Le constat accablant du contrôleur général des lieux de privation de liberté sur Mayotte

Centre pénitentiaire de Majicavo
Le Contrôleur général des lieux de privation de libertés (CGLPL) a publié trois rapports ce 27 novembre. L'un concerne le centre pénitentiaire de Majicavo, l'autre le centre de rétention administrative et le dernier, le centre hospitalier de Mayotte. Tous tirent la sonnette d'alarme sur les conditions de détention et d'hospitalisation des personnes.

Le centre pénitentiaire de Majicavo : "dégradation des conditions de détention"

Cinq contrôleurs ont effectué une visite inopinée au centre pénitentiaire du 2 au 6 octobre 2023. Leur constat est sans appel. "Depuis sa mise en service, le centre pénitentiaire connaît une suroccupation chronique qui ne fait qu’augmenter... Un tel niveau de surpopulation carcérale entraîne la dégradation des conditions de détention de l’ensemble de la population pénale."  En 2023, le pic de 620 détenus a été atteint, dont 245 dormaient sur un matelas au sol. " Avec 35 % de la population dormant par terre, les détenus doivent renoncer à disposer d’espace pour se mouvoir a minima dans des cellules trop encombrées et insuffisamment meublées", indique le rapport du CGLPL. L'accès aux soins et aux diverses activités est également entravé, voire impossible, " faute de place, faute de personnel, faute de locaux en nombre suffisant, faute de temps et d’organisation des mouvements également, entraînant attente, retards et annulations." Ces conditions de détention mettent en péril l'intégrité physique et psychique des prisonniers. "Largement livrés à eux-mêmes, mal nourris et mal vêtus, les détenus peinent d’autant plus à se percevoir comme sujets de droit", conclut le rapport.

DDPAF

Le centre de rétention administratif : "des pratiques particulièrement graves"

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a également envoyé ses agents au centre pénitentiaire de Mayotte, situé à Pamandzi. Deux visites de nuit ont été effectuées au CRA et au centre d’évaluation sanitaire initiale (CESI). "Les contrôleurs ont relevé une forte dégradation des conditions de privation de liberté et de prise en charge des personnes retenues depuis la visite de 2016, alors que les constats étaient déjà alarmants", affirment les professionnels. Le CGLPL dit être conscient de la situation démographique, sociale et économique de Mayotte, mais il "déplore la violation des droits fondamentaux des personnes enfermées au mépris du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile." Un point particulier est soulevé, celui du rattachement des mineurs. "Le CGLPL déplore également la persistance de pratiques particulièrement graves, telles que le rattachement purement fictif d’enfants à des adultes non apparentés dans le seul but de les éloigner." Le rapport pointe aussi du doigt les procédures administratives qui sont automatisées. "Les procès-verbaux des services interpellateurs et les mesures d’éloignement sont tous stéréotypés, motivés de la même façon sans considération de la situation personnelle de l’intéressé, notamment de sa vie privée et familiale. Seuls le nom et la date de naissance changent." Une pratique qui empêche les personnes de jouir de leurs droits.

Le service psychiatrie du centre hospitalier de Mayotte est également pointé du doigt.

Le centre hospitalier de Mayotte : un service psychiatrique délaissé

Trois contrôleurs se sont également rendus au centre hospitalier de Mayotte en octobre 2023. Ils ont contrôlé l’unité de psychiatrie, le service des urgences ainsi que les trois chambres dites carcérales situées dans les services d’hospitalisation du CHM. Le CGLPL précise que le contrôle a été fait en période de crise. Cela étant, les conclusions restent préoccupantes. "Il n’existe dans le département aucun lit d’hospitalisation complète en pédopsychiatrie et les mineurs de 16 ans sont hospitalisés en secteur adulte ce qui est à proscrire. Les plus jeunes sont envoyés sur l’Ile de la Réunion, voire dans l’hexagone, ce qui porte atteinte à leur vie privée et familiale", peut-on lire dans ce rapport. Le service de psychiatrie est presque délaissé, de ce fait, le budget alloué est faible. Une douzaine de millions sur les 340 millions de budget global du centre hospitalier de Mayotte. "Le sous-dimensionnement chronique de l’offre d’hospitalisation complète en psychiatrie entraîne des atteintes particulièrement graves aux droits fondamentaux des patients placés en soins sans consentement ou sous-main de justice et les met en danger", selon le CGLPL.