, son succès dépendra de la gouvernance de l’établissement consulaire, jugée chaotique ces dix dernières années.

Treize ans, ce n’est pas encore l’âge de la maturité, il y a donc de l’espoir, à moins que les élections du 31 janvier prochain ne sortent des urnes une majorité ingouvernable et un président compétent ou une présidente incapable. Depuis sa création en 2006, les activités et missions de la Chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture (Capam) ont évolué pour se rapprocher au mieux de celles des autres départements d’outre- mer. Le statut de Région ultrapériphérique (RUP) en 2014 lui a ouvert l’accès aux fonds européens (POSEIFEADER). Un rapport « explosif » de la Cour des comptes sur les conditions de mise en œuvre de la départementalisation montre une situation sur Mayotte très critique, jugeant la réforme « mal préparée, présentant des risques financiers importants pour l’avenir », obligeant à définir des priorités d’actions et de gros efforts pour combler les retards. Les domaines agricole et de la pêche et l’aquaculture, même s’ils ne sont pas cités explicitement ne sont pas exempts de ces problématiques.

Ces évolutions rapides se sont heurtées à un certain nombre de difficultés, tant au niveau de la gouvernance de la Capam, que de son organisation et fonctionnement interne. Spécificité mahoraise, la Chambre assure également la représentation et l’accompagnement du monde de la pêche et de l’aquaculture, ce qui n’est pas sans poser des difficultés sur la gouvernance générale de l’établissement et les moyens dédiés.

Carence en ingénierie administrative et financière de projet

Par courrier du 24 décembre 2015, le ministère de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (MAAF) a ordonné une mission de conseil sur la Capam, compte tenu de la situation très critique dans laquelle elle se trouvait. Au niveau de la gouvernance, l’audit a relevé un véritable problème de cohésion des élus, une majorité fragilisée et instable, souvent remise en cause, pas ou peu de débat en réunion de bureau, commissions ou comités (quand ils se réunissent) et un très faible partenariat, voire inexistant, avec les OPA de Mayotte. Par ailleurs, la forte distanciation entre le secteur de l’agriculture et celui de la pêche et de l’Aquaculture se traduit par une volonté clairement affichée de ce dernier de prendre son indépendance. Globalement les rôles, pouvoirs, et responsabilités des élus sont mal identifiés, voire méconnus.

Au niveau du pilotage et du management, le constat est aussi interpellant. Les tensions relationnelles au sein du Comité de direction sont préjudiciables au travail et à la cohésion des équipes. Malgré un effort d’amélioration récent, la Capam ne dispose que de peu d’outils de pilotage et de suivi tant sur les activités, les conventions, la gestion RH, le budget...et connaît des difficultés en matière d’ingénierie administrative et financière de projet, notamment dans le cadre des financements européens. Des questions demeurent sur les priorités d’actions, et d’adéquation des compétences et des moyens alloués au regard des ressources disponibles.

Une situation virtuelle de cessation de paiement

Au plan financier, la situation s’est beaucoup dégradée ces deux dernières années ; l’augmentation des charges de fonctionnement et de la masse salariale et la forte diminution de recettes (absence de financement par le Conseil départemental non compensée entièrement par la taxe additionnelle sur le foncier non-bâti (TATFNB) en place depuis 2014, et par un retard considérable dans la programmation des fonds structurels et la justification des actions réalisées) se sont traduits fin 2015 par une perte de résultat de 771 000 euros, un fond de roulement et une trésorerie négatifs mettant la Capam en situation de cessation de paiement.

Ce diagnostic très préoccupant a conduit à un plan de redressement dans l’objectif de calibrer les activités et priorités de l’établissement aux moyens et ressources disponibles, de reconstituer un fonds de roulement minimal, et la trésorerie nécessaire pour pouvoir fonctionner correctement afin de repartir sur des bases assainies. Les mesures d’urgence mises en œuvre sous forme d’arrêtés préfectoraux ont pu éviter une rupture brutale de l’activité (fermeture de l’établissement) en 2016, et lui donner les moyens d’assurer à court terme ses missions de base (déclarations surfaces PAC, IPG, CFE...). Les comptes sont assainis sur les exercices 2017 et 2018, sous la direction de El Anrif Boinali, responsable programme, reste à éponger la dette de 800.000 euros.

Si certaines réponses relèvent bien du niveau local (gouvernance et pilotage- management avec l’appui de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), comités de concertation renforcée, renforcement des partenariats, ...), d’autres mesures budgétaire et comptable nécessitent l’appui du niveau national (révision du 9 montant de la TATFNB, mobilisation du Fonds national de solidarité et de péréquation (FNSP), subvention exceptionnelle d’équilibre...) Des mesures d’ordre structurelles ont complété le dispositif, notamment avec une « externalisation » de certaines missions (IPG- IA) et une adaptation de la masse salariale, mais reste à réaliser le détachement des activités pêche et aquaculture de la chambre d’agriculture, et à plus long terme le regroupement des services de la Capam sur un seul site.

Divers plans dans un contexte global de pré-développement

Plusieurs documents cadres ont fixé les priorités stratégiques de la Capam. Le constat général indique que l’agriculture à Mayotte demeure dans une situation globale de pré-développement, ce qui a conduit à élaborer une stratégie d’accompagnement depuis plus de dix ans à travers plusieurs démarches ou programmes d’actions dont peu ou prou les objectifs et priorités sont partagés. Tous ces documents « stratégiques » posent la question critique de leur cohérence ou complémentarité. Ces documents « cadres » suscitent également des interrogations sur leurs principales finalités pour lesquelles la Capam devrait avoir un investissement reconnu, et un rôle de structuration ou de coordination privilégié.

