À Antananarivo, la pluie tant attendue par les Malgaches depuis des semaines est finalement tombée vendredi soir. Déclenchée artificiellement pour alimenter les rivières asséchées, elle est toutefois un cauchemar pour les habitants des bas quartiers. À l'exemple d'Eliane qui vit avec son mari et ses trois enfants dans une petite maison en bois et en tôle, recouverte de sacs de riz. À chaque averse, leur toit percé transforme leur quotidien en épreuve. “Hier, quand la pluie est tombée, tout de suite l’eau a envahi la maison. Tous nos vêtements sont mouillés. On est allés se réfugier chez les voisins qui ont une maison en briques. Chez nous, tout a été inondé, le matelas là, il est entièrement trempé”, raconte la mère de famille.
Dans ces quartiers, la pluie est synonyme de canaux bouchés et d’insalubrité. Faute d’entretien public, certains habitants tentent de limiter les dégâts. Deux fois par semaine, Tatamo, qui est lavandière, essaye de nettoyer le canal d’évacuation des eaux usées en face de chez elle, mais son combat est sans fin. “Il y a des gens qui ramassent les ordures et viennent les jeter chez nous, alors qu’on nettoie ici tous les mardis et mercredis. On leur demande de ne pas jeter les ordures ici mais ils n’écoutent pas, alors que l’eau est sale et les ordures entrent chez nous”, explique Tatamo.
L'économie locale paralysée
Dans ce quartier d'Antananarivo, la plupart des maisons en bois sont construites sur pilotis, mais cela reste insuffisant face à la montée des eaux. “On a construit la maison en hauteur pour que l’eau n’entre pas dans la maison. Et quand on se prépare à la montée des eaux, on met aussi notre lit en hauteur. Mais quand l’eau monte, ça touche le parquet. On ne peut pas quitter notre maison parce qu’on ne sait pas où mettre nos meubles. On ne va pas les laisser ici sans surveillance, sinon les voleurs vont venir nous cambrioler”, selon Adéline, une retraitée.
Les difficultés d’accès paralysent aussi l’économie locale. Volatina vend des bouteilles vides et des canettes pour survivre, mais lorsque les ruelles sont inondées, elle ne peut plus travailler. “Quand c’est la saison des pluies, les enfants ne peuvent pas sortir à cause de la montée des eaux, le canal que vous voyez est débordé. On reste confinés ici, à la maison, alors que la maison est inondée. En plus, on ne mange pas suffisamment, je n’arrive pas à vendre, peut-être que j’arrive à gagner 60 centimes en une journée”, témoigne Volatiana.
Dans les quartiers pauvres, certains habitants comme Laurence, récupèrent l’eau stagnante. Une eau insalubre, mais nécessaire pour cette vendeuse de sachets plastiques. Laurence, une autre vendeuse explique que “cette eau, c’est pour laver les pieds et les chaussures. On utilise l’eau potable du bidon uniquement pour faire la cuisine et laver les vêtements, parce que ça coûte trop cher, c’est triste.”
Cependant, cette eau insalubre n’est pas sans risques pour la santé : fièvre, toux et maux de ventre, s’ajoutent au quotidien déjà difficile des Malgaches. Si les plans d’urgence sont activés en cas de cyclones, les simples pluies laissent ces familles livrées à elles-mêmes.