Au milieu des fausses plantes de ce salon de thé de Sada, un livre vert trône sur une table basse. Son nom n'est pas des plus aguicheur : "rapport de la commission d'enquête sur la gestion des risques naturels." Derrière ce pavé de 700 pages (réparties sur deux tomes), se cachent de nombreuses auditions d'experts et des mois de travaux de ladite commission, présidée par Mansour Kamardine, alors député de Mayotte. Le rapport a été rendu en mai 2024, sept mois plus tard Mayotte était dévastée par le cyclone Chido.
"On a beaucoup navigué à vue"
L'ancien élu a organisé une conférence de presse ce samedi 22 février pour présenter ces travaux et les 55 recommandations émises par la commission. "Il y a eu un laisser-aller assez coupable", constate Mansour Kamardine dans la perception des risques naturels à Mayotte. Selon lui, le bât blesse surtout dans la gestion de la crise après le cyclone à cause de l'absence de plan ORSEC, pour organisation de la réponse de sécurité civile, sur le territoire. "Il faut un document qui soit élaboré par tous et qui définit ce que doivent faire les maires, le préfet et le ministère des Outre-mer", explique Mansour Kamardine. "Ça a manqué, on a beaucoup navigué à vue."
Autre grief : le positionnement de la plateforme logistique et de gestion de crise à La Réunion. "Nous avons basé la gestion de la crise sur ce qui a été fait après le passage d'Irma à Saint-Martin et Saint-Bathélémy", affirme l'ancien député. "On a sous-estimé la capacité de Mayotte à gérer la crise et on a, à mon goût, privé le préfet de certaines marges de manœuvre." La commission d'enquête recommande aussi de mettre en place un observatoire des risques naturels, une journée de sensibilisation sur le sujet, de doubler le nombre de pompiers présents à Mayotte ou encore de doter Météo France de radars de précipitation. "C'est en cours", glisse à ce sujet le conseiller départemental Abdoul Kamardine.
Un géographe en dépression
Si la conférence n'a pas déplacé les foules, elle a intéressé des publics concernés. Parmi la dizaine de personnes présentes, le géographe Saïd Hachim n'a pas hésité à émettre son avis, plus critique sur le degré de préparation du département. "Le 13 décembre, j'ai fait la mairie de Sada, j'ai fait la mairie de Chiconi, de Dembéni et de Mamoudzou, personne n'était préparé à ça", constate l'expert. "Je suis presque en dépression parce qu'on ne voit rien venir à ce niveau." Il prend pour exemple les débats autour de la mise en place du plan national d'adaptation au changement climatique. "J'ai consulté les pré-rapports, et il n'y a pas un mot sur Mayotte, alors que c'est le territoire le plus exposé."
Reste la loi-programme pour Mayotte qui doit être présentée d'ici fin mars et pourrait corriger le tir. "Il faut repenser complètement l'aménagement du territoire", martèle Mansour Kamardine. Au-delà du risque cyclonique, le territoire est aussi exposé à au risque sismique et à la montée des eaux. "Les experts nous ont dit que la piste de l'aéroport de Petite-Terre serait inondée d'ici 2034", poursuit-il, prenant également pour exemple la circulation des barges.