Pour mémoire, et pour ne citer que lui, le « Plan Mayotte 2015 » faisait suite aux états généraux de l’outremer (EGOM) organisés en 2009 afin d’apporter une réponse d’ensemble aux doléances spécifiques de l'outremer français qui ont émergées notamment suite aux conflits sociaux de février 2009 aux Antilles et en Guyane, conflits élargis à Mayotte en 2011. Il s’agissait d’un « programme pragmatique de développement à moyen terme » reposant sur des objectifs chiffrés de commercialisation des productions sur les nouveaux marchés locaux (grandes et moyennes surfaces, restauration collective, vente directe), et décliné en 31 fiches-actions. Une montagne qui a accouché d’une souris, à la déception générale.

Les trois missions déterminantes de la CAPAM

De ces différents documents, schémas, contrats, l’audit déplore tout d’abord « la profusion de démarches dans le temps remettant sans cesse en discussion les enjeux, défis ou priorités d’actions alors que les objectifs généraux sont globalement partagés ». Dans ce contexte, de nombreuses réponses nécessitent « une large concertation, une bonne répartition des rôles de chacun, des moyens humains (compétence) et financiers suffisants ». Si l’on devait retenir de ces orientations quelques éléments saillants qui devraient déterminer le quotidien de la Capam, les experts mettent en avant trois points :

- l'amélioration de l'approvisionnement de l'île en produits alimentaires ;
- l'accompagnement des périmètres d'aménagement des zones agricoles de haut potentiel ;
- l’acquisition de références et l'appui technique aux producteurs.

Ce dernier point est crucial, car il s’agit de renforcer les axes recherche, l'expérimentation et transfert de connaissance, l'organisation de la production et le développement de filières en place ou en émergence, de diversification avec les produits locaux, des transformations fermières, artisanales ou industrielles, la création et la structuration de marchés locaux de proximité, la rationalisation du fonctionnement global de l'ensemble des structures qui agissent pour le développement agricole, la création d’installations frigorifiques, d'infrastructures de points de débarquement des produits de la pêche.

Zaïdou Bamana

10 documents stratégiques inopérants

20 hectares agricoles laissés en friche

Les schémas de développement s’accumulent dans le secteur primaire. On citera notamment le COP 2012- 2013 de la CAPAM, le PRAD, le POSEI,
le PDR, le FEAMP, le CPER, Mayotte 2015 et 2025, le SRAADT, le volet outre-mer de la LAAF... Le Schéma directeur d’aménagement agricole et rural de Mayotte (SDAARM) adopté en juin 2011 a permis de définir, en concertation avec les principaux acteurs concernés, trois types de zones agricoles à fort potentiel (5.472 ha), à potentiel modéré (7.129 ha), et à faible potentiel (8.099 ha) de développement agricole, en les distinguant des zones à fortes contraintes environnementales (12.521 ha en zones naturelles ou forestières) ou réservées à l’urbanisation (4.173 ha). L’objectif recherché était bien de définir les aménagements et accompagnements à mettre en place dans ces zones agricoles, et légitimer les demandes de financements correspondants. De quoi faire rêver…

 Budget de la CAPAM

Rigueur et austérité à l’ordre du jour

Point sensible d’un plan de redressement sévère, la question de l’adaptation des moyens et des compétences aux priorités des missions de la Chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture (Capam) reste posée aux dirigeants qui sortiront des urnes après les élections du 31 janvier.

La situation financière de la Capam est assainie, avec un résultat excédentaire pour les exercices 2017 et 2018, de l’ordre de 98.000 euros et 53.000 euros respectivement et une capacité d’autofinancement actuel de 55.000 euros. Une belle performance en matière de gestion, à mettre au crédit du directeur intérimaire, El Anrif Boinali. L’établissement n’est pas pourtant sorti de la dette de 800.000 euros qui pèse sur son avenir comme une épée de Damoclès. La rigueur budgétaire s’impose car la dégradation financière de la Chambre en 2015 montre que l’institution est toujours fragile. Un audit en stratégie et management fait comprendre pourquoi les dirigeants qui sortiront des urnes le 31 janvier doivent faire preuve d’exemplarité.

Le diagnostic réalisé dans l’objectif de redresser l’établissement, basé sur les grands ratio comptables qui ont marqué l’exercice 2015, par comparaison à 2014, livrent des chiffres affolants : une augmentation des charges de 29 % soit + 500 000 euros dont + 72 % soit 300 000 euros sur les charges de services extérieurs, + 19 % de charges de personnel soit + 200 000 euros. On constate, à l’inverse, une diminution des recettes de 17 % soit – 300 000 euros dont + 35 % soit 409 230 euros de subventions d’exploitation et + 25 % soit 104 796 euros d’augmentation des autres produits de gestion courante. La Capam affichait donc un résultat négatif de 771.391 euros et une diminution du fond de roulement de 715 775 euros.

Deux budgets insincères, insoutenables

Des créances d’exploitation à hauteur de 489.053 euros ont été constatées, mais pas toutes recouvrables compte tenu des difficultés à fournir des justificatifs ou comptes rendus d’activités pour solder les conventions faisant appel à des fonds publics. L’établissement accuse alors des dettes à hauteur de 810.581 euros dont 659 710 euros sur achats ou prestations de services, 130 399 euros de dettes fiscales et sociales et 20 471 euros de dettes autres. Après mobilisation des réserves disponibles (408.992 euros), la situation nette au 31 décembre 2015 était négative à hauteur de -335.986 euros. La trésorerie en fin de clôture à hauteur de 198.154 euros ne permettait donc d’assurer que le règlement de charges prioritaires (salaires). De ce fait, le bilan comptable plaçait la Capam en situation de cessation de paiements. Les solutions proposées pour rééquilibrer les comptes n’ont pas été probantes.

Pour mémoire, un premier budget 2016 a été refusé par la préfecture. Un deuxième mieux calibré n’a pas été approuvé non plus. Car rien ne permettait d’avoir une assurance raisonnable du niveau des prévisions, surtout vis-à-vis du Conseil départemental et de l’Union européenne. Compte tenu de cette situation, « il ne paraissait pas possible d’acter la soutenabilité de ce budget prévisionnel (respect des critères de réalité, de justification, de bonne information, de sincérité...), l’incertitude sur les recettes publiques présentant des risques financiers certains au regard des charges de fonctionnement affichées », note l’audit. En l’état le budget 2016 aurait conduit à un nouveau résultat négatif de 604 K€ qui se serait ajouté aux pertes antérieures.

Indemnités des élus sur liste rouge, salaires sur liste verte

La mise en place d’une commission de surveillance budgétaire et comptable de la Capam avait pour objectif de limiter l’engagement de dépenses nouvelles (liste « rouge ») : suppression des déplacements élus et agents autres qu’obligatoires, interdiction de recrutement, suspension des investissements (achat de véhicules, locaux ..) non indispensables au fonctionnement (ordinateurs, renouvellement de contrat CDD à valider par la tutelle, suspension de versements d’indemnités aux élus, suspension des actions de promotion et valorisation de produits. La liste « verte » autorisait les engagements possibles en fonction des crédits disponibles (salaires, frais directs liés à des conventions en exécution...), et de préciser les paiements prioritaires à assurer en fonction des crédits disponibles et de l’état prévisionnel de trésorerie (charges sociales, fiscales, cotisations APCA, remboursements frais déplacements, indemnités présence des élus différées). Les engagements figurant sur la liste « orange » étaient honorés après accord de l’autorité de tutelle (DRFIP/DAAF).

Cette situation imposait la fourniture mensuelle par la Capam d’un tableau de bord des dettes et créances, l’arbitrage éventuel des dépenses relevant en dernier ressort du préfet. Un accord anticipant le versement de la TATFNB de 4 mois pour un total de 176.000 euros (44.000€/mois) a permis d’assurer le paiement des salaires et 11 quelques factures fournisseurs indispensables au fonctionnement courant). Cette mesure avait reçu l’accord de la direction générale des finances à Bercy.

Des mesures drastiques de redressement financier

Le rééquilibrage du budget de la Capam passait par la rigueur et l’austérité. Un exercice de simulation et projection financière a permis d’établir le « budget du plan de redressement 2016 » intégrant toutes les économies de charges préconisées pour un total de charges de 1.754.000 euros, des recettes objectivées, une subvention d'équilibre exceptionnelle et un prêt de consolidation pour équilibrer le budget. Des mesures structurelles ont été également arrêtées, sans garantie de faisabilité, comme une possible augmentation de la TATFNB dont la décision appartient au ministère des Finances.

La maîtrise des dépenses imposait une diète. Par austérité on entend serrer la ceinture et les vices à tous les niveaux (déplacements, investissements, actions de promotion, masse salariale...). Les économies draconiennes avaient pour but de ramener le total des charges de la Capam sur 2016 autour de 1.75 million d’euros, proche du budget qui prévalait en 2014. Les achats ou prestations de services ont été réduits au strict nécessaire pour parvenir à une épargne de l’ordre de 200.000 euros.

Réduction de la masse salariale : un point chaud

La masse salariale a été scrutée à la loupe, car des recrutements furent effectués sans financement affecté, l’objectif étant d’optimiser les compétences, de redéfinir des priorités adaptées et de limiter les charges de fonctionnement aux ressources mobilisables par la Capam. Sur les 40 agents recensés, il est apparu très difficile d’agir sur 14 agents sur statut de droit public faute de possibilité de reclassement sur Mayotte. Sur les 17 agents sur statut de droit privé, une réduction de l’ordre de 6 à 7 agents, fut préconisée, soit environ 20% des effectifs. Sur les 7 contrats en CDD, 4 n’ont pas été renouvelés. Les 2 contrats emploi avenir largement financés par l’Etat ( 85%) furent maintenus. En année pleine, l’économie sur la masse salariale était à environ 240.000 euros.

Le dossier délicat de réduction possible du personnel reste toujours d’actualité, la décision étant suspendue au coût des licenciements et au conflit social éventuel. Cette solution extrême ne s’imposera pas si un soutien plus élevé du Conseil départemental est confirmé, et/ou une plus forte mobilisation des crédits européens. Néanmoins, l’adaptation des moyens et des compétences aux priorités des missions reste posée. Il s’agira alors d’accompagner les agents dont la Capam serait amenée à se séparer, de réviser les missions et fiches de postes, ainsi que les modes de fonctionnement interne qui découleront d’une nouvelle organisation, enfin d’associer les agents et rechercher leur participation dans ce qui doit être un nouveau projet de service interne. Projet que la nouvelle équipe dirigeante doit mettre en œuvre, nécessitant une rationalisation du parc de véhicules, de l’usage des téléphones et des indemnités versées aux agents, donc des économies à générer sur de nombreux postes de gestion courante.

Zaïdou Bamana

Financement de la Capam

Frilosité des élus et mauvaise volonté de l’Etat

Outre les subventions de l’Etat, du Département et de l’Europe, les difficultés de la Chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture (Capam) motiveraient l’activation de dispositions prévues par le code rural, qui s’inscrivent dans une démarche solidaire de la profession.

La situation financière de la de la Chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture (Capam) est préoccupante, mais pas désespérée, l’audit réalisé en 2016 a identifié des ressources mobilisables. Le plan de redressement espérait par exemple une augmentation considérable des aides directes Etat sur convention (environ 262 K€ euros). Dans l’état actuel des choses, les difficultés persistent pour mobiliser les crédits européens au titre du FEADER pour un soutien sur des actions d’animation, de développement, de structuration de filières. Le pré-financement de ces actions limite à environ 300.000 euros par an l’enveloppe de l’Europe, ce qui serait déjà appréciable. La Taxe additionnelle sur le foncier non-bâti (TATFNB) constitue la seule ressource fiable à hauteur de 532.000 €. Un dotation du Conseil départemental est actée pour 300.000 € sur les exercices 2018 et 2019, mais rien ne permet d’assurer un quelconque complément pérenne. Les prestations de services stagnent à environ 50.000 euros par an, ce poste pourrait décoller avec une gestion saine. Le total des ressources mobilisables était estimé en 2016 de l’ordre de 1.500 à 1.550 K€ euros soit un manque structurel de 200 à 250 K€ euros pour assurer le financement des charges ramenées à 1,75 M€.

Mobiliser des ressources financières nouvelles

Le plan de redressement évoque une « Dotation exceptionnelle de ré-équilibrage du budget ». Il tablait sur la possibilité d’allouer à la Capam, uniquement pour 2016, une subvention exceptionnelle de 250 K€ euros pour réaliser un résultat équilibré. Cette piste de travail reste pertinente. Parallèlement, il conviendra d’engager des mesures plus structurelles et organisationnelles pour effacer le déficit structurel apparent. Une autre possibilité s’offre aux futurs dirigeants, à savoir la recherche de ressources financières nouvelles (dettes, trésorerie, fonds de roulement). Les préconisations de l’audit ont pour finalité de lever des crédits pour régler les dettes existantes, assurer la trésorerie nécessaire au fonctionnement courant, et reconstituer un fonds de roulement minimum. La Capam, fort heureusement, n’a aucun prêt ou emprunt en cours, ce qui autorise la mise en place de mesures de consolidation amorties dans le temps et sans forte pénalisation sur l’équilibre de ses budgets à venir.

Subvention du Conseil départemental :

Avant la départementalisation, le Conseil départemental soutenait la Capam sous forme d’une aide globale au fonctionnement. Depuis la rupéisation en 2014, le département a conditionné son intervention d’une part à l’élaboration, la validation et la signature d’un nouveau COP, et d’autre part à l’encadrement des aides d’Etat qui l’empêcherait de financer directement l’établissement en dehors du PDR. Le Conseil départemental a rejeté toute forme de soutien public autre que son intervention au titre du cofinancement du PDR considérant le caractère illégal de ce type d’aides au regard des règlements européens.

Les discussions devraient cependant se poursuivre pour une issue favorable sur le plan politique, mais avec un calendrier, des supports techniques et juridiques, ainsi que la hauteur de l’engagement financier à préciser sur le court et moyen termes. Un premier soutien pour 2018et 2019 à hauteur de 300.000 euros a été octroyé portant sur des actions ciblées. L’intervention du CD permet de régler au moins pour partie les dettes cumulées « fournisseurs » et de sécuriser le versement des salaires. Mais il serait également souhaitable d’apporter un soutien au secteur de la pêche et de l’aquaculture, sur les actions non prises en compte au titre du FEAMP, notamment pour accompagner la création de l’association interprofessionnelle.

Prêt bancaire ou avance de trésorerie

Au nombre des solutions étudiée pour l’assainissement des finances figurent le prêt bancaire ou l’avance de trésorerie, éventuel garanti par l’Etat, soutien indispensable pour assurer la trésorerie nécessaire de la Capam pendant la phase de stabilisation de son budget dans l’attente du versement de soutiens publics (Etat, Europe ou Conseil départemental). La démarche de « sensibilisation auprès du Crédit agricole (dépendant de la caisse de La Réunion) portait sur une avance de trésorerie de l’ordre de 300.000 euros en 2016, mais la banque s’est montrée « peu motivée et réservée ». Le prêt permettrait d’une part d'assurer le règlement de factures en retard des 13 fournisseurs prioritaires, d’autre part le préfinancement d’actions relevant de fonds européens qui ne sont versés que sur services faits, et enfin les salaires.

Fonds national de solidarité et de péréquation

Les futurs dirigeants de la Capam peuvent aussi solliciter le Fonds national de solidarité et de péréquation (FNSP) de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA). Ce fonds prévu par le décret n° 2015- 446 du 17 avril 2015 a pour objet « d'assurer un équilibre entre les situations financières des chambres, de leur fournir les ressources nécessaires au financement d'actions de mutualisation et de modernisation ainsi que la réalisation d'actions d'intérêt commun conformément aux orientations approuvées par le ministre chargé de l'Agriculture ».Les ressources peuvent être utilisées pour accorder des subventions aux établissements disposant de ressources insuffisantes ou qui sont engagés dans une démarche de mutualisation. Ou encore d’octroyer des avances remboursables en vue de soutenir les chambres souhaitant mener des actions de modernisation.

Les difficultés traversées par la Capam motiveraient l’activation de ces dispositions prévues par le code rural, qui s’inscrivent bien dans une démarche solidaire de la profession. L’APCA fait malheureusement savoir qu’elle ne peut aider sur ce fonds faute de ressources suffisantes, de plus les chambres d’agriculture d’outre-mer ne sont pas parties prenante de ce dispositif, tant pour le prélèvement que pour une ré-attribution possible. A défaut d’une aide financière, l’effacement de la dette Capam reste possible pour un total d’environ 49 K€ (cotisation réseau APCA 9 K€, cotisation et formation FAFSEA 48.9 K€).

Prêt pour l’étalement des dettes fournisseur

Les responsables locaux de la BPI de Mayotte ont été approchés pour envisager un prêt de consolidation destiné à assurer le règlement des dettes fournisseurs qui s’élèvent à 450.000 euros. La sollicitation portant sur un montant l’ordre de 300 000 euros sur 10 ans, à l’instar de ce qui a été fait pour la chambre d’agriculture de Guyane. Des contacts sont établis au niveau national, mais la position de principe n’est pas connue à ce jour. Dans cette démarche, on peut supposer que les services de Bercy se montreront réservés pour une intervention de l’Agence française de développement (AFD), et il n’est pas exclu qu’il faille un arbitrage en haut lieu pour une suite favorable. Une intervention de la BPI (direction régionale à la Réunion) semblerait plus plausible.

Reconstitution d’un fonds de roulement :

Pour respecter le ratio national d’environ 60 jours de fonctionnement sur un budget limité à 2 M€, la Capam aurait besoin d’un fonds de roulement d’environ 350.000 euros. Il est fort probable que les dispositifs précédemment évoqués (avance ou prêt de trésorerie, prêt de consolidation, ...) tardent à se mettre en place. Dans ces conditions, une subvention exceptionnelle de l’Etat est envisageable, dont l’origine et les modalités restent à préciser (crédits MOM, MAAF, Ecologie, ...) pour reconstituer un fonds de roulement.

Toutefois, la mission d’audit considère que cette solution ne doit être examinée qu’en dernier lieu car peu vertueuse par rapport au pilotage général de la Capam. Elle suggère plutôt que l’Etat apporte sa caution ou garantie sur un prêt de consolidation, qui responsabiliserait davantage les décideurs de la Chambre.

Versement du solde des aides publiques

Une cellule de concertation renforcée pourrait être de nature à accompagner l’établissement public pour la production des justificatifs attendus de façon à accélérer le versement des aides publiques (FEADER, CPER, CIOM, ODEADOM, Etat, ..) sur les conventions en souffrance. Une autre solution serait de réviser l’assiette de la TATFNB. La Capam bénéfice depuis 2014 (conséquence directe de la départementalisation) du versement de cette taxe à hauteur de 532.000 euros (en 2015). Elle est ainsi la chambre d’agriculture la moins bien dotée de France. Le montant alloué reste très faible, surtout au regard des besoins de développement agricole de Mayotte. Pour réviser le taux de la taxe, au bénéfice de la CAPAM, par exemple, il sera sans doute nécessaire d’inscrire une proposition motivée en loi de finances rectificative ou projet de loi de finances. Les parlementaires mahorais ont donc leur rôle à jouer pour aider.

En définitive, les élus départementaux peuvent se montrer plus offensifs, en demandant une dérogation possible à l’Europe, la pratique est courante aux Antilles pour contourner l’interdiction de la subvention directe. L’Etat de son côté dispose de plusieurs leviers, mais il semblerait sa mauvaise volonté à agir est le résultat de la tutelle exercée par la DAAF et la préfecture. Reste la médiation des députés et sénateurs mahorais qui pourrait débloquer des solutions sur intervention du gouvernement.

Zaïdou Bamana

 Agriculture

Des lourds défis pour la CAPAM

Le nouveau président de la Chambre d’agriculture devra répondre à une question démoralisante : Comment passer du « jardin mahorais » traditionnel à un type d’agriculture professionnelle et comment développer la production commerciale tout en structurant les cultures vivrières d’autosubsistance ?

En plus de l’audit diligenté par le ministère des Finances, le nouveau président de la Chambre d’agriculture, de la pêche et aquaculture (Capam) doit se coltiner un plan de redressement et au moins huit documents stratégiques qui orientent le développement de l’agriculture. Ces productions expertes dont l’administration a le secret permettent de dresser du secteur agricole un tableau bien pessimiste, malgré un potentiel de progrès que les professionnels ne cessent de mettre en avant.

La prédominance de petites structures d’exploitation dédiées pour l’essentiel à l’autoconsommation avec une très faible part de commercialisation montre toute la difficulté à essayer de structurer des filières agricoles. Les filières traditionnelles (ruminants, ylang-ylang, vanille...) ne sont plus attractives et font souvent appel à de la main d’œuvre clandestine. Les organisations de producteurs sont très fragiles par manque de capitaux et de trésorerie, et leur maintien ne tient souvent que grâce aux soutiens publics dont elles peuvent bénéficier. Faute de ressources suffisantes, elles ne sont pas à même d’assurer des missions d’encadrement, d’appui technique ou de commercialisation. La structuration de la production est néanmoins engagée avec l’émergence de coopératives ou associations de producteurs, comme la Coopérative des agriculteurs du centre (Coopac) dans le domaine végétal qui regroupe une trentaine d’agriculteurs, ou la Coopadem dans le domaine animal.

Le seul outil de transformation de la production agricole est l’atelier relais géré par l’Etablissement Public National (EPN) de Coconi, inauguré en 2008. Il est composé d’une petite unité d’abattage de volailles et de lapins et d’une unité de transformation des végétaux. En l’absence d’abattoir, la totalité des bovins et petits ruminants, ainsi que la majorité des volailles, sont abattus en plein air. La mise en place de structures de transformation de capacité suffisante est un préalable indispensable à la structuration des filières animales et à l’augmentation de la production. Peu nombreuses dans l’île, les entreprises agroalimentaires utilisent quasiexclusivement des matières premières importées.

Sécuriser le foncier pour développer

Depuis 2014, le département de Mayotte bénéficie des fonds européens structurels pour lui permettre d’accélérer son développement économique et social. L’agriculture peut ainsi bénéficier du FEDER pour l’aménagement des zones agricoles, du FEADER pour l’installation des jeunes et la modernisation des exploitations, et du FSE pour la formation notamment. Elle a également accès au POSEI pour les soutiens aux productions et filières, et de compensation de surcoût des approvisionnements (RSA). Les secteurs pêche et aquaculture bénéficient quant à eux du FEAMP, avec les mêmes objectifs de développement de ces filières. Pour les années 2014-2020, ce sont à minima 350 millions d'euros qui sont mobilisés dans les domaines liés à l’environnement, à la pêche, à l’agriculture, aux infrastructures et à la lutte contre les exclusions. Cependant, un problème freine l’essor de l’agriculture et la consommation des crédits européens dédiés, à savoir le foncier.

Résorber la problématique foncière nécessite de mettre en place une politique volontariste de régularisation de façon concertée entre l’État et les collectivités pour sécuriser toutes les occupations, accélérer les sorties d’indivision, maîtriser la spéculation sur les zones urbanisables, et lutter efficacement contre les constructions illégales. La création d’un établissement public foncier et d’aménagement de l’État en 2015 permet d’assurer un portage foncier pour des opérations publiques et de constituer des réserves, y compris sur le champ agricole. On note déjà une accélération de la procédure d'attribution de terres appartenant au Conseil départemental en mobilisant le Comité technique du foncier agricole (Cotaf). Au final, la sécurisation du foncier s’impose pour investir de manière pérenne dans l’activité agricole. Mais le règlement efficace de ces problèmes passe aussi par une implication forte des représentants de la profession, dont la Capam, qui ne s’est malheureusement pas beaucoup investie sur ces questions jusqu’ici.

L’agriculture à Mayotte demeure dans une situation globale de pré-développement, ce qui a conduit à élaborer une stratégie d’accompagnement depuis plus de dix ans à travers plusieurs démarches ou programmes d’actions. Tous ces documents posent la question de leur cohérence ou complémentarité, mais aussi de l’implication et du rôle de la Capam dans ces démarches, et la déclinaison qu’elle a pu en faire pour fixer ses propres objectifs. Compte tenu de leurs finalités, l’établissement consulaire devrait avoir un investissement reconnu, et un rôle de structuration ou de coordination privilégié. En effet, la profusion de ces documents, 15 schémas et contrats tend à remettre sans cesse en discussion les enjeux, défis ou priorités d’actions. Pour plus d’efficacité, de nombreuses réponses dans la mise en œuvre nécessitent une large concertation, une bonne répartition des rôles de chacun, des moyens humains (compétence) et financiers suffisants.

Trois types de familles agricoles à épauler

Les priorités d’actions de la CAPAM définies à l’occasion d’un séminaire en octobre 2015 ont débouché sur quatre axes stratégiques : accompagner l’ensemble des producteurs par des actions transversales en tenant compte de la diversité des publics ; contribuer à l’amélioration et à l’organisation des filières ; assumer sa fonction de représentation des professions agricoles, halieutiques et aquacole en tant qu’établissement public ; améliorer le fonctionnement de la Chambre. La préservation du foncier et le développement des zones agricoles à fort potentiel étaient déjà identifiés comme des enjeux majeurs, de même que la structuration des filières, la valorisation des productions locales et la promotion des circuits courts de commercialisation et de valorisation des produits par création d’une marque territoriale.

On distingue trois types d’agriculture pour lesquels les besoins en termes d’accompagnement sont assez différents. Les agriculteurs traditionnels qui développent une polyculture familiale (modèle du « jardin mahorais ») et qui sont demandeurs de conseils pratiques, d’appui matériel en semences, plants et facilités mécaniques adaptées (brouettes, débroussailleuses, ...). Les pluriactifs (fonctionnaires, enseignants, cadres, salariés...) essentiellement demandeurs de conseils spécialisés car n’ayant pas forcément de formation ou d’expérience en agriculture. Enfin, les véritables professionnels (200 exploitations seulement) demandeurs de conseils plus techniques ou d’approche plus globale, et bénéficiaires des soutiens publics incitatifs.

Dans toutes les autres démarches de planification, la CAPAM s’est positionnée comme coordonnateur principal du développement agricole pour ces trois familles, et fédérateur des structures responsables de l’appui technique. Elle affiche des priorités qui en théorie s’inscrivent bien dans les grandes orientations stratégiques, mais les résultats sont plus que mitigés. Elle a ainsi axé ses priorités d’actions sur le développement du conseil, les diagnostics d’exploitation, l’acquisition de références, l’identification CFE-IPG, l’expérimentation, la vulgarisation, l’accompagnement des filières et des territoires et de projets en émergence. Elle a également lancé le développement d’un outil informatique (DIRMA) dédié à une approche globale des exploitations, et s’est engagée dans une voie de professionnalisation des métiers, de responsabilisation et de formation des actifs agricoles. Elle s’est aussi positionnée sur des actions d’animation et de développement des territoires ruraux pour soutenir la petite agriculture familiale (vulgarisation vivrière au niveau villageois) ou pour accompagner des projets plus structurants mais qui ont du mal à se finaliser (irrigation, dessertes, voirie rurale, abattoir, ...).

Un progrès toujours aussi laborieux

Indicateurs significatifs du manque de résultats de l’agriculture mahoraise, Mayotte n’avait bénéficié que de 0,9 % soit 2,8 M€ sur les 311 M€ alloués par le POSEI en 2014. Il n’y a pas eu d’amélioration significative de la consommation des crédits européens ces dernières années. Les porteurs de projets expliquent que les résultats sont plus que mitigés en matière d’installation de jeunes agriculteurs et de modernisation des exploitations agricoles. L’audit commandité en 2016 pour assurer le redressement financier de la Chambre d’agriculture ne dit d’ailleurs pas autre chose : « Ce bilan quelque peu accablant interroge sur les moyens et l’action que la CAPAM a déployé en tant qu’établissement public pour accompagner ces secteurs, sur la capacité de ses agents en terme de compétences et de formation pour s’adapter à ce nouveau contexte ». Le constat d’incapacité renvoie à « un problème plus général de gouvernance globale de la structure, de cohérence et cohésion dans l’affichage politique des priorités consulaires », indique la mission d’expertise en management et pilotage financier. Il pose également la question de l’évaluation des programmes engagés par les pouvoirs publics « qui a fait largement défaut, ce qui n’a pas permis d’engager des mesures correctives à temps », souligne l’audit.

Le nouveau président de la Capam et le bureau sorti des urnes le 31 janvier dernier ont donc de nombreux défis à relever. Ces élus consulaires savent que des engagements ont été pris mais les résultats sont peu probants. C’est dans ce contexte que la Chambre est restée très centrée sur des activités de gestion quotidienne mais a manqué de recul, de stratégie et d’engagement réel pour défendre les intérêts de ses champs de compétence. Elle a eu du mal à se mobiliser sur des questions transversales, par définition de portée plus politique. Même si elle a pu être consultée sur l‘élaboration de schémas départementaux, l’audit fait le constat qu’elle n’a pas été « force de proposition, car peu présente dans les débats voire quasi absente sur un certain nombre de thématiques » (gestion foncière, urbanisme, filière forêt-bois, gestion de l'espace rural, développement durable, prévention des risques naturels, mise en valeur des espaces naturels et des paysages, protection de l'environnement....) .

De façon très synthétique, les experts affirment que, sur le plan agricole, la situation du foncier n’a guère évolué, les installations de jeunes agriculteurs sont toujours aussi rares, les exploitations exiguës, l'identification animale laborieuse, les filières peu structurées, une absence récurrente d’abattoir, l’organisation commerciale 16 faible, la transformation quasi absente... Bref, Mayotte est « un territoire où les bases mêmes des fondements d’une économie agricole restent encore à mettre en place ».

Zaïdou Bamana

Pêche et Aquaculture

Entériner le divorce avec l’agriculture

Le futur président (ou la présidente) de la Chambre d’agriculture devra acter la séparation de la section pêche et agriculture pour permettre un développement autonome des filières alimentaires.

Enjeu politique important pour le développement, la filière « Pêche et aquaculture » met son destin entre les mains d’une structure interprofessionnelle regroupant les principaux opérateurs économiques du secteur. Ces derniers ont hâte de voler de leurs propres ailes, en toute indépendance. Leur secteur d’activités a connu ces trois dernières années des secousses amplifiées par les difficultés organisationnelles et financières de la Chambre d’agriculture. L’établissement consulaire est chargé de l’accompagnement des professionnels et assure leur représentation au niveau des différentes instances de concertation (Parc naturel marin, zone de pêche...) et de défense des intérêts de la corporation sur des sujets d’actualité.

La mission d'expertise et d'appui réalisée par l’Ingénieur général Francis Marty-Mahe, au titre du plan de redressement de la Capam parle d’une filière convalescente, « en transition », disposant de tous les atouts pour développer une économie maritime autosuffisante. La pêche est une activité ancrée dans l’histoire et la culture mahoraise, où l’on retrouve une tradition vivrière artisanale aux côtés d’une pêche commerciale comptant plus de 300 marins professionnels (embarcation correspondant aux normes de sécurité, pêcheurs diplômés et reconnus comme « marins pêcheurs »). Des mesures législatives ont été prises depuis la départementalisation afin de professionnaliser ce secteur.

Au comptage de 2016, les navires professionnels sont représentés principalement par des barques Yamaha agrées (environ 150), quelques unes artisanales améliorées (environ 3% de la flottille) construites selon les standards des normes françaises (une dizaine), et par 5 palangriers qui sont les seuls à développer une activité économique. Les pirogues restent les embarcations les plus nombreuses (environ 800), autorisées à naviguer dans le lagon pour de la pêche vivrière destinée à l’autoconsommation des ménages.

Faute d’une mise aux normes des embarcations, elles ne sont plus enregistrées au titre du parc professionnel mais sous immatriculation plaisance, tout en poursuivant une activité de pêche traditionnelle. La filière de transformation et distribution est centralisée principalement autour de la Coopérative de pêche (Copemay), quelques associations de pêcheurs et des poissonneries privées. La commercialisation des produits concerne uniquement le marché local. Il n'existe pas d'usine de transformation de poissons de type industrielle.

Des faillites retentissantes

L’aquaculture est considérée comme un axe prioritaire du développement local étant donné la configuration favorable du lagon. Ce secteur a connu un essor remarquable en l’espace de quelques années, devenant en 2005, la première source d’exportation agricole de Mayotte avec une production de 163 tonnes de poissons et un chiffre d’affaires de 752.500 euros. Son effondrement brutal n’a été que plus douloureux. Les exportations de poissons aquacoles ont fortement chuté de 62,8 tonnes en 2013 à 14,5 tonnes en 2015. Sur une décennie, diverses calamités se sont abattues sur ce filon pratiquement réduit à néant.

L’essentiel de la production était centré sur l’ombrine ocellée. Des essais ont été faits sur le cobia et le sargue doré, en plus d’un projet pilote sur le picot, poisson endémique. La filière aquacole a bénéficié de fonds publics conséquents (plus de 10,5 millions d’euros de 2001 à 2015) pour pouvoir décoller, mais les objectifs fixés sont loin d’être atteints, d’énormes freins subsistent, et les entreprises artisanales restent très fragiles. A l’évidence, la liquidation judiciaire de l’association Aquamay et de la société Mayotte Aquamater prononcée en 2015 a fait beaucoup de mal. La filière compte 4 producteurs artisanaux, dont 3 pisciculteurs et 1 conchyliculteur, installés sur des AOT maritimes propres et bénéficiant pour la partie terrestre d’aménagements collectifs de la Pépinière d’entreprises aquacoles (PEA). Considérées davantage comme une aquaculture familiale plutôt qu’artisanale, ces exploitations produisent exclusivement de l’ombrine destinée au marché local, à des prix voisins de la pêche artisanale, et donc non concurrentiels et suffisants pour assurer leur rentabilité financière et développement.

En raison des faillites, la structure collective de production d’alevins (écloserie) et de soutien technique et logistique aux petits éleveurs a disparu, enrayant la mise à disposition d’infrastructures collectives au sein de la PEA, les commandes d’aliments et la gestion d’élevage. Le conseil départemental a bien essayé de reprendre l’activité jugée indispensable pour l’image de Mayotte, mais l’initiative s’est avérée contraire aux dispositions réglementaires en vigueur. Depuis la banqueroute, il manque un opérateur pour produire et exporter vers les marchés européens des poissons frais, acheminés par voie aérienne. La production privée était restée très en deçà 17 des objectifs fixés à minima à 400 tonnes, plaçant Aquamater en difficulté. Une nouvelle société peut sans doute profiter des progrès réalisés depuis trois ans pour relancer le marché.

Rupéisation : une nouvelle donne

L’avenir de la filière pêche et aquaculture n’est plus du ressort de la Capam. Le futur président (ou présidente) de la Chambre d’agriculture devra enclencher la séparation inéluctable. La scission est programmée depuis la rupéisation de 2014 et la visite du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (Cnpmem) en 2015. Le portage politique des dossiers a eu à son actif plusieurs succès : rencontre à l’Elysée, mission à Bruxelles, forum RUP, plan de compensation des surcoûts, exploitation zone de pêche, demande de dérogations européennes avec l’appui Eurodom. Des progrès notables ont été constatés sur les aspects réglementaires, techniques et financiers. On peut citer notamment la demande de dérogation à la Commission Européenne pour obtenir des aides à la construction par l’Etat membre, la procédure de régularisation des barques, les points de débarquement (sanitaire), les pontons, les zones de pêche, le contrat de travail, le contrat d’engagement maritime, la protection sociale par l’ENIM, le code du travail qui impose désormais l’extension d’accord-cadre ou de convention collective...

En matière d’incitation, la gestion des formations s’est améliorée. La rupéisation a permis la mobilisation des fonds de coopération transfrontalière, le recadrage des crédits de l’ODEADOM pour l’aquaculture, le financement des infrastructures portuaires, l’avance remboursable par la BPI. Les études réalisées ont porté sur le ponton palangriers, l’abri glace pour la Covipem à Mtsapéré, l’aménagement, l’évaluation de la ressource et une enquête auprès des pêcheurs. Ces avancées rendent encore plus urgente la séparation entre les activités de production sur terre et sur mer.

L’audit conseille pourtant la prudence pour l’avenir. Malgré le soutien financier massif de l’État et du département, les résultats de la filière restent très insuffisants ; elle a manqué de « pilotage stratégique et opérationnel, sans véritable chef de file, avec souvent une politique de guichet et de lobbying, et une gouvernance quelque peu opaque ». Le secteur aquacole comptait tout au plus une quinzaine d’emplois (dont 5 financés à 100 % sur fonds publics) et nécessitait la mise en place d’un véritable plan de développement.

Assistance aux porteurs de projets

En l’espèce, le rôle de la Capam consistait à garantir l'amélioration de l'approvisionnement de l'île en produits alimentaires, l'organisation de la production et du développement de filières en place ou en émergence, de diversification avec les produits locaux, des transformations fermières, artisanales ou industrielles, au bénéfice des pêcheurs et aquaculteurs.

Ces priorités sont le fruit d’une réelle réflexion et mobilisation des élus et des services publics pour s’adapter à la fois aux nouvelles dispositions réglementaires européennes et à l’arrivée des fonds structurels qui bouleversent les modes de financement préexistants. Elles constituent l’armature du FEAMP dont le programme opérationnel 2014-2020 retient comme priorités sur Mayotte la construction d’infrastructures portuaires adaptées à la pêche, la consolidation des filières et des structures de commercialisation collectives, l’amélioration de la représentation professionnelle ainsi que la mise en œuvre du plan de compensation des surcoûts et la création d’une association interprofessionnelle.

La création d’un Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (Crpmem) s’est imposée pour la mise en place « des mécanismes d’adaptations réglementaires nécessaires dans un contexte local particulier qui accusait un retard normatif important et dans des délais restreints ». L’action des professionnels et de la Capam ont déjà permis un certain nombre de dérogations ou de délais de convergence, mais il subsiste encore des questions qui les mobilisent régulièrement (financement de la modernisation de la flottille, zones de pêche...). Les autres priorités identifiées portent sur l’accompagnement de la production, via la structuration des groupements de pêcheurs et la mise aux normes des barques professionnelles, l’assistance aux porteurs de projet (dossiers de demande de subvention), et l’organisation des sessions de formation.

Les raisons de la séparation

Sur le volet production, on reste sur une cueillette « vivrière » avec les mêmes problèmes d’adaptation et de mise aux normes de la flottille (pirogues et barques), de points de débarquement, de manque d’installations frigorifiques et d’infrastructures de vente... La filière est loin des standards européens, et souffre de conditions de travail difficiles (absence d’infrastructures portuaires, conditions climatiques défavorables, coûts élevés en technicité et entretien, manque d’attractivité du métier de marin, absence de fournisseurs sur l’île, problèmes de vols récurrents, commercialisation fortement marquée par les réseaux de vente informels, coûts d’exportation élevés ...). La structuration passe par la consolidation des entreprises, dont on a pu mesurer les difficultés réelles (cessation d’activité d’Aquamay, fragilité des coopératives). L’augmentation des parts de marché de la 18 production locale se heurte à une très faible représentativité de la pêche professionnelle, avec seulement deux Comités de villageois de la pêche (Covipem) réellement actifs sur les 12 identifiés.

Les difficultés pour accompagner ce secteur, et l’absence de résultats tangibles (même si on note des progrès) relèvent de la même problématique que pour le secteur agriculture. Ce bilan quelque peu accablant interroge sur les moyens et l’action déployés par la Capam pour accompagner ces secteurs, sur la capacité des agents en termes de compétences et de formation pour s’adapter à un nouveau contexte. Ce constat renvoie à un problème plus général de gouvernance globale de la structure, de cohérence et cohésion dans l’affichage politique des priorités consulaires. Il pose également la question de l’évaluation des programmes engagés par les pouvoirs publics qui a fait largement défaut, ce qui n’a pas permis d’engager des mesures correctives à temps. Ce rapide tour d’horizon montre à l’évidence, l’intérêt d’un outil d’analyse des données économiques des exploitations ou des filières, d’identification des besoins en matière d’accompagnement, de conseils, de formation, d’appui juridique, de mise en œuvre opérationnelle des politiques publiques européennes et départementales (installation, transmission, identification de priorités en matière de contribution à la préservation de l’environnement...).

L’essor de la filière pêche et aquaculture passe par un divorce, qu’il appartient désormais aux pouvoirs publics d’arbitrer sans dommages.

Zaïdou Bamana​​​​​​​